En décidant de consacrer un focus sur le dispositif français de soutien des PME à l’export dans son rapport pour avis présenté au nom de la Commission des Affaires économiques sur le budget 2017 du commerce extérieur, Jeanine Dubié, députée radicale de gauche des Hautes-Pyrénées, a vu juste si le but recherché était que son rapport laisse des traces en abordant des problèmes pendants : avec l’œil neuf d’une parlementaire ne s’étant jamais penchée sur ce sujet, elle a tout bonnement mis les pieds dans le plat en pointant la complexité persistante du système, véritable millefeuille d’organismes et de programmes, malgré des réformes salutaires de simplification menées ces dernières années. D’où un appel à la poursuite des réformes, et notamment à la meilleure coopération entre opérateurs. Le Moci a lu son rapport et interrogé la députée. Voici l’essentiel de ses vérités.
« Deux systèmes cohabitent … alors qu’ils devraient mutualiser leurs moyens »
« J’ai ciblé mon rapport sur les PME, car je voulais essayer de comprendre pourquoi elles ne se tournaient pas davantage vers l’export, malgré tous les dispositifs existants », a-t-elle confié au Moci peu après l’adoption de son avis en commission, le 4 novembre dernier. Or, constatait-elle, « deux systèmes cohabitent et sont concurrents, alors qu’ils devraient mutualiser leurs moyens ».
Business France, l’opérateur d’État, d’un côté, et les Chambres de commerce et d’industrie de l’autre, en France (parapubliques) et à l’étranger (privées), auxquels s’ajoutent les Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), bénévoles, mais aussi les professionnels privés de l’accompagnement à l’export, avec l’OSCI, les fédérations comme la CGPME, et d’autres encore. A cela, s’ajoutent les dispositifs des Régions -en plein chamboulement actuellement-, très hétérogènes, pouvant créer des inégalités entre entreprises en matière de soutien financier, selon qu’elles sont localisées dans tel ou tel territoire.
« C’est important, par exemple, pour l’accès au VIE (volontariat international en entreprise) », insiste Jeanine Dubié. Son rapport rappelle que si certaines Régions subventionnent ce dispositif géré par Business France avec des taux allant de 50 à 100 %, d’autres ne le font pas du tout. « Dans ce domaine, Business France à un rôle à jouer avec les nouvelles Régions », estime la députée.
Bilan mitigé du plan Fekl pour la simplification du dispositif
Son rapport détaille, dans sa deuxième partie, les efforts de simplification menés ces deux dernières années, notamment dans le cadre du plan d’actions de Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce extérieur, en faveur du développement international des PME. « Ce plan de quinze mesures visait à concentrer l’effort de la puissance publique sur les PME et ETI et à simplifier le dispositif public d’accompagnement des entreprises à l’international en structurant un ‘parcours de l’export’», rappelle le rapport. Mais son bilan est mitigé : « dix-huit mois plus tard, un premier bilan permet de constater la mise en œuvre partielle de ces mesures, mais aussi la persistance de certaines critiques, et partant, de marges d’amélioration ».
Malgré la création du Conseil stratégique de l’export (CSE), la signature de conventions de partenariats entre Business France et différents opérateurs (Association des Régions de France, CCI International, CCEF, CCI France International, plus récemment l’OSCI…), le transfert des garanties publiques export de Coface à Bpifrance, la mise en place du site portail France-International.fr, le développement d’une stratégie de filières, les PME n’y comprennent toujours rien et continuent à méconnaître les dispositifs.
Citant un sondage réalisé en juin 2016 par Opinion Way pour CCI International, le rapport rappelle que, dans le domaine du soutien à l’export, « 64 % des entreprises interrogées n’étaient pas en mesure de citer aucun organisme » spontanément. Les CCI étaient citées par 20 %, Business France par 8 % et Bpifrance par 5 %… Le site France-International.fr, lui, affiche une audience réduite.
Appel à la poursuite des efforts de clarification et de coordination
D’où un encouragement de la parlementaire à tout ce qui peut permettre d’améliorer la coordination et la simplification du système. Parmi les huit propositions d’amélioration qui concluent son rapport, Jeanine Dubié appelle ainsi à « la clarification des responsabilités des organismes de soutien, et leur coordination, via la poursuite de la signature de partenariats » ; « l’amélioration de la gestion de l’opérateur Business France » ; « l’harmonisation des politiques régionales de soutien à l’export » …
En l’occurrence, la députée estime que la mise en place du CSE à l’initiative du secrétaire d’État au Commerce extérieur, Matthias Fekl, dont la première réunion s’est tenue en mars 2015, est une initiative qui « va peut être permettre cette meilleure coordination » tout en favorisant « une meilleure information des PME ». « Ça met tout le monde autour de la table, des Régions à Business France en passant par les CCI et les OSCI, les fédérations, les ministères, etc. », observe Jeanine Dubié. Elle espère que cette instance survivra à un éventuel changement de gouvernement.
« C’est peut être un modèle économique à revoir »
Une question vient toutefois à l’esprit à la lecture de ce rapport. Faudra-t-il aller plus loin, et comment ? Faudra-t-il envisager un rapprochement plus poussé –une fusion ?- entre les services d’appui export de Business France et ceux des réseaux consulaires ?
Des questions qui se posent désormais de façon récurrente dans cet écosystème du commerce extérieur, les réseaux consulaires n’étant pas les derniers à se plaindre de la réduction de leurs propres ressources budgétaires et à faire du lobbying pour promouvoir leurs services d’appui aux entreprises. La députée, si elle estime la question légitime, ne prend pas position, mais n’endosse pas non plus cette idée. « Je crois qu’ils ont besoin de mieux se connaître », lâche-t-elle. « Il faut aussi clarifier les responsabilités ».
Dans son rapport, Jeanine Dubié se fait l’écho des critiques récurrentes –entrepreneurs, CCI, CGPME, notamment- sur les tarifs des prestations de Business France et son offre jugée trop «administrative» et surtout plus adaptée à des ETI qu’à des PME, une critique qui concerne également la banque publique Bpifrance. Les deux opérateurs rejettent ces critiques.
Mais comme sa consœur Monique Rabin*, Jeanine Dubié constate que le modèle de Business France est aujourd’hui sous pression : face à une subvention de service public qui diminue et une exigence de l’État, dans son contrat d’objectif et de performance (COP) 2015-2017, de générer plus de 42 % de ressources propres d’ici fin 2017, l’opérateur n’a pas vraiment le choix : il doit accroître ses sources de revenus. « C’est peut être un modèle économique à revoir », commente-telle. En premier lieu par l’État.
«Éviter les doublons» et «combler les ‘trous dans la raquette’ »
En attendant, dans son rapport, elle appelle à une stabilisation des subventions tout autant à Business France qu’à CCI International*. Mais elle appelle aussi à explorer de nouveaux champs de coopération : le rapport est particulièrement explicite concernant les réseaux à l’étranger de Business France et des CCI françaises à l’international (CCIFI), qui parfois sont insuffisants, parfois se font concurrence.
La députée n’est ainsi pas tendre face aux critiques qui fusent sur ces réseaux : « selon le ministère des Affaires étrangères, interrogé sur cette question, Business France comme les CCI françaises à l’international souhaitent être présents dans les ‘pays qui rapportent’ le plus (États-Unis, Singapour), alors que l’un comme l’autre peinent à s’établir dans les pays qui ne seront pas ‘rentables’ que dans plusieurs années », constate le rapport. « La CGPME confirmait l’existence, dans certains pays, d’une rivalité entre les CCI et Business France (notamment en Iran), qui expliquerait la réticence des deux organismes à mettre en place une mutualisation, sous quelque forme que ce soit », ajoute-t-il.
Et d’appeler très clairement à une remise en cause de cette approche. « Au nom de l’intérêt général», le rapport appelle à la rationalisation des implantations des différents organismes français à l’étranger, de manière tout à la fois, à éviter les doublons et à combler les ‘trous dans la raquette’ ». Invitée à préciser ce point par Le Moci, Jeanine Dubié précise : « Il y aurait à repenser cette organisation en se partageant un peu les territoires ». Une recommandation qui devrait ravir les réseaux consulaires, qui en ont fait leur nouveau cheval de bataille à l’international, voire les OSCI, qui ont aussi un réseau international.
Christine Gilguy
*Commerce extérieur / PLF 2017 : un budget 2017 en demie teinte pour l’appui aux exportateurs
Pour en savoir plus :
Consultez le rapport Dubié : N°4127- Avis présenté au nom de la Commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061) Tome VII, Économie, Commerce extérieur, par Mme Jeanine Dubié.
Le document Pdf de 49 pages est téléchargeable sur notre site au lien suivant : Commerce extérieur / PLF 2017 : rapport pour avis de Jeanine Dubié
Il est également accessible sur le site de l’Assemblée nationale au lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/budget/plf2017/a4127-tVII.pdf