Les PME françaises, comme les plus grandes entreprises, sont les mieux placées pour bénéficier de l’ouverture de l’Algérie aux investissements directs étrangers (IDE) et du redémarrage de son économie. Un message souvent entendu aux 13e Rencontres Algérie, organisées le 9 mars à Paris, par Business France (dont la deuxième fois consécutive en digital). Revue de détail.
« La remise en question de la règle du 51/49 [NDLR, 51 % de part locale dans tout IDE] est un signal fort », estimait Slim Othmani, président du Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (CARE). Elle a, par exemple, été levée dans les énergies renouvelables (ENR), permettant aux investisseurs étrangers d’avoir la majorité dans les entités qu’ils créent.
Par ailleurs, selon Mohamed Sami Agli, président de la Confédération algérienne du partenariat citoyen (CAPC), « le nouveau code d’investissement sera bientôt promulgué », prévoyant notamment une Administration spéciale pour le traitement des grands projets et des IDE. Or, Alger a prévu quelque 40 milliards d’euros d’investissements dans les hydrocarbures et 25 milliards hors de ce secteur.
Alors qu’après une récession de -4,9 % en 2020, l’économie a rebondi de + 3,2 % l’année suivante, le FMI prévoit un tassement à + 2,4 % en 2022. Pour l’heure, l’Algérie est particulièrement solvable, et ne cesse, dans le contexte de guerre en Ukraine et d’envolée des cours des hydrocarbures, d’accroître ses réserves de change (46 milliards de dollars au total, soit 11 mois d’importations fin 2021).
Un atout de la France : 5000 PME ont des courants d’affaires avec l’Algérie
Deuxième partenaire commercial derrière la Chine, la France (1,9 milliard d’exportations en 2021) est aussi un des premiers investisseurs, avec 2,372 milliards d’euros en 2020. Son atout, un cas unique, est son ancrage profond sur le marché algérien en termes de diversification sectorielle, de partenariats anciens sur lesquels les entreprises pourront s’appuyer dans l’avenir pour se lancer dans de nouveaux secteurs, mais aussi de taille de ses sociétés.
« Quelque 5 000 de nos PME travaillent sur une base annuelle en Algérie, toutes n’ont peut-être pas vocation à s’implanter, mais dans un pays qui, après une période de désindustrialisation, a une stratégie de réindustrialisation comme la France, il faut être là au démarrage », assurait Romain Kéraval, le directeur Algérie de Business France.
L’industrie ne contribuant qu’à 5 % du PIB, la liste des secteurs à pousser est longue. Un exemple : la sous-traitance, qui ne représente que 10 % de l’industrie automobile; la fabrication locale de pièces de rechange automobile permettrait économiser 300 à 400 millions d’euros d’importations annuelles.
Globalement, parmi les grands projets qui émergent en Algérie, peuvent être cités six usines de dessalement d’eau d’ici 2024, 2 milliards de dollars par an dans le développement du réseau électrique, ou encore la construction de 1 000 mégawatts de capacité en ENR, essentiellement d’origine solaire, selon le modèle IPP (producteur d’électricité indépendant, en français) dans le cadre d’un plan visant à créer 4 GW à l’horizon 2024.
Les conseils : identifier les partenaires, prévoir de la trésorerie
Parmi les secteurs porteurs, l’e-commerce, premier pourvoyeur d’emplois actuellement en Algérie, bénéficie à plein des répercussions de la Covid-19 sur la distribution, avec un doublement de sa croissance par trimestre.
L’agriculture offre également de réelles opportunités dans un pays avec d’énormes réserves foncières et hydriques souterraines. D’où l’importance de l’irrigation. « Le pari de produire des fruits et légumes – où il y a encore un potentiel d’exportations de 2 milliards d’euros – est déjà gagné, alors que la marge de progression est importante dans les céréales. Dans ce secteur, on aurait besoin notamment de l’expertise française, car il faudrait produire sur des échelles considérables et des exploitations de centaines de milliers d’hectares », rapportait Ali Daoudi, directeur adjoint de l’Ecole nationale supérieure d’agronomie (Ensa) d’Alger.
Alimentation, numérique ou santé, et évidemment hydrocarbures, sont des secteurs où les PME françaises peuvent encore opérer. Pour autant, exhortait Michel Bisac, « il ne faut pas s’installer pour le court terme, il faut prendre le temps d’identifier le bon partenaire ». C’est pourquoi, précisait le président de la CCI algéro-française (CCIAF), « il faut aussi de la trésorerie ». Malgré les efforts pour lever les barrières réglementaires, « les délais restent longs ».
François Pargny