En organisant, le 29 septembre, soit huit jours après l’entrée en vigueur provisoire de l’Accord économique et commercial global (AECG) – ou, en anglais, CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement – entre l’Union européenne (UE) et le Canada, une matinée sur cet accord de libre-échange (ALE), le Mouvement des entreprises de France (Medef) avait pour ambition de donner le coup d’envoi d’une mobilisation qui tarde encore à venir.
En effet, comme le rappelait d’entrée le président de son pôle International et Europe, Bernard Spitz, également à la tête de la Fédération française de l’assurance, seuls 243 opérateurs de l’Hexagone disposent à ce jour d’un numéro d’exportateur enregistré, qui est obligatoire pour travailler au Canada.
Un accord taillé pour les PME
Pour l’obtenir, il faut que l’entreprise demande son inscription au système européen Rex (Registre des exportateurs). Or, « ce chiffre est bien inférieur à celui de l’Allemagne et juste équivalent à celui de la Belgique », déplorait Bernard Spitz.
Pourtant, le CETA serait très favorable aux PME, soulignait Pierre Pettigrew, envoyé du Canada pour le CETA et ancien ministre du Commerce international, développant ainsi un argumentaire mis aussi en avant à Bruxelles par la Commission européenne. Laquelle parle de simplification des démarches administratives et réduction de leurs coûts pour exporter au Canada, notamment en matière d’essais de produits, de procédures douanières et de frais juridiques.
« Ce sont les PME, qui ont le plus à gagner », selon Pierre Pettigrew, qui cite encore « les facilités offertes aux clients comme aux fournisseurs, la mise en place de règles plus prévisibles dans le domaine de la mobilité du travail temporaire ». De même, en matière de certification : possibilité est offerte aux sociétés européennes de l’effectuer en Europe.
143 nouvelles identifications géographiques
D’après la Commission européenne, le secteur privé du Vieux Continent devrait économiser 590 millions d’euros par an, grâce à la suppression des tarifs à l’entrée sur le marché canadien. « Ce sont 99 % des droits de douane pour les biens industriels et 95 % pour les produits agricoles qui sont d’ores et déjà éliminés », se réjouissait ainsi Pierre-Marc Johnson, négociateur en chef du CETA pour le Québec et ancien Premier ministre de la Belle Province.
Un objectif important de l’UE était la reconnaissance de ses indications géographiques (IG), ce qui fut acceptée par Ottawa pour 143, dont 42 françaises, denrées alimentaires et boissons régionales de grande qualité (s’ajoutant à la vingtaine de noms de vins et spiritueux protégés depuis un accord conclu avec l’UE en 2003) (**). « C’est un précédent de la diplomatie commerciale. Aucun de nos partenaires à l’OMC ne bénéficie d’une telle situation », insistait Pierre Pettigrew, qui a justifié toutes les concessions accordées par « l’importance d’une coopération politique sans précédent » entre Canadiens et Européens et l’existence d’une « communauté de valeurs », notamment en matière de lutte contre le changement climatique (le Canada a signé l’accord de Paris, lors de la Cop 21).
30 à 40 % des marchés publics à capter
« Le bilinguisme du Canada et l’attachement des deux parties au rôle de l’État, vecteur de changements structurels et économiques et d’un système de transfert de richesse », ont aussi été évoqués par Pierre-Marc Johnson. Lequel a bien précisé que si son pays était dépendant des États-Unis à hauteur de 72 % de ses exportations, c’était avec l’Europe qu’elle avait des « affinités ».
Le Canada a également accepté d’ouvrir ses marchés publics. « Certains secteurs étaient fermés, la poste, les télécommunications et le transbordement. Et les marchés publics, c’est 30 milliards d’euros d’investissements annuels en infrastructures. Nous avons obtenu la réciprocité. Et ce n’est plus moins de 10 % que nous devrions capter, mais 30 à 40 %, on verra », indiquait Frédéric Sanchez, président de Medef International, du pôle Internationalisation et filières et du directoire de la compagnie d’ingénierie Fives.
Ottawa a signé 44 ALE
« Le Canada, ce n’est pas seulement 35 millions d’habitants avec un pouvoir d’achat élevé, mais c’est aussi une intégration dans les chaines de valeur des États-Unis », mentionnait encore Pierre Pettigrew. Ces deux pays renégocient à l’heure actuelle l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) qui les lient aussi au Mexique. Mais le Canada a également conclu des ALE avec 44 pays, représentant 55 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. Donc, « s’engager au Canada, c’est investir sur un territoire bien positionné », affirmait Pierre Pettigrew, en présence du secrétaire d’État à l’Europe et aux affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne qui venait de rejoindre l’estrade (*).
Quand le CETA sera totalement appliqué, après leurs ratifications par les Parlements des États membres de l’UE, nationaux voire régionaux, un nouveau système juridictionnel, avec des tribunaux ad hoc, permettra de régler les différents entre investisseurs et États. Un mécanisme qui s’annonce transparent.
François Pargny
(*) UE / Canada : communiquer sur le CETA commence dès aujourd’hui, selon J-B. Lemoyne
(**) UE-Canada / Agroalimentaire : les fromages et les vins, grands vainqueurs du CETA
Pour prolonger :
– UE / Canada : le CETA est en vigueur provisoirement
– CETA / AECG : Paris promet un plan d’actions sur l’environnement, la santé et le climat
– France / Libre-échange : la commission Schubert épingle le CETA sur l’environnement, la santé et le climat
– Dossier Canada 2016 : des opportunités pour les entreprises françaises dans les infrastructures