Aidée par une rente pétrolière bien gérée, l´Algérie avance et la diversification de l´économie est amorcée. Voici une enquête menée en partenariat avec la revue « Partenaires » de la Chambre française de commerce et d´industrie en Algérie sur un boom économique dans lequel le savoir-faire français, la « French touch », pourrait encore davantage s´investir.
Alger est un vaste chantier. La première ligne de métro doit être mise en service en 2009, la modernisation des trains de banlieue est entamée, la première ligne de tramway est en construction. D´autres réalisations plus « sensibles » encore pour la population sont achevées, comme l´usine de dessalement du quartier du Hamma, qui améliore l´approvisionnement en eau de la capitale.
La multitude de logements en construction témoigne du dynamisme du secteur immobilier, même si l´objectif de construction de 1 million de logements ne sera probablement pas atteint. En « province », les investissements s´accélèrent : projets de tramways d´Oran et de Constantine, dans lesquels Alstom est impliqué, construction de la grande autoroute est-ouest, nouveau projet parallèle plus au sud. Les investissements portuaires, longtemps retardés, semblent désormais imminents…
L´Algérie bénéficie à plein de la nouvelle conjoncture mondiale des hydrocarbures, qu´elle exploite grâce à la stratégie judicieuse d´investissement appliquée par l´entreprise publique Sonatrach. « Les caisses de l´État sont pleines, le gouvernement algérien dispose d´une grande marge de manœuvre pour conduire sa politique économique », note un banquier étranger. Et ce d´autant plus que les responsables algériens ont su garder la tête froide face à l´afflux des devises.
Vus de France, certains chiffres de 2007 donnent le vertige : un excédent budgétaire de 11,8 % du PIB, une dette extérieure ramenée à à peine 3,5 % du PIB (contre 25,6 % en 2004…) grâce à une politique de remboursements anticipés. En fait, ils témoignent d´une extraordinaire solidité financière qui met l´Algérie à l´abri, même en cas de « coup de grain » sur le marché pétrolier mondial. Une croissance d´au moins 5 % par an semble garantie au cours des prochaines années.
Les hydrocarbures représentent encore l´essentiel de la richesse du pays : près de la moitié du PIB, plus de 75 % des recettes budgétaires et la quasi-totalité des exportations. Mais l´amorce d´une diversification de l´économie est bien réelle. « Depuis 2006, l´activité hors hydrocarbures progresse plus vite que celle des hydrocarbures, explique Marc Bouteiller, chef de la Mission économique à Alger. Je constate que des projets se concrétisent dans l´agriculture, l´industrie de transformation et les services, grâce au dynamisme croissant du secteur privé. »
Dans l´agriculture, où le potentiel est immense, le redémarrage est difficile mais il est tangible : la production de lait et de céréales augmente, des plans émergent dans les fruits et légumes. Au niveau industriel, le gouvernement s´est doté d´une nouvelle stratégie qui suscite une grande dose de scepticisme. Mais là aussi des projets se concrétisent, notamment dans l´aval pétrolier, la pétrochimie, la transformation alimentaire et le ciment, secteur dans lequel Lafarge vient d´effectuer une implantation majeure. Le faible coût de l´énergie représente désormais un réel avantage compétitif et le potentiel est loin d´être exploité. « L´installation d´une fonderie d´aluminium, par exemple, ne serait pas une absurdité », estime un expert.
Les services offrent également un gros potentiel. La téléphonie mobile a été pionnière en matière de développement du secteur privé, et l´existence d´infrastructures de télécommunications modernes permet désormais d´envisager des investissements dans de nouvelles activités. Le premier centre d´appels vient ainsi d´être inauguré et le pays envisage de se doter d´un réseau de parcs technologiques.
Le système bancaire et financier est en pleine modernisation et quelque treize banques françaises s´y développent aujourd´hui. Dans le commerce, si le poids du secteur informel est un frein, la distribution moderne commence à se développer, principalement sous la forme de supérettes. Signe des temps : alors que Carrefour implante son deuxième magasin, le Conseil national de l´investissement vient de donner son aval pour la construction de deux centres commerciaux.
« La dynamique de la diversification est enclenchée et va se poursuivre au cours des prochaines années et ce, indépendamment de l´évolution de la conjoncture, estime Marc Bouteiller. C´est désormais une tendance lourde de l´économie que les opérateurs français doivent prendre en compte. »
Toutefois, le rythme de la diversification dépendra du degré d´implication du secteur privé, local et étranger. À cet égard, les attentats de 2007 n´ont pas dissuadé les nouveaux investissements étrangers, sauf quelques rares exceptions. Si le risque terroriste subsiste, personne ne croit à Alger au retour à la situation des années 1980.
Plus importante encore est la nécessité d´améliorer l´environnement des affaires. Les autorités algériennes ont entrepris d´importants efforts en ce sens. Reste à mettre tous les discours en rapport avec les réalités du terrain. Ce qui manifestement prend du temps.
Dans ce contexte globalement porteur, les entreprises françaises ont une carte à jouer. La récente fin du contentieux franco-algérien sur les assurances, qui a été immédiatement suivie des premiers projets d´implantation d´assureurs français,dé montre, à cet égard, que le savoir-faire français est prêt à saisir les opportunités.
L´Algérie, candidate à l´adhésion à l´OMC, est devenue un marché ouvert qui attire les opérateurs du monde entier. La proximité culturelle et géographique, la notoriété de l´offre tricolore, l´existence de liens personnels étroits entre Français et Algériens sont en effet des atouts essentiels. Pour preuve, les constructeurs d´automobiles continuent de défendre leurs positions face à la déferlante des marques asiatiques.
En termes d´investissements productifs, la France reste le premier investisseur étranger hors hydrocarbures et a renforcé sa présence en 2007.
Plus que jamais, à l´heure du grand dessein de l´Union pour la Méditerranée, l´Algérie est, pour elle, un marché stratégique.
Daniel Solano, envoyé spécial du « Moci » en Algérie