Ambition Africa a rassemblé quelque 1 600 participants, dont 700 entreprises de 43 pays africains, les 4 et 5 octobre à Paris, au centre de conférence du ministère de l’Economie. Illustration d’une nouvelle relation partenariale impulsée par le gouvernement français en 2017, ce forum a été l’occasion pour les entreprises des deux continents de nouer des contacts et d’initier des courants d’affaires.
Alors que le sentiment anti-Français semble faire actuellement florès au Mali ou au Burkina Faso, hommes d’affaires et dirigeants politiques africains sont venus en nombre assister à la 4e édition du Forum Ambition Africa, organisé par Business France.
Signe de l’intérêt que portent les entreprises tricolores au continent, quelques 2 000 rendez-vous d’affaires ont été organisés à cette occasion. Agriculture, numérique, santé, énergies renouvelables, agroalimentaire… Des entreprises d’une multitude de secteurs ont répondu à l’appel malgré une conjoncture géopolitique et économique chaotique.
« Ambition Africa a pour objectif de contribuer à créer de nouveaux courants d’affaires entre l’Afrique et la France : export et investissements vers l’Afrique, accueil des investisseurs africains en France, partenariats croisés, tous les modes de coopération sont envisageables pour peu qu’ils soient gagnant-gagnant », a rappelé Christophe Lecourtier, directeur général de Business France. Partenariats, codéveloppement, co-entreprenariat, co-innovation… Il a beaucoup été question de coopération pendant les tables rondes, comme pour faire oublier le fameux « pré carré français ».
Développer l’industrie
Autre sujet abondamment débattu : celui de l’industrialisation. A l’heure où les pays européens mènent des politiques de réindustrialisation tambour battant et réorganisent leurs chaînes d’approvisionnement, nombre de pays africains peinent à mettre en place des unités de transformation des matières premières. « L’Afrique produit ce qu’elle ne consomme pas et consomme ce qu’elle ne produit pas », a résumé Emmanuel Tra Bi, directeur général de l’Industrie au ministère du Commerce, de l’industrie et de la promotion des PME de la Côte d’Ivoire.
Pourtant des initiatives fleurissent pour transformer sur place et capter de la valeur ajoutée, en particulier dans le domaine agricole : huile d’avocat au Kenya, huile d’argan au Maroc, stévia en Algérie ou encore transformation du cacao et de la noix de cajou en Côte d’Ivoire. Au Cameroun, le poivre de Penja bénéficie d’une IGP qui le valorise à l’export.
Alors que la guerre en Ukraine pose la question de la sécurité alimentaire des pays importateurs de céréales, ces derniers développent des alternatives. « Il faut trouver des produits de substitution au blé russe ou ukrainien pour faire du pain et nous le faisons avec des farines de magnoc, de patate douce ou de banane plantin qui ont l’avantage d’être sans gluten », a expliqué le ministre de l’Agriculture camerounais Gabriel Mbairobe.
Les défis de l’agriculture africaine
Avec 65 % des terres arables disponibles dans le monde, l’Afrique pourrait-elle devenir le grenier à blé du monde ? Pour Marc Debets, « ce serait bien qu’elle devienne celui de l’Afrique ! » Pour le président du cabinet de conseil Apexagri « l’enjeu prioritaire des politiques africains en ce moment est de savoir comment ils vont nourrir leur population ». Il a par ailleurs regretté un manque de financements pour des petits projets dans les secteurs agricole et agroalimentaire, un « paradoxe » alors que les financements pour des projets de grandes tailles et bien structurés existent.
Lydia Merrouche, fondatrice de Fossoul, société algérienne produisant des fruits et légumes sans pesticides, a trouvé la parade. « Depuis 2016, nous fonctionnons en autofinancement et nous avons pu nous lancer dans la transformation en 2019 », a expliqué la dirigeante. Comme partout dans le monde, les états africains sont sortis surendettés de la crise sanitaire et les financements se font rares. « Pour faire décoller l’agriculture, les partenariats public-privé sont tout indiqués », croit Gabriel Mbairobe.
Des pays encore réticents aux opérateurs privés
Pourtant cette collaboration entre public et privé est loin d’aller de soi comme a pu en témoigner Stéphane Carre, président de Cerba Lancet Africa. Le premier acteur panafricain de biologie médicale, issu d’un partenariat entre le biologiste français Cerba Healthcare et son homologue sud-africain Lancet Laboratories. « Pendant la crise sanitaire nous avons proposé notre aide aux Etats pour augmenter le nombre de tests et nous avons été surpris de la réaction de certains, en particulier en Afrique francophone, qui se sont montrés très fermés aux opérateurs privés. » Ce qui n’a pas pour autant refroidi le dirigeant. Pour pallier des frais d’approche et des taxes douanières élevés qui font augmenter les coûts des consommables, Cerba réfléchit actuellement à produire localement certains d’entre eux.
En attendant, la crise sanitaire et les conséquences de la guerre en Ukraine ouvrent de nouvelles perspectives aux investisseurs privés. « Deux grands secteurs relativement nouveaux ont d’importants besoins financiers : le digital et le numérique ainsi que les infrastructures sociales comme l’éducation et la santé », témoigne Mathieu Peller, directeur opérationnel du fonds Meridiam pour l’Afrique, principalement actif dans les transports, les énergies propres et les infrastructures.
Dans un contexte macroéconomique particulièrement instable, l’Afrique se cherche ainsi une place dans la chaîne de valeur mondiale et de nouvelles sources de financements. En attendant, sur le terrain, « les bateaux qui partent en Afrique ou en reviennent sont pleins à 100 %, ce qui est un indicateur très positif de nos échanges », a souligné Patrice Bergamini, vice-président chargé des affaires publiques de CMA CGM, un des leaders du transport maritime et de la logistique en Afrique. Un signe positif, en effet, de la vigueur des échanges, malgré le contexte .
Sophie Creusillet