Si les entreprises allemandes continuent à accorder des délais de paiement à leurs clients, les retards tendent à s’accroître, et le risque de crédit suit, d’après la dernière enquête de Coface sur les comportements de paiement en Allemagne. Signe d’une certaine détérioration de l’environnement des affaires.
Ce n’est pas un tsunami mais une tendance inquiétante pour les spécialistes du risque de crédit que met en exergue la 8ème enquête de Coface sur les comportements de paiement des entreprises en Allemagne intitulée fort à propos « la pression monte sous le couvercle ». Le genre de signal à bas bruit que les assureurs-crédits adorent détecter le plus tôt possible.
Côté pratiques de paiement, les entreprises Outre-Rhin restent fidèles à leur réputation de meilleur élève de l’Union européenne (UE) : 80 % continuent à accorder des délais, soit 1 point de plus que la précédente enquête, et les délais de paiements restent courts, avec 32,1 jours, parmi les meilleurs de l’Union européenne, et le meilleur des pays sur lesquels Coface produit ce genre d’enquête.
C’est le niveau élevé des retards de paiement, et leur tendance à s’accumuler, qui inquiète. D’après l’étude de Coface, 78 % des entreprises déclarent de nouveaux retards de paiement, un taux qui s’est « normalisé » par rapport aux précédentes éditions. Et la durée moyenne de ces retards a très légèrement augmenté à 30,8 jours en 2024.
Mais la part des entreprises déclarant une hausse des retards longs, entre 6 mois et 2 ans, est en augmentation : 16 % en 2024, contre 9 % dans la précédente enquête. Et d’après Coface, c’est le secteur des machines – un pôle d’excellence et fortement exportateur de l’industrie allemande- qui est le plus impacté : 30 % des entreprises de ce secteur déclarent des retards de paiement supérieurs à 2 % de leur chiffre d’affaires annuel, ce qui commence à peser. D’où l’augmentation du risque d’impayé, donc du risque de crédit.
« Les retards de paiement représentent un risque croissant pour les entreprises allemandes, estime Christiane von Berg, économiste Benelux, Allemagne, Autriche et Suisse chez Coface. D’après notre expérience, 80% de ces impayés ne sont globalement jamais remboursés et représentent donc un risque commercial important, qui pourrait conduire à terme à l’insolvabilité. On observe ainsi dans les entreprises la mise en place de stratégies de réduction des risques et un changement d’état d’esprit pour faire face à ces perspectives assombries ».
De fait, côté perspectives, le moral actuel des entreprises allemandes est à l’image de la mauvaise passe que traverse leur économie : en berne. Ainsi, 48 % indiquent que leur activité s’est détériorée entre 2023 et 2024 pour 9 % qui signalent une amélioration. « Le ressenti des entreprises est aujourd’hui plus pessimiste qu’après le début de la pandémie de Covid en 2020 ou le début de la guerre en Ukraine en 2022 » constate Coface.
Pour 2025, elles misent sur une stabilité de leur activité par rapport au niveau très bas de 2024. Mais elles sont inquiètes, mettant « l’incertitude politique » dans le pays et dans le monde en tête des facteurs de risques, notamment à l’export. « L’Allemagne perd en effet de son attractivité économique au profit des États-Unis et d’autres pays de l’UE » constate Coface.
Dans ce contexte, davantage d’entreprises allemandes cherchent à réduire leur exposition aux risques : 16 % ont eu recours à des « mesures d’atténuation des risques » en 2024, contre 12 % en 2023, et près d’un tiers -29 %- « prévoient de mettre en œuvre de telles stratégies dans les trois années à venir, en particulier dans les secteurs exportateurs tels que les machines, les TIC ainsi que les produits pharmaceutiques et chimiques ».
C.G
L’intégralité de l’étude est en ligne (en anglais) sur le site de Coface. Cliquez ICI