Deux semaines après la conclusion de l’accord de libre échange (ALE) entre l’Union européenne et Singapour, la Commission européenne a jeté le trouble en décidant, hier 30 octobre, de saisir la Cour de justice pour clarifier le flou juridique qui entoure les compétences européennes en matière commerciale, en particulier entre les Etats membres, le parlement européen et les parlements nationaux. Une décision qui fait quelque peu désordre alors que des négociations sur de nombreux ALE ont été lancées ces trois dernières années par la Commission sortante.
En demandant l’avis de la cour, la Commission cherche en effet à savoir quelles dispositions de l’accord avec Singapour –qui est pour partie résultat de la fusion de plusieurs accords noués entre la Cité Etat et des Etats membres- seront à faire ratifier par les Etats membres, le parlement européen ou par les parlements nationaux.
C’est « une question de prévisibilité pour nos partenaires commerciaux » justifie pour sa part l’institution dans un communiqué. La décision, prise par le commissaire au Commerce sortant, Karel de Gucht, à la veille de son départ, amorce ainsi les prémices d’une procédure juridique aux conséquences potentiellement explosives.
Car l’avis est contraignant. S’il est négatif, l’accord n’entrera pas en vigueur, stipule le traité de Lisbonne, « sauf modification de celui-ci ou révision des traités ». Il pourrait aussi faire jurisprudence si la question posée par le requérant porte sur « des dispositions générales que l’on peut trouver dans d’autres accords de libre échange» indique-t-on du côté de la Cour de Justice européenne.
L’instance judiciaire pourrait ainsi décider que les dispositions sur la clause d’arbitrage ISDS, très controversée, soient ratifiées par les parlements nationaux. La décision ne concernerait plus alors seulement la ratification de l’accord entre l’U.E et Singapour, mais aussi celle du traité du partenariat transatlantique (TTIP) ou du traité avec le Canada (CETA).
Les experts juridiques de la Commission devront ainsi se pencher dans les mois à venir sur la formulation de la question à la Cour. Elle concernera « l’accord spécifique avec Singapour » tient à préciser la Commission dans un communiqué, avant d’ajouter : « dans le cas des négociations entre l’Union et les Etats Unis, il y aura vraisemblablement un nombre d’éléments qui requerra une ratification par les parlements nationaux ».
Loreline Merelle à Bruxelles