La Commission européenne a annoncé, le 14 juin, engager une procédure de règlement des différends contre l’Algérie à propos de restrictions imposées aux exportations et aux investissements des entreprises européennes jugées contraire à l’accord d’association UE-Algérie. Elle a demandé des consultations avec les autorités d’Alger.
(Mis à jour le 14 juin à 17H33)
Ce que certains observateurs appelle « l’aggiornamento réglementaire algérien », une série de réformes engagées ces dernières années pour réduire la dépendance aux importations et favoriser le développement de la production locale, irrite Bruxelles, malgré l’assouplissement ou l’abandon de certaines restrictions telles que la fameuse règles du 49-51, qui obligeaient les sociétés étrangères à être minoritaires au capital des sociétés.
« L’UE considère qu’en imposant ces mesures restrictives commerciales depuis 2021, l’Algérie ne respecte pas ses engagements en matière de libéralisation des échanges dans le cadre de l’accord d’association UE-Algérie » indique le communiqué de la Commission.
Sont visées par Bruxelles, en particulier « un système de licences d’importation ayant les effets d’une interdiction d’importation » ainsi que « des subventions subordonnées à l’utilisation d’intrants locaux pour les constructeurs automobiles » et enfin « un plafonnement de la propriété étrangère pour les entreprises qui importent des biens en Algérie ».
Sollicité par Le Moci pour avoir des détails sur les réglementations algériennes précisément ciblées, le service de presse de la Commission nous a livré la liste ci-après.
Les réglementations algériennes dans le collimateur de la Commission européenne
-Un système de licences d’importation non automatique connu sous le nom d’« ALGEX » et administré par le ministère algérien du Commerce. Les importations n’ont pas lieu conformément aux conditions de libéralisation établies dans l’accord d’association ; à l’inverse, les importateurs doivent présenter un certificat ALGEX pour être autorisés à importer, mais ils ne le reçoivent souvent pas ou le font avec un retard important ;
-Une interdiction d’importation de produits en marbre et en céramique;
-Une prescriptions de contenu local jusqu’à 30 % pour la construction automobile, et subventions gouvernementales subordonnées à l’utilisation de ce contenu local;
-La non-application des contingents tarifaires (CT) prévus dans l’accord d’association UE-Algérie;
-Un plafond de 49 % sur la propriété étrangère des entreprises qui importent des marchandises en Algérie ;
-L’obligation pour les entreprises importatrices de marchandises en Algérie de réorganiser leur structure en sociétés plus petites exerçant exclusivement des activités homogènes et d’inscrire toutes leurs activités au registre national du commerce;
-Des restrictions au commerce des marchandises exportées ou importées d’Espagne et aux mouvements de capitaux entre l’Algérie et l’Espagne;
-Une politique globale visant à remplacer les importations par une production locale.
On note que cette liste intègre la question de l’Espagne, avec laquelle l’Algérie a gelé ses relations diplomatiques et commerciales au cours de l’été 2022, en réaction au ralliement de Madrid à la position du Maroc sur le dossier du Sahara occidental.
Une étape de consultation
Le déclenchement de la procédure de règlement des différends, un mécanisme prévu dans l’accord d’association UE-Algérie en vigueur depuis 2005, s’accompagne d’une demande de consultation avec les autorités algériennes.
« L’objectif de l’UE est de nouer un dialogue constructif avec l’Algérie en vue de lever les restrictions à plusieurs secteurs du marché, allant des produits agricoles aux véhicules à moteur » assure le communiqué de la Commission. « Au vu des efforts infructueux pour résoudre le problème à l’amiable, l’UE a pris cette mesure pour préserver les droits des exportateurs de l’UE et des entreprises de l’UE opérant en Algérie qui sont lésés, indique le communiqué. Les mesures algériennes portent également préjudice aux consommateurs algériens, en raison d’un choix de produits indûment restreint ».
Comment vont réagir les autorités algériennes ?
C’est la grande question. Le fait est que l’enjeu est loin d’être négligeable dans la mesure où l’UE est le premier partenaire commercial de l’Algérie, représentant plus de la moitié (50,6 %) de ses échanges extérieur en 2023.
Mais les exportations européennes ont connu une forte chute ces dernières années, passant 22,3 milliards d’euros en 2015 à 14,9 milliards d’euros en 2023, soit un recul de plus de 33 %. « L’UE a fait part à plusieurs reprises de ses inquiétudes concernant les restrictions commerciales sur plusieurs secteurs du marché avec les autorités algériennes, mais en vain » indique encore la Commission.
Le renvoi du différend au Conseil d’association UE-Algérie pour consultations est la première étape d’une procédure formelle de règlement des différends dans le cadre de l’accord d’association. Si aucune solution n’est trouvée, l’UE sera en droit, en vertu de l’accord, de demander la création d’un groupe spécial d’arbitrage.
A suivre…
C.G