Comme chaque année en début d’année, la Chambre de commerce algéro-française (CCIAF), en partenariat avec le Comité d’échange Afrique-France de la CCI de Paris Île-de-France, a dévoilé les nouveautés réglementaires qui s’appliquent au commerce import algérien lors d’un webinaire le 24 janvier. Elles ne manquent pas alors que le pays renoue, à la faveur de la hausse des cours des hydrocarbures, avec la croissance et l’investissement.
Pour commercer avec l’Algérie, respecter à la lettre les règles édictées par les autorités est indispensable. Comme des changements interviennent chaque année, notamment à la faveur de la Loi de Finance, l’année 2022 n’échappe pas à cette tradition et les exportateurs français doivent être en veille sur ce sujet, avec leur partenaires et clients algériens.
Selon la présentation très précise et technique faite par Akram Hamouda, responsable de la veille réglementaire à la CCIAF, pas de bouleversement cette année mais des modifications ont été introduites dans différents domaines dont il faut tenir compte. Nous reprenons ici les principales informations livrées par cet expert lors du webinaire.
Règlementation bancaire : fini l’instrument de paiement à terme
En matière de règlementation bancaire, l’obligation de domiciliation bancaire dans une banque en Algérie pour toute opération d’importation de biens et de service est toujours applicable (taxe de domiciliation de 4 % pour les services, de 0,5 % pour les biens et marchandises destinées à la revente en l’état). Cette domiciliation devra être faite 30 jours avant avec la constitution d’une provision de 120 % de la valeur de l’opération d’importation.
Les moyens de paiement autorisés restent le crédit documentaire, la remise documentaire, le transfert libre et les lettres de crédit standby pour sécuriser l’exécution du contrat ou d’une obligation du client de la banque.
En revanche, la Loi de finance pour 2022 a abrogé l’obligation d’utiliser un instrument de paiement à terme à 45 jour à compte de la date d’expédition, ce qui devrait simplifier la vie des exportateurs et de leurs clients algériens.
Pas de changement concernant les acomptes : ils sont autorisés à condition qu’ils ne dépassent pas 15 % du montant de la facture. Au-delà, le client algérien devra obtenir une autorisation de la Banque d’Algérie (BA).
Le délai de paiement maximum reste également inchangé : 360 jours maximum après l’expédition. A surveiller par les exportateurs car au-delà, le client algérien devra obtenir une autorisation de la BA et cela ouvre également la voie à des litiges devant les tribunaux.
Pour l’importation de services, il est fortement recommandé aux exportateurs d’établir un contrat. Le transfert libre est le moyen de paiement le plus utilisé par les opérateurs, selon l’expert de la CCIAF. A noter qu’une retenue à la source libératoire de 30 % au titre de la TVA et de la taxe professionnelle est applicable : le client doit obtenir un quitus fiscal pour pouvoir payer. Cependant, les logiciels informatiques bénéficient d’un abattement : l’assiette fiscale est réduite de 30 %.
Réglementation douanière : des codes barre sur certaines étiquettes
Dans ce domaine, peu de changement également, sauf en matière d’étiquetage ainsi que dans la suite de l’accord commercial Union européenne – Algérie entré en vigueur le 1er septembre 2020.
Déjà obligatoire depuis 2019 en langue arabe pour tous les produits arrivant sur le territoire algérien, la règle d’étiquetage a été renforcée par un arrêté du ministère du Commerce pour les produits alimentaires et les produits non alimentaires préemballés destinés à la consommation humaine : les étiquettes doivent comporter, en plus, un code barre contenant toute une série d’informations.
Par ailleurs, l’expert de la CCFA a rappelé les principales bases : privilégier l’Incoterm FOB pour le transport maritime. Si cela n’est pas possible, et dans les cas des expéditions dont le fret est prépayé (CFR, CPT, DDP, DAP) il faut faire ressortir le prix du fret séparément de celui de la marchandise. Par ailleurs, éviter les Incoterms incluant l’assurance : l’assurance doit être payée en Algérie.
Enfin, concernant l’accord UE-Algérie, « l’ensemble des codes HS / articles repris sur la liste de démantèlement sont exonérés de droits de douane » précise la CCIAF. Pour bénéficier de ces exonérations, l’exportateur devra fournir à son client algérien un certificat d’origine et un formulaire européen EUR 1.
Droits et taxes : la liste des produits interdits d’importation va s’allonger
Même si la conjoncture est plus favorable, l’Algérie maintient son cap pour favoriser la production nationale dans tous les domaines, et donc freiner les importations. Un élément que doivent prendre en compte les exportateurs. Autrement dit, en 2022, trois taxes sont toujours applicables à certains produits importés et deux d’entre elles sont renforcés (DAPS et CS) :
–le DAPS (droit additionnel provisoire de sauvegarde) : elle va de 30 à 120 % et s’appliquait jusqu’à présent à une liste de 992 produits qui sont déjà produits en Algérie. Cette liste va considérablement s’allonger (le nombre de 2600 est évoqué) ;
–la TIC (Taxe intérieure de consommation) : de 30 à 60 %, elle vise les produits de luxe (alcools, tabac, berlines de luxe) ;
–la contribution de solidarité (CS) : applicable aux produits importés mis à la consommation, son taux est passé de 1 à 2 % avec la nouvelle Loi de finance.
Biens destinés à la revente en l’état : quelques évolutions
De nouvelle règle en matière de restitution de conteneurs s’appliquent depuis le 30 août 2021 : les opérateurs exerçant dans l’importation de biens destinés à la revente en l’état doivent impérativement respecter les délais impartis de restitution des conteneurs (sauf en cas de contrôle ou litige) sous peine de s’exposer à des sanctions.
Les règles 2022 pour l’importation de biens destinés à la revente en l’état évoluent également. Fini l’importateur généraliste : selon un nouveau cahier des charges imposé par les autorités, un importateur devra se spécialiser dans un secteur et des produits cohérents entre eux, portant des codes d’activité homogènes. On ne pourra plus, par exemple, importer en même temps du bois et du chocolat.
Par ailleurs, de nouveaux produits, pour lesquels existe désormais une production locale, ont été interdits d’importation. Ont été cités certains matériaux de construction et équipements (pierre, marbre, générateurs, groupes électrogènes…). Également interdits d’importation les produits destinés à la revente en l’état classés par les douanes en catégorie « autres » : 6000 à 7000 sont concernés selon l’expert de la CCFA. Seule dérogation pour ces derniers, si le produit est destiné à une consommation propre à l’opérateur.
Chaînes de production et équipements rénovés
Autre chapitre important pour lequel les exportateurs doivent également faire preuve de vigilance : l’importation des chaînes et équipements de production rénovés. Celle-ci est autorisée mais dans certaines conditions qui font l’objet de contrôles et certifications.
Pour les chaînes de production, elles doivent avoir une durée de vie de 10 ans minimums, et de 12 ans pour celles destinées à l’agroalimentaire et l’industrie pharmaceutique. Quant aux équipements rénovés, ils doivent être âgés de moins de dix ans depuis leur date de fabrication.
Pour importer, l’opérateur devra être dument immatriculé au registre du commerce dans le secteur dont relève les biens importés. En outre, la rénovation doit avoir fait l’objet d’une évaluation de conformité par un organisme agréé par l’agence algérienne ALGERAC.
Les exportateurs français ont tout intérêt à rechercher les détails de ces nouvelles réglementations sur les sites officiels algériens* ou auprès de leur clients / importateurs algériens, voire de la CCFA, qui est membre de la Team France Export et agréée au chèque relance export.
Christine Gilguy
*le site de la douane algérienne : www.douane.gov.dz
** Le site de la CCIAF : www.cciaf.org