Les Allemands sont « des chasseurs de bonnes affaires », dit-on couramment. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, « ils ont développé l’habitude, qui est devenue forte aujourd’hui, de consommer à distance (VPC…) », soulignait Frédéric Berner, directeur général adjoint de la Chambre de commerce et d’industrie française en Allemagne (CCFA), lors d’une journée sur l’e-commerce en Allemagne, organisée, le 14 mars à Paris, avec CCI Paris Ile-de-France.
C’est ainsi que sur une population totale de 80,7 millions d’habitants en 2016, 71 millions utilisaient Internet et plus de 52,3 millions l’e-commerce. Ce qui peut paraître énorme, mais le marché allemand du e-commerce est le deuxième en Europe, avec 80 milliards d’euros en 2015 – et pourtant, il reste relativement modeste comparé au Royaume-Uni (134 milliards). Outre-Rhin donc, un euro sur sept est dépensé dans l’e-commerce.
10 milliards d’euros de vêtements achetés en ligne
Par rapport à l’acheteur lambda, le consommateur allemand d’e-commerce n’est pas très différent : il est encore plus souvent une femme que de coutume (à 55,5 %) et la principale catégorie à recourir au e-commerce est la tranche d’âge entre 30 et 39 ans (à hauteur de 80 %). Le panier moyen, en hausse de 11 % en un an, s’élevait ainsi à 1 352 euros en 2016, ce qui n’est pas si éloigné du chiffre enregistré au Royaume-Uni (1 551 euros).
Selon Frédéric Berner, la part des services et des biens dans le commerce en ligne est de l’ordre de 20-80 %. Avec pour les marchandises, nombre de vêtements, de livres, d’électronique et de chaussures. Mais pour chaque produit des proportions qui différent. Ainsi, 41 % des ordinateurs et du matériel musical et photographique sont achetés ainsi, 34 % des jouets, 30 % des photos et seulement 1 % des produits agroalimentaires.
Ainsi, en 2015, d’après la Fédération allemande du e-commerce et de la vente à distance (Bevh), plus de 10 milliards d’euros de vêtements ont été achetés en ligne, contre 8,5 milliards un an auparavant, et 7,6 milliards d’articles électroniques et de télécommunication, contre 5,7 milliards en 2014. S’agissant des services, 85 % touchaient à la mobilité (tickets de train, de bus…) et aux voyages, n ce qui représentait 10 000 milliards d’euros.
Autre spécificité du marché allemand, a confié Frédéric Berner, près de 49 % de l’e-commerce sont réalisés sur des places de marché, « ce qui est énorme », affirmait-il encore. Deux mastodontes se détachent, e-Bay (65 000 marchands) et Amazon (60 000), largement devant Yatendo (10 000). En chiffre d’affaires utilisateurs (hors e-Bay), d’après EHI Retail Institute, Amazon écrasait le marché avec un montant de 7,8 milliards d’euros en 2015, devant Otto (2,3 milliards) et Zalando (1 milliard).
Encore une particularité outre-Rhin, le taux de retour des produits est élevé, en moyenne de 41 % en 2015 (50 % chez Zalando), contre 24 % en France. Soit l’article ne convient finalement pas, soit il ne plaît pas, ou encore il est défectueux et ne correspond pas à la description. A 94 %, « quand il retourné, il est en bon état », a précisé le dirigeant de la CCFA. Cet aspect est tellement ancré dans le comportement des ménages que, pour limiter les retraits, les professionnels proposent de nombreuses photos et vidéos des articles, des conseils préalables avant d’acheter, par chat ou téléphone, des avis et des évaluations sur les produits, ou encore des échantillons à envoyer.
Attention à la confiance du consommateur
En matière de paiement, les Allemands sont aussi différents. Alors que le paiement à la livraison est très faible au Royaume-Uni (2 % seulement) et même en France (4 %), il monte en flèche outre-Rhin (32 %). Enfin, la confiance est indispensable. Naturellement méfiant, le consommateur est attentif aux labels de garantie dont disposent les sites marchands, labels de garantie – du type Trusted Shops qui est devenue référent en Allemagne – que l’on retrouve même aujourd’hui en vitrine des magasins physiques.
Trusted Shops a été créé par le Français Jean-Marc Nöel en 1989 en plein essor d’Internet. L’entreprise ne se contente pas de garantir la qualité du vendeur, mais elle garantit aussi le remboursement du consommateur en cas de problème et récupère aussi les avis des acheteurs. « Aujourd’hui, nous sommes 310 salariés, 30 000 références utilisent notre système pour créer la confiance dans douze pays et nous récupérons plus de 700 000 avis par mois sur le service que nous offrons et les produits commercialisés », a indiqué Jean-Marc Nöel.
Attention aux abus ! « Même si vous travaillez en France, si vous vous adressez à un consommateur allemand, vous êtes susceptible de recevoir un abmahnungen, qui est une mise en demeure qui vous est adressée par un concurrent, une association de consommateurs ou une chambre de commerce qui juge que vous êtes dans l’illégalité », mettait en garde Audrey van Essen, experte juridique chez Trusted Shops. Ce système est très dissuasif, selon elle, « il fonctionne bien, évite les abus ». Pour un Français, il faudra répondre en allemand, ce qui doit être encore plus dissuasif. Du coup, le règlement à l’amiable est peut-être pour lui la meilleure solution.
Les raisons principales d’un tel avertissement sont, par exemple, un mauvais formulaire de rétractation, un texte d’informations périmé… Or, le coût d’un tel avertissement n’est pas négligeable : « dans 48 % des cas, en moyenne de 1 500 euros, et, dans la moitié des cas, au-delà », selon Jean-Marc Noël. De quoi faire réfléchir. Outre-Rhin, on ne plaisante pas avec la confiance due au consommateur.
François Pargny
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