A la veille de réunir les entrepreneurs ayant bénéficié de son offre d’accompagnement depuis sa création en 2012, Bpifrance a présenté à la presse le bilan d’un dispositif qui s’est considérablement étoffé ces dernières années, y compris sur les problématiques export, et qui est devenu l’un de ses principaux levier d’action pour renforcer la croissance du tissu des PME et ETI françaises : son activité de conseil.
Le cirque d’Hiver à Paris, pas moins : c’est dans ce lieu mythique de la capitale, pouvant accueillir jusqu’à 1500 personnes, que Bpifrance a choisi de réunir les alumni de son dispositif d’accompagnement, ces dirigeants d’entreprises ayant bénéficié de prestations de conseil, de formation ou encore de programmes accélérateurs, ponctuellement ou successivement.
Il faut dire qu’ils sont nombreux : 180 000 dirigeants formés depuis 2017 dans ses 70 « écoles d’entrepreneurs », des programmes montés avec des écoles ou universités partenaires, 5000 entreprises « accélérées » depuis 2015 dans ses 200 accélérateurs, 20 000 missions de conseil délivrées par son vivier de 1900 consultants privés, constitué au fil des années. L’objectif de faire passer 4000 entreprises par ses accélérateurs, fixé par le gouvernement en 2018, a été largement dépassé.
« Soit on fait massif, soit on fait rien »
Pourquoi un tel investissement dans des activités qui ne sont pas, a priori, celles d’un banquier ?
Selon Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, tout est parti d’un constat : si les dirigeants des groupes du CAC 40 ont accès aux plus grands cabinets d’audit et de conseil, si leurs dirigeants peuvent s’offrir les meilleurs programmes « Executive », « dès que vous descendez dans la hiérarchie, dans les territoires, c’est le désert, il n’y a plus rien, sauf peut-être pour des prestations informatiques ». Les dirigeants de petites entreprises et de PME ne songent même pas à se faire aider par des experts externes, pensant qu’ils sont trop chers, que ce n’est pas pour eux.
Comment booster avec seulement des financements le tissu économique dans les territoires, composé de nombreuses PME dont les dirigeants sont isolés, manquent de compétences, de temps et de recul pour la réflexion stratégique, sans passer par la case conseil ? Bpifrance a pris le taureau par les cornes, à sa manière : « soit on fait massif, soit on fait rien » rappelle Nicolas Dufourcq.
D’où la décision de commencer à développer cette activité de conseil dès 2014, à l’époque avec une quarantaine de consultants. Dix ans après, l’accompagnement est devenu une division à part entière de la banque publique, employant 250 personnes, dont beaucoup d’anciens des grands cabinets de conseil. « Cela permet d’être à l’échelle, c’est-à-dire traiter des milliers d’entreprises à la fois » souligne encore le patron de Bpifrance.
Mais ce sont les 1900 consultants privés externes qui interviennent auprès des entreprises sur le terrain, du diagnostic stratégique à des missions plus ciblées sur des problématiques particulières, touchant par exemple à l’innovation, la décarbonation ou encore le développement export.
En dix ans, la boite à outils s’est considérablement étayée, pour répondre tout autant à des besoins généraux qu’à des problématiques particulières, avec le même objectif : booster la croissance de ces entreprises. Sur le seul domaine de l’export, outre des programmes d’accélération généralistes et par filière, des accélérateurs internationaux ont ainsi vu le jour, avec la collaboration des Business France, et, plus récemment, des accélérateurs dédiés à une zone géographique (Afrique) ou binationaux (Italie), pour favoriser la mise en contact avec des PME étrangères. « On veut en créer un sur l’Allemagne, avec deux Länders » complète Guillaume Mortelier, directeur exécutif en Charge de l’Accompagnement chez Bpifrance.
Un ticket subventionné mais qui engage l’entreprise
Pour autant, si les prestations sont subventionnées, elles ne sont pas gratuites pour les entreprises : il faut que le dirigeant paye sa part du ticket, la banque publique ne prenant en charge que la moitié du coût.
D’après Guillaume Mortelier, une mission de conseil de 10 jours/ homme (le plus souvent étalée sur plusieurs mois) est facturée en moyenne 1300 euros hors taxe par le consultant, réparti à part égal entre Bpifrance et l’entreprise bénéficiaire. Le prix est inférieur à celui du marché car la banque publique assure tout le travail de prospection en amont et que le consultant sait que ces entreprises peuvent devenir des clients régulier après avoir terminé leur programme. Pour un programme accélérateur, la facture se situe entre 9000 et 59 000 euros, la aussi avec une clé de répartition qui engage financièrement l’entreprise, en fonction des prestations qu’elle va prendre en marge du programme commun aux autres entreprises.
« L’accélérateur francilien nous a couté 30 000 euros » témoigne Alexandre Benamban, P-dg de la société Patyka, concepteur et producteur de produits cosmétiques premium biosourcés. Mais il ne regrette rien. Sa jeune société a rejoint en 2021 l’accélérateur francilien et « nous avons utilisé toute la palette d’outils » : diagnostic de croissance, Volontaire territorial (qui a fait toutes les études pour diagnostiquer et verdir la supply chain jusqu’au scope 3), financements… « Nous avons signé deux contrats d’assurance prospection pour l’Italie et pour l’Espagne, et nous démarrons bientôt le Portugal », complète Alexandre Benamban. « En Italie aujourd’hui, nous avons 350 points de vente ».
Entrée dans l’accélérateur avec un effectif de 30 personnes, Patyka en emploie aujourd’hui 120. Son chiffre d’affaires, à 30 % réalisé hors de France, principalement en Europe, croît au rythme de 40 % par an et atteint aujourd’hui « plusieurs dizaines de millions d’euros » selon son dirigeant. Ce n’est pas fini : ce dernier veut intégrer un nouvel accélérateur pour, cette fois-ci, attaquer le grand export.
Christine Gilguy