Passé complètement inaperçu pour cause de médiatisation de la guerre commerciale de Trump, le conseil présidentiel des Partenariats internationaux tenu le 6 avril a pourtant été marqué par de nouvelles inflexions dans les orientations de la politique d’aide au développement. Celle-ci devra être plus en ligne avec les priorités économiques stratégiques de la France à l’international, incluant le commerce extérieur, remettant un peu plus en cause le principe de l’aide déliée.
Les entreprises françaises qui appellent de leur vœux une meilleure collaboration avec les services de l’État pour être davantage associées à la réalisation de projets de développement financés par la France, en particulier le groupe AFD (Agence française de développement) doivent sans tarder lire attentivement le relevé de conclusions du dernier conseil présidentiel des Partenariats internationaux du 6 avril.
Car il écorne un peu plus le sacro-saint principe de l’aide déliée, auquel la France continue à se référer en vertu de ses engagements internationaux, et qui établit en principe que son aide au développement à un pays étranger ne doit pas être liée à l’acquisition par ce même pays de biens et services français.
Le relevé de conclusions du conseil présidentiel des Partenariats internationaux concerne les orientations de la politique d’aide au développement mais aussi la politique d’alliances stratégiques avec des pays étrangers. Et il intervient dans le contexte d’un resserrement budgétaire qui justifie, selon le document, un nouveau recentrage des priorités.
« Valoriser l’offre française dans toutes ses dimensions »
Les grands principes sont réaffirmés : « La France réaffirme aujourd’hui résolument sa vision progressiste et humaniste, et son ambition de sortir des dépendances de l’aide au développement ». Mais ils sont revus à l’aune des nouvelles priorités nationales en matière de croissance économique et d’emploi : « Notre nouvel agenda de partenariats internationaux et d’investissement solidaire et durable vise à répondre aux attentes des Français et de nos partenaires […], conjuguant nos intérêts diplomatiques et économiques et ceux de nos partenaires ».
Ainsi, indique le document, « il s’agit notamment de valoriser l’offre française dans toutes ses dimensions – expertise publique et privée, savoir-faire, financements associés – pour répondre à la demande de nos partenaires, notamment en matière d’infrastructures critiques, tout en consolidant nos intérêts stratégiques ».
Dans la même veine, l’impact des actions et le retour sur investissement deviennent également une priorité et doivent être plus visibles : « L’impératif national de redressement de nos finances publiques nous rappelle aussi l’importance de recentrer nos efforts là où ces partenariats ont le plus d’impact et d’efficacité, de notre point de vue et de celui de nos alliés » indique le document. « Les retombées concrètes se matérialisent pour les Français sous forme d’emploi créé mais aussi d’expertise accumulée, d’exportations, de sécurisation de nos approvisionnements stratégiques ».
Des sujets sur la table du prochain conseil présidentiel pour le commerce extérieur
Le document évoquent aussi des sujets qui seront également examinés lors du prochain conseil présidentiel pour le Commerce extérieur (CPCE), dont la tenue est toujours annoncé pour mai.
« Le déploiement de nos partenariats, notamment en matière d’infrastructure, concourt au programme européen Global Gateway, en ciblant les secteurs et les corridors les plus stratégiques pour les intérêts des Français » lit-on dans ce document. Compte tenu des retombées économique des projets dans lesquels s’impliquent des opérateurs ou des entreprises françaises, « cette action fera aussi l’objet d’un examen par le Conseil présidentiel pour le commerce extérieur (CPCE) ».
Concernant les différents instruments de soutien public, ils se concentreront « sur les secteurs économiques dans lesquels l’offre française est présente et compétitive, dont les sept filières stratégiques identifiées en 2023 (santé, agriculture, transports, numérique, transition énergétique, ville durable et industries culturelles et créatives) et des secteurs d’avenir (minerais critiques, intelligence artificielle, géospatial notamment), en cohérence avec notre politique économique et industrielle ».
Dans ce cadre, les différents opérateurs publics et instruments de soutien financier français, sont appelés à davantage travailler ensemble. « Un travail sera mené, notamment dans la perspective du CPCE, pour renforcer la mobilisation conjointe des outils de soutien aux entreprises (comme les prêts du Trésor et l’aide à l’export de Bpifrance) et des outils de financement du Groupe AFD, ciblant les acteurs économiques français (startup, PME, ETI et grands groupes) susceptibles de se positionner sur des marchés à l’étranger financés par la France et par d’autres bailleurs de fonds » indique ainsi le relevé de conclusion.
Contacté par Le Moci le 14 avril, les services presse des différents organismes cités dans le document, soit le groupe AFD, Business France et Bpifrance n’ont pas encore réagi au moment où nous bouclons cet article. Mais le document présidentiel est clair : « Business France, Bpifrance et les services de la DG Trésor renforceront leur collaboration avec le Groupe AFD pour diffuser aux entreprises françaises, le plus en amont possible, ces opportunités de marchés et les appuyer dans la préparation des réponses aux appels d’offres et la mobilisation de financements ».
Notons que cette collaboration accrue entre ces différents opérateurs est poussée par les gouvernements successifs depuis quelques années déjà. A titre d’exemple, en mars 2021, le groupe AFD et Bpifrance signait leur premier accord de partenariat visant à renforcer leur coopération. L’AFD publie d’ailleurs depuis deux ans un bilan annuel des retours de ses financements sur les entreprises françaises. Il est d’ailleurs plutôt bon : 71 % lors de sa première édition en avril 2023. Reste que cette orientation devrait être accentuée désormais, ce qui devrait réjouir les milieux d’affaires français concernés.
Christine Gilguy