Pas de blocage des importations de produits français en Algérie, le business continue… C’est le message principal transmis le 24 janvier lors d’un atelier sur les nouveautés de la Loi de finance 2025 algérienne pour les entreprises ayant des courants d’affaires avec l’Algérie, organisé par le comité d’échange Afrique-France (CEAF) de la CCI Paris Île-de-France avec la CCI algéro-française (CCFA).
Les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie ont beau s’être considérablement détériorées depuis l’évolution de la position française en faveur du Maroc sur le Sahara occidental, le business continue entre les deux rives de la Méditerranée et jusqu’à présent, aucune instruction officielle n’a été donnée par les autorités algériennes concernant une éventuelle entrave délibérée ou un boycott officiel des produits français ou en provenance de France.
C’est la principale information qu’ont pu retenir les dirigeants d’entreprises françaises présents à ce traditionnel atelier annuel qui, pour sa huitième édition, était destiné à présenter les principales évolutions des réglementations algériennes en matière de commerce et d’investissement, notamment dans le cadre de la nouvelle Loi de finance pour 2025. « Les autorités algériennes sont très procédurières et leurs instructions sont données par écrit, jamais à l’oral » a notamment souligné Zoubir Rabia, chef de projets internationaux à la CCI de Paris-Île-de-France et animateur de son comité d’échange Afrique-France (CEAF).
Autrement dit, la rumeur qui a circulé début novembre d’une « rupture des relations commerciales » par l’Algérie était une vraie « fakenews » et rien d’autre ont confirmé Halim Ammar Khodia et Akram Hamouda, respectivement directeur général adjoint et directeur des Affaires règlementaires de la CCI algéro-française (CCIAF), venus présenter les principales évolutions des réglementations algériennes en matière d’import-export et de commerce ainsi que les principales opportunités économiques.
Des freins administratifs ressentis par les entreprises françaises
Cela n’empêche pas, bien évidemment, que des freins administratifs au commerce plus accentués qu’à l’ordinaire soient ressentis par les entreprises françaises depuis quelques mois. Romain Keraval, directeur du bureau de Business France à Alger, s’en est fait l’écho dans une intervention vidéo, déplorant une relation bilatérale « quelque peu dégradée ».
Le directeur de Business France Algérie a notamment pointé la « délivrance erratique » des autorisations d’importation Algex (nouvelle formalité introduite en 2023 pour les biens destinés à la revente en l’état) aux importateurs en Algérie de produits en provenance de l’Hexagone ou les difficultés à obtenir le renouvellement des autorisations temporaires d’importation (ATI). A noter que cette formalité n’irrite pas seulement les opérateurs français : elle fait partie d’une liste de réglementations pour lesquelles l’Union européenne a déclenché, en juin 2024, une procédure de règlement des différends avec l’Algérie
Akram Hamouda a relativisé le côté volontaire de ces lourdeurs. L’autorisation dite « Algex », a été instaurée en 2023 par le gouvernement algérien pour accentuer son contrôle sur les importations de « biens destinés à la revente en l’état », qui vise à pousser le développement de la production locale. Délivrée par le ministère du Commerce extérieur, elle est obligatoire pour toute domiciliation bancaire de ce type d’importation. En 2024, cette formalité a entièrement été digitalisée, ce qui a pu provoquer des « bugs » techniques. « Aujourd’hui, lorsque vous déposez la demande en ligne, vous avez deux réponses possibles : « demande en cours d’étude » ou « accordée » », a expliqué l’expert en réglementations. Mais il n’y a « aucun blocage des produits français ».
Démontrer que le bien est indispensable à une activité de production locale
En revanche, le statut « demande en cours d’étude » peut se prolonger plusieurs semaines, voire mois comme l’a signalé un dirigeant de PME dont l’importateur attend depuis … juin 2024. Pour Akram Hamouda, cette absence de délivrance d’autorisation devrait inciter l’importateur à vérifier s’il a rempli correctement le formulaire, voire à contacter le ministère, surtout si le bien en question est indispensable à une activité productive locale et ne fait pas concurrence à un bien fabriqué localement.
« Les autorités deviennent de plus en plus regardante sur l’aspect ‘produire en Algérie’, a rappelé Akram Hamouda. S’il y a blocage, demandez à votre importateur de saisir le ministère du Commerce extérieur pour expliquer en quoi le produit est indispensable à l’activité locale ». Celà permet généralement de débloquer la situation. Il a également souligné que les délais peuvent s’allonger en fin d’année car « le quatrième trimestre est la période d’arrêt des comptes » et les biens destinés à la revente en l’état ne sont pas prioritaires, sauf s’il s’agit de matières premières ou d’équipements/matériels indispensables à la production. « Le quatrième trimestre est la plus mauvaise période pour demander une autorisation » a insisté l’expert.
A noter qu’a priori, les exportations de biens destinés à une activité de production locale – matières premières, produits semi-finis, machines, équipements… – ne sont donc pas concernés par ces lourdeurs administratives. Raison de plus pour inciter les exportateurs français à trouver des partenaires en Algérie qui les aideront à localiser une partie de leur activité.
Pour prolonger sur les réglementations algériennes :
- Algérie : le pays est en quête de partenaires industriels pour mener sa diversification
- Algérie : des opportunités nombreuses, à condition de respecter avec rigueur la réglementation
- Algérie : les nouveautés réglementaires 2023 pour l’import-export et l’investissement
- Algérie : ce qui change en 2022 dans les règles import-export
Redoubler de rigueur dans les démarches
Pour les exportateurs français, cela suppose de redoubler de rigueur dans leurs relations avec leurs clients/importateurs en Algérie afin d’anticiper toute source de tracas supplémentaire.
Outre d’utiliser le bon Incoterm (ce n’est pas nouveau, avec l’Algérie, pays qui exige que les assurance soient prises auprès de sociétés locales, il faut éviter les Incoterms qui impliquent que les assurances sont payées hors d’Algérie et privilégier le FOB ou le CFR), une règle de base que rappelle chaque années les experts de la CCIAF, le directeur de Business France recommande notamment de bien vérifier, avant l’expédition de sa marchandises, que l’importateur en Algérie a bien finalisé la domiciliation bancaire de l’opération – obligatoire pour toute transaction import- et obtenu l’autorisation Algex.
Et si l’origine française de la marchandise lui semble « poser problème », examiner la possibilité de facturer depuis un autre pays de l’Union européenne ou via une tierce partie algérienne.
Christine Gilguy
L’essentiel des nouvelles réglementations import-export 2025
Plusieurs nouveautés réglementaires impactant l’importation ont été introduites par les autorités algériennes dans la Loi de finance pour 2025. Voici les principales exposées par les représentants de la CCIAF lors de l’atelier du 24 janvier. Nous invitons le lecteur à consulter les règles de base dans nos précédents article sur l’Algérie (voir références dans l’article ci-dessus).
Règles pour la revente en l’état de marchandises
Celles-ci sont de plus en plus exigeantes.
- Depuis 2023, outre le caractère obligatoire de l’arabe sur chaque étiquette, l’imposition d’un code à barre d’identification délivré par GS1 Europe est obligatoire pour tous les produits préemballés destinés à la consommation humaine.
- L‘accord d’association avec l’UE, dont la modernisation est en discussion par les deux blocs, est toujours en vigueur : pour bénéficier des avantages liés à l’origine UE du produit, il faut produire un certificat EUR 1.
- Depuis le 1er Janvier 2025, le délai légal de séjour en zone de transit est de 8 jours (au lieu de 15 jours auparavant). En cas de dépassement de ce délai, une amende devra être payée. Un point à prendre en compte par le client/importateur.
Importations de services
Pour rappel, l’importation des services est autorisée uniquement pour les opérateurs algériens qui exercent les activités liées à la production de biens et de services.
- Taxe de 4% pour l’importation de services, la domiciliation devra s’effectuer avant le lancement du service.
- Depuis le 1er Janvier 2025, une Taxe de domiciliation bancaire (TDB) de 5 % est applicable pour les contrats portant sur des redevances d’utilisation ou de rémunération de toute nature payée pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit, à l’exception des logiciels informatiques.
- Une retenue à la source libératoire au titre de la TVA de 30 % sur le montant facturé, cette retenue est à la charge du prestataire de services.
- La signature d’un contrat est fortement recommandé, notamment pour faciliter les paiements via les banques. « Celui-ci devra faire ressortir les points les plus importants notamment le délai de réalisation, l’obtention de l’attestation de service fait, le mode et délai de paiement ainsi que toute autre disposition pour se prémunir contre les risques d’impayés » recommande la CCIAF.
- L’acompte à la commande reste plafonné à 15 %, sauf dérogation de la Banque d’Algérie, et le délai de paiement demeure à 365 jours maximum à partir de la date d’expédition, ou de livraison, ou de l’attestation de service fait.
Nouvelles règles générales relatives aux marchés publics
Elles ont été introduites dans le nouveau code des marchés publics. Les plafonds de montant déclenchant une obligation de lancer une procédure de passation de marché public demeurent inchangés : supérieur à 12 millions de dinars (M DA) pour les travaux ou les fournitures ; supérieur à 6 M DA pour les études ou services .
- Concernant les modes de passation des marchés publics, c’est : soit l’appel d’offres qui peut être soit ouvert, ouvert avec exigence de capacités minimales ou restreint ; soit le gré à gré qui peut être simple ou après consultation (qui devient la procédure négociée avec le nouveau code).
- La grande nouveauté concerne les obligations de l’entreprise étrangère : les cahiers des charges doivent en effet prévoir, pour les soumissionnaires étrangers, « l’engagement d’investir en partenariat, lorsqu’il s’agit de projets dont la liste est fixée par décision du responsable de l’institution publique ou du ministre ».
- Les entreprises étrangères qui soumissionnent seules, sauf impossibilité dûment justifiée, doivent sous-traiter, au minimum 30 % du montant initial du marché à des entreprises de droit algérien.
Source : CCIAF
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