L’Algérie est porteuse pour les entreprises françaises et son environnement des affaires s’est amélioré pour favoriser la diversification et l’industrialisation du pays. C’est ce que l’on retient d’un atelier organisé le 3 février, par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France (CCIP IdF) avec la CCI algéro-française (CCIAF) et Business France sur les principales nouveautés réglementaires favorables aux exportateurs et investisseurs étrangers. Revue de détails.
Bergerat Monnoyeur, groupe français spécialisé dans la distribution d’engins de chantier, est sur le point d’ouvrir un atelier de maintenance, un investissement de 5 millions d’euros. Castel a racheté au groupe algérien Condor Electronics le verrier Alver, avec des visées africaines. CFAO vient d’ouvrir une ligne de fabrication de granulés et cachets d’aspirine effervescents. Stellantis a annoncé, par l’intermédiaire de Fiat, sa volonté d’investir en Algérie et d’augmenter l’intégration locale de ses véhicules…
Les chiffres clés des relations économiques France-Algérie en 2022
-2ème stock d’IDE hors hydrocarbure : 2,9 Md EUR ;
-250 entreprises françaises implantées, 100 000 emplois ;
-2ème fournisseurs avec 3,7 Md EUR d’exportation (céréales 21 % ; automobile 13,6 % ; produits pharma 7 %).
2ème client de l’Algérie avec 5,2 Md EUR (pétrole 42,3 % ; gaz 34,6 % ; produits raffinés 11,9 % ; engrais 8,5 %)
Ces annonces, égrenées par Romain Keraval, directeur du bureau de Business France à Alger, lors de ce séminaire sur la Loi de finance 2023 de l’Algérie, montrent qu’il souffle incontestablement un vent nouveau dans les relations économiques entre la France et l’Algérie. Il souffle depuis quelques mois à la faveur d’une détente sur les plans politiques et diplomatiques entre Paris et Alger, et du nouveau partenariat stratégique engagé par les autorités gouvernementales des deux côtés de la Méditerranée au plus haut niveau depuis la visite d’Emmanuel Macron à Alger fin août 2023.
Elle a d’ailleurs été suivie de celle de la Première ministre Elisabeth Borne en octobre et de celle, attendue en mai prochain en France à l’invitation du président français, du chef de l’Etat algérien Abdelmadjid Tebboune. « Tous les feux sont au vert » déclarait récemment le président de la CCIAF, Michel Bisac, à l’agence algérienne TSA.
Le boum des exportations hors-hydrocarbures
Le contexte est d’autant plus favorable à une reprise vigoureuse des courants d’affaires entre les deux pays que l’économie algérienne va beaucoup mieux depuis la remontée des cours des hydrocarbures, et que la volonté des autorités d’accélérer la diversification et l’industrialisation du pays, avec force grands projets d’infrastructures, les a conduit, ces derniers mois, à assouplir certaines réglementations et procéder à des ajustements qui commencent à avoir des résultats sonnants et trébuchants.
« Le pays a fait des pas de géant, a observé Halim Ammar Khodja, directeur adjoint de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF). En 2022, il a exporté pour 54 milliards de dollars, dont 7 milliards hors hydrocarbures. C’était à peine 500 millions il y a trois ans ! ». Son économie connaît une croissance de l’ordre de 4 % et ses réserves de change ont retrouver un niveau très confortable de 62 milliards de dollars, soit 15 mois d’importation.
Rappelons-le, la stratégie du gouvernement algérien se résume en deux axes forts : diversifier l’économie encore trop dépendante du gaz et du pétrole en valorisant les productions locales, tant agricoles qu’industrielles, et augmenter les exportations hors hydrocarbures, notamment vers l’Afrique sub-saharienne et l’Europe. Les évolutions législatives et réglementaires intéressant les entreprises intervenues depuis 2022 poussent dans cette direction. Et l’année 2023 a son lot de nouveautés.
Les principaux secteurs porteurs pour les savoir-faire français
La CCAF met en avant six secteurs particulièrement porteurs pour les entreprises françaises, tant à l’export que sur le plan de l’investissement :
–Industries agroalimentaires : 23 000 entreprises, 299 M EUR d’importations d’équipement ;
–Agriculture : 25,6 Md USD de production locale, 310 MEUR d’importations d’équipements ;
–Santé : 175 unités de production locales, 60 nouvelles unités et 68 nouveaux hôpitaux inaugurés en 2022, 500 M EUR d’équipements et dispositifs médicaux importés ;
–Infrastructures : sont en construction 700 km de chemin de fer, 4 nouveaux stades ; projet du grand port du Centre d’un montant de 5 Md USD…
–Plasturgie et emballages : sont importés pour 91 M EUR d’équipements plasturgie importés, 136 M EUR d’équipements pour l’emballage, 600 M EUR pour l’emballage plastique ;
–Pétrochimie : plusieurs grands projets relancés dont un complexe de production de polymères (6 Md USD), un complexe méthanol (6 Md USD), un projet de transformation d’engrais de phosphates en produits dérivés (3 Md USD), deux unités de production de gaz industriels par Sonatrach (150 MEUR).
Concernant les réglementations du commerce extérieur, elles vont dans le sens de réduire les importations de biens finis destinés à la revente en l’état et d’être moins restrictives pour les biens d’équipements et intrants destinés à la production locale. Akram Hamouda, responsable de la veille réglementaire à la CCIAF en a donné les principales.
Commerce extérieur : la domiciliation bancaire reste obligatoire
L’obligation de domiciliation bancaire pour l’importation et revente en l’état s’accompagne désormais d’une obligation (pour l’importateur) de produire un document prouvant que le bien n’est pas fabriqué localement, document délivré par l’Algex (Agence nationale de promotion du commerce extérieur). L’importation de ce type de bien est taxée de 0,5 %. En revanche, ont été supprimées l’obligation de domiciliation 30 jours avant l’expédition ainsi que le dépôt d’une caution de 120 % du montant de la facture.
Même obligation de domiciliation pour l’importation de services. Ils se verront appliquer une taxe de 4 % à l’importation et une retenue à la source libératoire au titre de la TVA et de la taxe sur l’activité professionnelle de 30 % sur le montant facturé. La signature d’un contrat est « fortement » recommandée.
Concernant les moyens de paiement, pas de changement : crédit documentaires, remise documentaires, transferts libres, garantie standby sont possibles. Le versement d’acomptes est autorisé à hauteur de 15 % du montant total, une autorisation de la banque d’Algérie étant nécessaire au-delà. Le paiement du montant restant doit intervenir dans un délai de 365 jours.
Douane : étiquetage en arabe et code barre obligatoires dès mars
Concernant les réglementations douanières, de nouvelles dispositions sur l’étiquetage des produits destinés à la revente en l’état entreront en vigueur en mars 2023 : l’étiquetage sera obligatoire en langue arabe et il devra être effectué par l’exportateur avant l’arrivée de la marchandise en Algérie. Pour les denrées alimentaires et les produits non alimentaires pré-emballés, l’apposition d’un code barre sera obligatoire.
Précision importante : pour la mise en œuvre concrète, les autorités ont désigné GS1, organisme international pour la délivrance de standards d’identification unique, qui dispose d’implantation dans le monde entier : l’importateur algérien devra s’y enregistré.
Enfin, pour bénéficier des réductions de droit de douanes prévues pour toute une série de produits dans l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne, les biens importés en Algérie devront être accompagnés d’un certificat d’origine et d’un document EUR1.
Les produits « Made in EU » exemptés de la DAPS
Concernant la fiscalité douanière, la principale nouveauté de la Loi de finance pour 2023 algérienne est que les produits couverts par les exemptions prévus à l’accord d’association UE-Algérie sont désormais exemptés du DAPS, le droit additionnel provisoire de sauvegarde (de 30, 50, 60, 70 et 120 % selon les produits) mis en place en 2019 après la levée de l’interdiction d’importation.
Les autres taxes, soit la TIC (taxe intérieur de consommation, variant de 30 à 60 % selon les produits) pour certains produits de luxe et boissons alcoolisées, et la contribution de solidarité de 2 % pour les biens de consommations, restent en vigueur.
Une autre nouveauté pour 2023 concerne l’importation de chaînes de production et équipements rénovés : le terme « rénové » est remplacé par « utilisé ». Leur dédouanement est désormais autorisé pour « la mise à la consommation » pour ces biens s’ils ont moins de 5 ans pour l’industrie, et moins de 7 ans pour les matériels et équipements agricoles.
Investissements directs étrangers : assouplissement et incitations
Enfin, pour clore ce panorama, comme nous l’avons déjà signalé par divers articles parus sur lemoci.com, le régime des investissements étrangers s’est considérablement ouvert depuis 2022 pour inciter les investisseurs, notamment industriels, à venir en Algérie.
C’est le cas de la fameuse règle du 51/49, levée dès l’an dernier pour un très grand nombre de secteurs (sauf pour les secteurs considérés comme stratégiques et les activités de revente en l’état) : désormais, dans des domaines comme l’automobile, l’agroalimentaire ou les énergies renouvelable, un investisseurs étrangers peut garder le contrôle majoritaire de son investissement. En revanche, une participation nationale majoritaire est obligatoire pour les activités liées au domaine militaire, les infrastructures types ports, aéroports et réseau ferroviaire, l’industrie pharmaceutique.
La vraie nouveauté pour cette année est que l’Algérie a réformé son dispositif d’accueil des investisseurs étrangers pour le rendre plus simple et efficace. Une nouvelle Agence algérienne de promotion des investissements (AAPI) rattaché au Premier ministre a été créée. Elle s’est dotée d’une sorte de « guichet unique » en ligne pour les formalités. Les formalités de base peuvent être effectuées en lignes en quelques minutes. On trouve également sur son site les principales incitations aux investisseurs.
Pour résumer, trois régimes d’incitation ont été mis en place, reflétant certaines priorités des autorités en matière sectorielle et d’aménagement du territoire :
-par secteur d’activités : mines et carrières ; énergie nouvelles et renouvelables ; agriculture, pêche et aquaculture, agroalimentaire ; industrie, industrie automobile et pétrochimie ; services, tourisme, économie de la connaissance et NTIC.
-Par zones géographiques : localités des Hauts-Plateaux, Sud et Grand-Sud ; localités dont le développement nécessite un accompagnement de l’Etat ; localités disposant de ressources naturelles à valoriser.
– Projets structurants : les investissements qui créent au moins 500 emplois et dont le montant est au moins de 10 milliards de dinars (environ 71,4 M EUR).
Selon les cas, sur des durées de 3 à 5 ans pour les secteurs et jusqu’à 10 ans pour les zones géographiques, dans la phase de mise en œuvre de son investissement, l’entreprise peut bénéficier d’exonération de droit de douane pour ses matériels importés et de TVA. Dans la phase d’exploitation, elle pourra également bénéficier d’exonération de droits de douanes et de la taxe DAPS.
Un calendrier 2023 d’événement business chargé pour les entreprises
Les occasions de découverte des opportunités du marché algérien ne manqueront pas dans les prochaines semaines et mois avec un grand nombre d’événements business, tant en Algérie qu’en France, à l’occasion de missions d’entreprises ou de participation à des salons.
Notons en particulier l’organisation le 13 mars à Alger, par les acteurs de la Team France Export dont fait partie la CCAF, de rencontres industrielles avec la Bourse algérienne de la sous-traitance et le 16 mars à Paris, les Rencontres Algérie, en présentiel (au siège de Business France) et en streaming.
Le mieux pour ne rien rater est de consulter les sites de la Team France Export et de la CCAF (ci-après). A noter à cet égard que la CCAF a développé une application pour téléphone mobile (disponible sur Google Play et Apple Store), qui permet de suivre facilement l’agenda de ses événements, ses publications et d’accéder à son annuaire de 2000 membres.
Christine Gilguy
Pour prolonger :
–Site de Business France Afrique du Nord : https://world.businessfrance.fr/afrique-du-nord/
–Site de la CCFA : https://www.cciaf.org/; information sur son application : https://www.cciaf.org/application-mobile.html