C’est une nouvelle réjouissante face aux mauvais résultats du commerce extérieur, plombés par les effets de la crise sanitaire : la France tire son épingle du jeu en termes de part de marché sur longue période, même si elle a du souci à se faire à court terme, notamment en Afrique, selon le Rapport du commerce extérieur de la France publié par la Direction générale du Trésor le 9 février.
Sur la période 2012-2019, juste avant le déclenchement de la pandémie de Covid-19, la France a réussi à stabiliser sa part de marché (PDM) en valeur dans les exportations mondiales à 3 % pour le seul commerce des biens, et à 3,5 % pour le commerce des biens et services. Un bon résultat, mais en ligne avec les évolutions similaires constatées pour les autres membres de la zone euro.
La tendance baissière constatée depuis 1990, avec une PDM mondiale passée de 6,4 % à 3,5 % sous l’effet de la montée en puissance des grands pays émergents tels que la Chine*, a été stoppée, du moins jusqu’en 2019.
Même tendance favorable en volume (corrigées des variations de prix) : la PDM de la France a atteint 3,5 % pour les exportations de biens et services en 2019, au même niveau que 2018.
Même chose pour les autres grands exportateurs avec l’Allemagne (à environ 7,4 % depuis 2010), l’Espagne (environ 2 % depuis 2010), l’Italie (2,5 % en 2019, après 2,6 % sur 2013-2018), le Royaume-Uni (3,8 % depuis 2014), le Japon (3,6 %). Seule la PDM des États-Unis s’est érodée, passant de 11 % en 2014 à 10,2 % en 2019.
D’après le rapport de la DG Trésor, plusieurs facteurs ont favorisé cette évolution pour la France : le ralentissement de l’intégration des pays émergents dans le commerce mondial -les parts de marché de la Chine ont cessé d’augmenter depuis 2015 -, le redressement de la compétitivité-coûts grâce aux mesures d’allègement de charge et d’incitation fiscale, et les performances de secteurs tels que l’aéronautique.
Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur cette tendance ?
Recul au premier semestre 2020
Il est encore trop tôt pour avoir le recul suffisant, indique la DG Trésor. Mais on peut sans mal anticiper que la PDM de la France pourrait être affectée par les lourdes pertes de certains secteurs de spécialisation comme l’aéronautique (pour les biens) ou le tourisme (pour les services).
Pour rappel, les exportations françaises aéronautiques et spatiales ont chuté de -45,5 % en 2020, à 35 milliards d’euros (Md EUR), et les livraisons de – 49,1 %. Pour leur part, les exportations de services de voyages, ont accusé une chute historique de – 49,8 %, à 28,6 Md EUR (voir notre article sur le bilan 2020).
De fait, les premières tendances de 2020 sont négatives pour la France et ses principaux compétiteurs. Sur le premier semestre (S 1), comme l’ensemble des grands pays exportateurs, elle a en effet accusé le choc des restrictions sanitaires imposées par les premiers confinements.
La PDM de la France dans les exportations mondiales de biens a reculé de -0,2 point pour atteindre 2,8 % sur cette période (janvier-juin 2020). C’est un peu plus que les reculs enregistrés par celles de l’Espagne, de l’Italie, du Royaume-Uni, du Japon, de seulement -0,1 point. Mais c’est du même niveau que la baisse enregistrée par les États-Unis (-0,2 point).
Seule émerge la Chine, qui a confiné plus vite mais est sortie plus tôt des restrictions sanitaires et a pu relancer sa machine exportatrice : sa PDM a gagné +0,5 point au cours du premier semestre 2020.
Afrique : érosion continue de la part de marché
Par grandes zones géographiques, la seule zone où la France affiche sa meilleure performance en termes de PDM dans les exportations mondiales de marchandises reste l’Afrique : 5,4 % en 2019, 5,2 % au S 1 2020. Mais c’est aussi la seule zone où celle-ci s’érode depuis 2010, année où elle atteignait 7,9 %, alors qu’ailleurs elle se stabilise, voire regagne un peu de terrain. L’Hexagone a perdu la première place au profit de la Chine dès 2006.
La Chine, qui était à 12,8 % de PDM en 2010, est à 19,9 % au S 1 2020, comme en 2019 : c’est essentiellement à son profit que la France, mais aussi ses principaux partenaires de la zone euro, ont reculé en Afrique, à l’exception de l’Espagne, qui a vu sa PDM progresser de 3 à 3,8 % entre 2010 et 2019.
Les dix-neuf pays membres de la zone euro ont toutefois encore de l’avance sur la Chine, totalisant 23,7 % de PDM au S 1 2020 (25,2 % en 2019 et 28,3 % en 2010).
Au S1 2020, le top 8 des pays exportateurs sur le continent africain était, dans l’ordre : Chine (19,9 %), France (5,2 %), Allemagne (4,1 %, après 4,5 % en 2019), États-Unis (4 %, après 4,2 % en 2019), Espagne (3,5 %), Italie (2,7 %, après 3,1 % en 2019), Japon (1,6 %, stable), Royaume-Uni (1,7 %, après 1,9 % en 2019)
Europe et Asie : au 3e et 6e rang
L’Europe et l’Asie sont les deux zones, après l’Afrique, où la France atteint ses meilleures PDM, malgré une certaine érosion.
En Europe, elle affiche la 3e meilleure PDM avec 4,9 % au S 1 2020 (5,1 % en 2019, 5,8 % en 2010), derrière le leader, l’Allemagne (14,1 %, stable), et la seconde, la Chine (7,7 %, stable). Les États-Unis sont 4e avec 5,3 % (5,2 % en 2019), suivi au 5e rang par l’Italie (4,9 %, stable), au 6e rang par le Royaume-Uni (3,5 % stable), au 7e rang par l’Espagne (3,3 %, stable) et au 8e rang par le Japon (1,3 %, après 1,4 % en 2019).
En Asie Pacifique et Océanie, la France est 6e avec une PDM de 1 % au S 1 2020 (1,3 % en 2019). La Chine, dont c’est la zone d’influence naturelle, conforte sa place de numéro 1 avec 18,4 % (18,3 % en 2019), suivie en 2e position des États-Unis avec 7,6 % (7,5 % en 2019), et en 3e du Japon avec 6,7 % (6,5 % en 2019). L’Allemagne est 4e avec 3,8 % (3,7 % en 2019) et le Royaume-Uni 5e avec 1,2 % (1,4 % en 2019).
Amériques : au 7e rang des parts de marché
En Amérique du Nord, où la France a regagné des PDM depuis 2010, l’Hexagone affiche la 7e meilleure performance avec 1,6 % au S 1 2020 (1,8 % en 2019, 1,5 % en 2010), devant l’Espagne (0,6 %).
Elle est loin derrière le leader, la Chine (15,7 %, après 15,8 % en 2019), et les États-Unis, second, avec 9,6 % (10,2 % en 2019). L’Allemagne est 3e avec 4,8 % (5,1 % en 2019), suivi au 4e rang du Japon (4,5 %, après 5,2 % en 2019), au 5e rang du Royaume-Uni (2,6 % stable) et au 6e rang de l’Italie (2 %, après 1,9 % en 2019).
Enfin en Amérique latine, la France fait un peu mieux avec une PDM de 1,2 % (1,4 % en 2019) mais n’en reste pas moins au 7e rang, devant le Royaume-Uni (0,8 % de part de marché).
Le numéro 1 est, logiquement, les États-Unis avec 40,5 % de PDM (40,6 % en 2019), devant la Chine 15,6 % (après 14,7 % en 2019). Suivent dans l’ordre l’Allemagne, 3e avec 3,7 % (3,9 % en 2019), suivi au 4e rang du Japon (2,7 %, après 2,8 % en 2019), au 5e rang de l’Espagne (1,5 %, après 1,7 % en 2019) et au 6e rang de l’Italie (1,3 %, après 1,5 % en 2019).
La Chine creuse l’écart
Pour terminer cette revue des parts de marché, il semble que la crise sanitaire ait pour conséquence que la Chine creuse l’écart avec les autres grandes puissances exportatrices.
Selon les données du rapport de la DG Trésor, ses PDM en valeur dans les exportations mondiales de biens atteignaient 16 % au deuxième et troisième trimestre 2020, alors qu’elles étaient à 13,3 % en moyenne sur l’année 2019. Un indicateur incontestable de la reprise plus rapide de sa machine économique.
La PDM de son suivant, les États-Unis, est tombée à 7,9 % (troisième trimestre 2020) contre 8,7 % sur 2019. L’Allemagne, 3e, résiste mieux : avec 8 % au troisième trimestre 2020, sa PDM se redresse et dépasse celle de 2019 (7,9 %).
Suivent les Pays-Bas (3,8 % au troisième trimestre 2020) -mais pays atypique car ses performances sont biaisées par l’importante activité de réexportation-, le Japon (3,3 %), et l’Italie (2,6 %, et 3 % en 2019)
Devancée par son partenaire transalpin, la France se situe donc au 6e rang mondial des pays exportateurs (si l’on met de côté les Pays-Bas), avec une PDM tombée à 2,5 % au deuxième et troisième trimestre 2020 (3 % en 2019). Il faudra donc attendre d’avoir un peu plus de recul pour voir si cette position se redressera à la faveur de la sortie de crise.
Christine Gilguy
* La Chine était devenue en 2009, huit ans après son entrée à l’OMC en 2001, le 1er exportateur mondial devant l’Allemagne.
Pour prolonger, lire également : Commerce extérieur : les exportateurs ont résisté à la Covid-19 jusqu’à présent