Ursula Von Der Leyen, la présidente de la Commission européenne et Joe Biden, le président américain, sonnent enfin la trêve dans un conflit commercial qui les opposent depuis plus de 15 ans : ils ont annoncé dans la soirée du 5 mars la suspension, pour une période initiale de quatre mois, des taxes punitives que l’Union européenne (UE) et les États-Unis s’imposent mutuellement sur fond de guerre commerciale entre leurs géants aéronautiques respectifs, Airbus et Boeing.
Actée le 5 mars dans la soirée, la décision pourrait marquer la première étape vers le réchauffement des liens transatlantiques, espère-t-on à Bruxelles. « Nous nous sommes tous deux engagés à nous concentrer sur une résolution de nos confits aéronautiques », a commenté la cheffe de l’exécutif européen, évoquant « un signal très positif pour notre coopération économique dans les années à venir ».
De son côté, Joe Biden s’est engagé à « réparer et redynamiser » les relations entre Washington et Bruxelles, et à « travailler pour mettre un terme à ces interminables plaintes devant l’OMC ».
Même sentiment de soulagement dans le camp du patronat européen. « C’est une bonne nouvelle pour de nombreuses entreprises européennes, grandes et petites, qui ont dû faire face à des droits supplémentaires en plus d’une crise sanitaire et économique sans précédent. Nous sommes convaincus que les deux parties seront ouvertes et fermement engagées à trouver une solution permanente qui pourrait également marquer une nouvelle ère plus positive dans les relations entre l’UE et les États-Unis », s’est félicité Markus J. Beyrer, le Directeur Général de BusinessEurope.
Trump avait refusé la main tendue des Européens
Depuis près de 17 ans, les deux blocs s’accusaient mutuellement de distribuer des aides publiques indues à leurs constructeurs aéronautiques, l’américain Boeing et Airbus côté européen. En 2019, l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) avait finalement autorisé Washington à imposer de nouvelles taxes douanières sur des produits importés de l’UE, pour un montant total de 7,5 milliards de dollars.
Quelques mois plus tard, Bruxelles recevait à son tour le feu vert du Gendarme mondial du commerce pour introduire des taxes punitives sur près de 4 milliards de dollars de biens américains importés chaque année.
La décision avait été mis en œuvre par la Commission dès le mois de novembre 2020. Ses responsables avaient toutefois insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts pour aboutir à une solution négociée, soulignant que l’UE pourrait suspendre ces droits de douane si les États-Unis envoyaient, eux aussi, un signal d’apaisement.
Encore Président en exercice, Donald Trump – qui avait déjà lancé les hostilités contre les exportations européennes d’acier et d’aluminium – avait alors refusé cette main tendue par l’UE. Une fois investi, Joe Biden s’est rapidement montré favorable à la reprise des pourparlers, afin de restaurer des liens transatlantiques entachés par quatre années de présidence Trump.
Lever les surtaxes et négocier une paix définitive
En acceptant de suspendre leurs taxes respectives pour une période de quatre mois, Bruxelles et Washington espèrent que cette trêve pourra être mise à profit pour négocier une paix définitive sur ce vieux contentieux dans le secteur aéronautique. Et en attendant, de nombreux producteurs européens voient leurs perspectives sur le marché américain à nouveau positive.
Rappelons que les taxes punitives américaines visaient un certain nombre de produits européens comme les avions d’Airbus (d’abord de 10 % ensuite relevées à +15%), le vin, et les spiritueux ou des aliments tels que le fromage ou les olives (+25%).
Selon le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), les pertes liées à cette surtaxe de 25 % s’élèvent à 100 millions d’euros de chiffre d’affaires pour la seule filière bordelaise en 2020, et à 400 millions d’euros pour l’ensemble des vins français.
Côté européen, les produits visés incluaient tous les modèles d’avions de Boeing (taxés à 15 %). Mais surtout des produits agricoles américains (tabac, patates douces, blé, huiles végétales, fruits et jus…) ou agroalimentaires (alcools forts, chocolat…), ainsi que des biens manufacturés (tracteurs, pelleteuses, équipements de casino, pièces de vélo…) taxés à 25 %.
Ces droits de douane supplémentaires seront donc suspendus dès que les procédures internes nécessaires seront réalisées.
Un « reset » de la relation
Selon le commissaire au Commerce Valdis Dombrovskis, il s’agit là d’un « reset » de la relation avec le principal partenaire économique de l’UE. Un « win-win » dans un contexte de pandémie « qui fait souffrir nos travailleurs et nos économies ».
Outre le dossier Airbus, d’autres sujets ont été évoqués entre les deux hauts responsables européens et américains. Ursula Von Der Leyen a notamment proposé à son interlocuteur de constituer un conseil ministériel pour favoriser la coopération transatlantique en matière de technologies. Et dans le domaine de la politique étrangère, « nous partageons une perspective stratégique sur la Russie », a souligné la présidente de l’exécutif.
Joe Biden a quant à lui insisté sur la nécessité de « coordonner » leurs efforts face une Chine de plus en plus menaçante.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles