C’est l’un des principaux messages à retenir de la dernière édition de Bercy France Export, rendez-vous annuel du dispositif d’aides à l’export organisé par le ministère de l’Économie et des finances : le soutien aux entreprises exportatrices reste une priorité haute du gouvernement français, tout autant son arsenal financier que le dispositif d’accompagnement sont en ordre de marche pour servir les priorités géographiques et sectorielles de la politique de commerce extérieur de la France, de plus en plus orientées « lutte contre le changement climatique » .
A cet égard, le bilan du commerce extérieur pour 2019 que doit dévoiler demain 7 février le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne contient une donnée qui semble conforter ce choix de politique publique : malgré le ralentissement de la croissance, la montée du protectionnisme et les sanctions internationales, non seulement le déficit commercial se stabilise, mais en plus le nombre d’exportateurs recommence à augmenter, près 129 000 l’an dernier, soit 5000 de plus qu’en 2018.
Un chiffre que n’a pas manqué de signaler le directeur général adjoint du Trésor François Drumont, lors de son intervention en introduction de Bercy France Export, juste après celle du ministre de l’Économie et des finances Bruno Le Maire.
L’ indicateur est encourageant, même si personne ne s’est risqué, à Bercy, à en attribuer ouvertement le mérite aux réformes des dispositifs d’aide menées ces deux dernières années, notamment avec la montée en puissance de Bpifrance et la mise en place des « guichet unique » Team France Export (TFE) dans les Régions, opérationnels depuis quelques mois seulement.
Une PAC 2020 volontariste
Côté instruments financiers, la politique d’assurance-crédit export 2020 (PAC 2020), qui donne le ‘LA’ en matière d’appétit et prise de risque à l’export par l’Etat français, reste très volontariste.
La carte de la PAC2020, qui est en ligne sur le site de la DG Trésor depuis le 30 janvier*, est, comme en 2019, « très largement verte » a observé Claire Cheremenski, chef du SABINE** à la DG Trésor.
Elle intervenait lors d’une table-ronde sur le bilan de l’action de la TFE et la présentation de la politique de financement export 2020, aux côtés de Christophe Lecourtier, directeur général de Business France et de François Lefèbvre, directeur général de Bpifrance assurance export (Bpifrance AE).
Sur la carte de la PAC, la couleur verte signifie que la PAC est ouverte sans restriction, le vert pâle introduit de la vigilance dan l’examen des dossiers, alors que la couleur jaune introduit des restrictions dont la nature et le degré peuvent varier d’un pays à l’autre, et que la couleur rouge indique une fermeture totale (Iran, Corée du nord…).
Pour 2020, quatre pays ont fait l’objet de restriction à la suite de l’aggravation du risque pays, mais six pays bénéficient au contraire d’assouplissements qui marquent une amélioration de ce même risque pays.
Pour les restrictions, il s’agit de la Bolivie et du Costa Rica (ouverts avec vigilance) ainsi que de l’Argentine et de Cuba (vigilance renforcée, examen au cas par cas, en fonction de l’acheteur), ce dernier subissant des sanctions renforcées.
Pour les assouplissements, en bénéficient la Bosnie Herzégovine, l’Equateur, le Togo, le Népal, le Kirghizistan et le Tadjikistan.
Décollage du nombre de PME et ETI bénéficiaires
Le bilan de l’activité pour 2019 en matière de crédit export et de prêts du Trésor révèle quelques tendances positives, malgré la baisse des prises en garantie en assurance-crédit de Bpifrance AE, tombée à un peu moins de 12 milliards d’euros (11,665 milliards exactement).
Une chute de 20 % qui s’explique par le faible nombre de grands contrats militaires et du secteur naval par rapport aux années précédentes. Des détails ont notamment été fournis lors de la présentation du bilan 2019 d’activité de Bpifrance, le matin même l’événement à Bercy, par son Directeur général Nicolas Dufourcq.
Mais le nombre de PME assurées est en hausse : + 9,2 %. Un bon signe pour cet instrument toujours perçu comme bénéficiant d’abord aux grands groupes industriels.
Un bon signal est également le décollage du Pass Export après des débuts difficiles, ce programme qui permet à une PME ou une ETI industrielle d’accéder à des facilités en matière d’obligations de part française : huit Pass Export ont été signés, dont cinq en 2019, et le dernier le jour même par Bruno Le Maire. Le pionnier qu’avait été en 2018 le chantier naval Piriou a ainsi été rejoint par Axéens, Fonroche Lighting, INE E&S, Metso, Groupe Néoen, Suez International et Alcatel Lucent International.
La nouvelle formule de l’assurance prospection (AP), plus proche d’une avance de trésorerie que de l’ancien système assurantiel, semble également avoir trouvé son marché depuis son lancement mi-2018 : les montants sont en hausse de 45 %, à 327 millions d’euros, et le nombre de contrats a bondi de 11 %, à 1490 (1342 en 2018).
D’autres produits sont également en hausse tels que les garanties de caution et de préfinancement export : pour un montant en hausse 6 %, à 727 millions d’euros. En revanche, la garantie de change souffre toujours d’une méconnaissance des entreprises avec un montant en recul de 6 %, à 663 millions d’euros.
Côté Prêts du Trésor, ces prêts d’État à État « utiles pour déclencher la décision d’un gouvernement sur un projet » selon Claire Cheremenski, ils ont atteint un montant global de 300 millions d’euros en 2019. Ils sont venus en soutien de huit grands projets, dont plusieurs dans les infrastructures et l’énergie menés en Afrique (Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal…).
Quant au FASEP, programme qui permet de financer par des dons les études des projets, son activité a été boostée par l’appel à projets « ville durable » lancé par la DG Trésor pour permettre à des entreprises et startups d’élaborer des démonstrateurs de solutions nouvelles en vu de les présenter lors du prochain Sommet Afrique-France de Bordeaux, en juin prochain : 30 millions d’euros ont été injectés au titre du FASEP l’an dernier, pour 37 projets dans 27 pays, dont les 20 de l’appel à projet. Vu le succès, un nouvel appel à projet est en préparation.
Enfin, la nouvelle garantie de projet stratégique (GPS), mise en place l’an dernier, n’a pas encore été mise en application. Destinée à soutenir financièrement des projets stratégiques n’ayant pas de conséquences directes en termes d’exportation, elle pourrait toutefois trouver une première concrétisation cette année en soutien à la deuxième phase d’un projet de plantation d’hévéa durable que mène de Michelin en Indonésie. Le dossier est en cours d’instruction.
2020 : l’année des résultats
Pour 2020, le gouvernement met la pression sur les opérateurs pour augmenter encore les résultats, notamment dans le tissu des PME et ETI, principales cibles de la politique de commerce extérieur.
Côté soutien financier, François Lefebvre n’a pas hésité à se tourner vers son voisin Christophe Lecourtier, mais aussi le public de dirigeants d’entreprises et de banques présent dans la salle : « c’est un appel à l’aide à vous tous que je lance pour atteindre nos objectifs », a lancé le directeur général de Bpifrance AE. « Il y avait déjà des ‘plus’ en 2019, et il faut encore faire plus en 2020 » a-t-il lancé.
Quel sont ses objectifs quantitatifs ? 220 contrats d’assurance-crédit export, soit 20 de plus qu’en 2019 ; plus de contrats d’assurance-prospection AP, qui dépendront de l’accord du Budget ; 500 contrat de garanties de préfinancement export ; plus de garanties de change (85 bénéficiaires en 2019)… Au-delà des chiffres, c’est une percée encore plus nette auprès des PME et ETI qui est recherchée, qui serait le signe d’une dynamique de relance de l’appareil exportateur.
Pour y parvenir, Bpifrance AE va poursuivre, en s’appuyant sur le réseau Bpifrance, ses efforts de promotion et d’accompagnement des entreprises dans les territoires, mais également le mouvement de décentralisation des décisions dans les directions régionales de Bpifrance (avec les garanties de préfinancement export), la simplification des procédures et formulaires de demande et leur digitalisation.
« On n’est plus dans le temps de la réforme mais dans le temps de l’action »
Mais au-delà de ces efforts internes, c’est bien sur le nouveau dispositif TFE que repose une partie de la clé du succès, et ses 1000 conseillers en réseau. Christophe Lecourtier ne s’y est pas trompé : « On n’est plus dans le temps de la réforme mais dans le temps de l’action » a-t-il reconnu, rappelant la fameuse phrase du Premier ministre Edouard Philippe, à Roubaix lors du lancement des réformes en février 2018 : « L’export ça commence dans les territoires ».
Reposant sur les quatre piliers que sont Business France, les CCI de Région, Bpifrance et les opérateurs des Régions, les TFE sont aujourd’hui en place dans toutes les Régions, pilotes des politiques d’internationalisation des entreprises dans leur territoire, avec des conventions signées. «On a réalisé les conditions d’une mise à disposition des outils de l’État aux Régions », dans un cadre « contractuel », a déroulé Christophe Lecourtier. Les acteurs privés sont associé au dispositif « soit dans une logique de complémentarité, soit avec une offre alternative ».
Quelque 250 conseillers internationaux issus de Business France et des CCI sont en place sur tous le territoire, avec un outil CRM commun, selon les chiffres divulgués lors du dernier Conseil stratégique de l’export. Objectif : apporter aux 45000 entreprises qu’ils ont d’ores et déjà en portefeuille du conseil et un accompagnement dans leur projet d’internationalisation.
A l’étranger, cette logique de « guichet unique » s’applique aussi, avec la mise en place de concessions de service public dans les pays dont Business France se retire, et le référencement de prestataires dans les domaines pour lesquels elle ne peut fournir tous les services dont ont besoin les entreprises. « Depuis le territoire jusqu’à l’international, il y a un continuum, auquel s’ajoute le réseau de la banque publique » a encore expliqué le directeur général de Business France. Quelque 750 conseillers seraient ainsi à disposition des entreprises à l’étranger.
Lui comme ses collègues à la tête des autres opérateurs le savent : tout ce dispositif doit désormais donner des résultats. Ils y planchent d’ores et déjà, non sans états d’âme pour certains, car l’année 2020 sera celle des premières évaluations de performance demandées par les tutelles, en termes de nombre d’entreprises accompagnées mais aussi en termes de retour sur leur chiffre d’affaires à l’export. Un premier bilan est prévu avant l’été.
Christine Gilguy
*SABINE = Service des affaires bilatérales et internationalisation des entreprises.
**La carte de la PAC 2020 est en ligne au lien suivant : https://www.tresor.economie.gouv.fr/services-aux-entreprises/le-pret-du-tresor#a;
La carte FASEP est en ligne au lien suivant : https://www.tresor.economie.gouv.fr/services-aux-entreprises/le-fasep#b.