Le rapport d’information de la mission parlementaire sur « les dispositifs de soutien à l’exportation et à l’attractivité », conduite par les députés Sophia Chikirou (Nupes-LFI) et Charles Rodwell (Renaissance) et présenté aujourd’hui à la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, ne « renverse pas la table », saluant au contraire les apports de la réforme « de Roubaix » ayant conduit à la création du guichet unique Team France Export (TFE). Mais il fait une série de propositions pour en améliorer l’efficacité. Revue de détails.
Ce rapport, qui est issu d’un programme d’audition intense mené depuis mi-décembre par les deux parlementaires auprès des représentants des acteurs publics et privé et de dirigeants d’entreprises, ne manque pas d’intérêt. D’autant plus que touchant aux thématiques clivantes de la mondialisation -avec l’export et les investissements directs étrangers (IDE)-, il a été réalisé par deux députés aux convictions idéologiques opposées sur ce sujet : d’une part Sophia Chikirou, député Nupes-LFI, et d’autre part par Charles Rodwell, député Renaissance.
Dans la version provisoire que Le Moci a pu consulter, l’on sent poindre de fortes divergences sur certaines questions telles que la fiscalité (la première plutôt hostile aux avantages octroyés aux entreprises, le second plutôt favorable) ou l’ouverture aux IDE (la première encline à augmenter la protection des entreprises françaises, le second plus ouvert).
Mais l’on est finalement agréablement surpris de constater que, notamment sur le sujet des aides à l’export, de nombreuses propositions sont communes : « les trois quarts, voire les quatre cinquièmes des propositions contenues dans ce rapport sont communes » estime ainsi Charles Rodwell dans l’entretien exclusif qu’il a accordé au Moci à l’occasion de la présentation de ce rapport.
Quelles sont ces propositions ?
Sans entrer dans tous les détails, on en donne ici les grandes lignes. Face au constat partagé d’un déficit commercial devenu abyssal, « malgré les importants progrès accomplis », le rapport estime que « l’efficacité des dispositifs de soutien à l’export doit être renforcée », et propose des améliorations, dont certaines de bon sens, selon trois grands axes :
1/ Intégrer l’attractivité et l’export au cœur de la politique industrielle nationale ;
2/ Gagner des parts de marché à l’international en redéfinissant les priorités stratégiques de la politique de soutien à l’export ;
3/ Renforcer la coordination des acteurs de la Team France Export (TFE) et de la Team France Invest (TFI).
Pour chacune des ces orientations, les rapporteurs égrainent des propositions qui se veulent concrètes et opérationnelles.
1/ Intégrer l’attractivité et l’export
au cœur de la politique industrielle nationale
Dans ce premier axe, le plus dense et riche en propositions (13 au total), les co-rapporteurs affichent l’objectif clair et partagé de « projeter immédiatement nos politiques industrielles à l’export en assumant le choix politique se soutenir en priorité » d’une part « les entreprises opérant dans les secteurs d’avenir », en particulier ceux ciblés par les plans France Relance et France 2030, et d’autre part « les PME à haut potentiel et les ETI ».
D’où 13 propositions concrètes :
–Aligner les objectifs, les priorités et les indicateurs de la TFE et de la TFI « avec les orientations stratégiques du plan France 2030 » ;
-Mettre en œuvre une planification pluriannuelle de l’export, notamment sur le plan budgétaire, « afin de donner de la visibilité aux acteurs de l’écosystème de l’export » ;
– Renforcer la coordination entre le Conseil national de l’industrie (CNI) et les opérateurs de la TFE ;
-Créer une véritable « équipe de France » d’identification des talents et entreprises à « haut potentiel d’internationalisation » (ce qui passe notamment par le maintien des conseillers internationaux au sein des Chambres de commerce et d’industrie, un élément d’ores et déjà acquis), en associant les organisations et fédérations professionnelles ;
-Une politique d’attractivité allant de pair avec un renforcement de la protection des entreprises, notamment dans les secteurs stratégiques ;
-Un renforcement du filtrage des IDE entrants « afin dans limiter les impacts négatifs notamment sur la souveraineté économique de nos entreprises » (le rapport précise que cette proposition est faite par Sophia Chikirou) ;
-Confier à la TFE-TFI « un rôle d’accompagnement des entreprises françaises en matière d’intelligence économique et de risques géopolitiques » ;
-Faire de « la reconstitution de nos chaînes de valeur une priorité stratégique » de la TFI ;
– Mettre à l’étude des mesures d’incitation fiscale « visant à soutenir la réindustrialisation de la France, son attractivité et le rééquilibrage de sa balance commerciale » (proposition nommément attribuée à Charles Rodwell mais quelque peu contestée par Sophia Chikirou dans le rapport).
– Mettre à l’étude des « polices d’assurance vertes pour nos entreprises exportatrices » ;
-Réévaluer « le cadre législatif et réglementaire régissant l’assurance et le financement public de l’export » (et notamment faciliter l’intervention publique lorsque le marché privé est frileux) ;
– Engager « une réflexion d’ampleur sur la redéfinition de l’Etat en matière de commande publique » ;
-Renforcer « l’évaluation » de la TFE et la TFI « dans l’atteinte de leurs objectifs, en lien avec notre politique industrielle ».
2/ Gagner des parts de marché en redéfinissant
les priorités stratégiques de la politique de soutien à l’export
Dans ce deuxième axe, les co-rapporteurs tentent de corriger le fait que « la politique française de soutien à l’export actuelle n’affiche pas de priorités géographiques claires », plaidant au contraire pour « la définition » de telles priorités.
Avec, selon eux, deux « régions prioritaires » : la première est constituée des zones où « la France possède un avantage comparatif majeur, lié à sa culture, à son histoire, à ses relations diplomatiques et à la nature des produits qu’elle vend », typiquement « les pays francophones » ; la seconde est constituée des régions où le pays a récemment perdu des parts de marché importante, typiquement la zone euro « qui représente 60 % de notre déficit commercial ».
D’où les 11 propositions suivantes :
– Intégrer des priorités géographiques dans la stratégie de soutien à l’export (en premier lieu la TFE) ;
– Organiser une grande campagne de promotion de la « Marque France » à l’international (les rapporteurs suggèrent de faire appel aux acteurs de la culture pour en élaborer le contenu) ;
– Renommer la TFE et la TFI « France Export » et « Investir en France » ;
-Engager la création d’un « Commonwealth francophone » ;
– Créer une nouvelle entité « France Salon » sous la tutelle de Business France (pour notamment davantage promouvoir sur le territoire des événements tournés vers l’export, en particulier dans ses secteurs d’excellence);
– Créer une « équipe de France de la prospection » pour venir appuyer « les offres Business France », « afin de permettre aux PME de mieux identifier, depuis la France, les meilleures opportunités à l’export » ;
– Renforcer « nos dispositifs de formation globale à l’export, prioritairement à destination des chefs d’entreprises de PME et ETI » ;
– Réaliser « un bilan complet » de la politique d’aide au développement et de l’action de l’Agence française de développement (AFD) ;
– « Clarifier l’organisation des voyages et de prospection » et « maximiser les bénéfices » des déplacements présidentiels et ministériels à l’étranger (en gros, il s’agit d’améliorer la coordination entre les organismes publics et privés dans ce domaine) ;
– Créer pour les entreprises un « annuaire public » recensant pour chaque pays les élites locales formées en France ou ayant des liens étroits avec elle ;
– Mieux exploiter les données et analyses au service de « nos politiques de soutien à l’export » ;
– Renforcer la « digitalisation des entreprises françaises à l’export » et leur présence « en ligne » ;
3/ Renforcer la coordination des acteurs de la TFE et de la TFI
Dans ce dernier domaine, il s’agit, pour les co-rapporteurs, après les « progrès majeurs accomplis », d’aller plus loin. Et en particulier d’achever « la logique de guichet unique » de la TFE et consolider la « structuration » de la TFI.
D’où 7 propositions :
-Renforcer « le pilotage et la coordination opérationnelle de la TFE et de la TFI », notamment en « réformant le fonctionnement du Conseil stratégique de l’export » (il s’agirait d’organiser un dispositif restreint de pilotage mensuel) ;
– Renforcer « la transmission de données entre les opérateurs publics de la TFE et de la TFI » et mieux associer les « partenaires privés » à ce partage d’informations ;
– Réaliser « un bilan complet de l’action et des partenariats de Business France à l’étranger » ;
-Mieux faire connaître « les offres de financement et d’assurance export » et « améliorer leur lisibilité » ;
– Renforcer « l’intégration des collectivités territoriales » au sein de la TFE ;
– Renforcer la visibilité des acteurs des TFE et TFI, « notamment au sommet Choose France » ;
– Lancer un nouveau programme « ambassadeurs de la TFI » composés d’investisseurs internationaux.
La version finale de rapport d’information devrait être disponible en ligne, sur le site de l’Assemblée nationale, d’ici quelques jours.
C.G