Lors de la deuxième édition de leur événement « Back to export », au Medef le 12 décembre, les acteurs de la plateforme Leaguexport, dédiée à l’offre privée d’accompagnement à l’export*, ont réuni ministre et dirigeants de PME autour des freins à l’export et des atouts de l’exportation collaborative. Un baptême du feu pour Olivier Becht, sur la question sensible de la coopération public-privé dans ce domaine.
Le coprésident de Stratexio, Fabrice Le Saché, également vice-président et porte-parole du Medef, a d’entrée lancé une perche au ministre en charge du Commerce extérieur Olivier Becht, sur un point qui figurait dans la liste commune des demandes du Medef et des Conseillers du commerce extérieur (CCE) aux candidats à la dernière présidentielle : la réforme du Conseil stratégique de l’export (CSE), organe que réunit le ministre périodiquement. Rassemblant une large palette d’institutionnels, il sert plutôt d’organe de transmission au ministre que de véritable outil de réflexion collective sur la stratégie.
« Je vous propose directement de travailler sur la réforme du CSE », lui a lancé Fabrice Le Saché devant un public de dirigeants de PME, appelant à « une vraie coordination publique-privée » en matière de soutien à l’export. A commencer par des sujets très concrets comme la coordination des agendas et des calendriers autour d’événements tels que la réception de délégations étrangères en France, les déplacements à l’étranger du ministre, ou l’organisation d’événement sur les salons internationaux.
Chloé Berndt, coprésidente de l’OSCI (fédération qui rassemble les sociétés privées de conseil à l’international), a complété en indiquant qu’en matière de mobilisation de ressources externes pour nourrir son expansion, un dirigeant d’entreprise ne devrait plus avoir à se poser la question « public ou privé ? », mais puisse opter pour une solution « public et privé ».
S’y retrouver « face à des méandres »
Lors d’une table ronde sur les freins à l’export mettant en présence quatre dirigeants de PMR et le ministre, le premier à intervenir leur a donné plutôt raison : malgré la réforme qui a conduit à la création d’un « guichet unique » public pour les aides à l’export, la Team France Export, cet écosystème reste encore compliqué pour les non-initiés.
« Lorsque nous nous sommes lancés, nous nous sommes retrouvés face à des méandres » a relaté Christopher Franquet, le fondateur et P-dg d’Entex, une jeune entreprise bretonne dont la spécialité est l’installation de centrales photovoltaïques et d’équipements de stockage de l’électricité. Bretagne commerce international (BCI), Team France Export, Bpifrance, Business France, les chambres de commerce (CCI)…. « C’est très compliqué » a insisté le dirigeant.
Pour la petite histoire, il se trouve que la Bretagne est aussi la seule région où, côté public, le « guichet unique » Team France Export (Business France/CCI/Région) n’a pas pris, l’association d’entreprises Bretagne commerce international, issue d’un rapprochement Région/CCI, ayant été préférée par les entrepreneurs bretons. Les aides ne font pas tout, heureusement, Entex s’en est bien sorti : elle réalise actuellement 30 millions d’euros de CA, dont 10 à 30 % à l’export, activité qu’elle développe progressivement en Afrique, Asie et Europe. Mais pour son dirigeant, il faut améliorer le système, « qu’on ne soit pas obligé de payer pour obtenir des informations », mieux « harmoniser les offres », encourager le « chasser en meute ».
Olivier Becht, tenu de répondre en direct, n’a pas éludé mais n’a pas non plus apporté de réponse concrète : partageant le constat que l’offre d’accompagnement reste « large et peu visible » pour les entreprises, malgré la Team France Export, il a aussi rappelé aux entreprises que des aides financières existaient pour réduire les coûts des prestations de conseil. Le ministre s’est aussi dit favorable à davantage associer les acteurs privés, indiquant au passage qu’il demandait que l’OSCI soient systématiquement associé à ses déplacements à l’étranger.
Sur la réforme du CSE, Olivier Becht a néanmoins clairement botté en touche. Et au final, il n’a retenu qu’une idée : il « faut encore simplifier », et « davantage communiquer auprès des entreprises ». Cela fera partie, a-t-il dit, des objectifs du prochain plan export.
Frilosité banques, difficultés de recrutement et concurrence déloyale
Parmi les autres freins à l’export évoqués par les dirigeants d’entreprises, le manque d’appétit des banques pour le soutien des PME à l’export. Le problème serait critique en matière d’émission de cautions et garanties de marché, instruments clés pour répondre aux appels d’offres internationaux pour des marchés publics selon Olivier Perruche, président d’Enertex. Si Bpifrance propose des solutions, les choses se compliquent, selon lui, dès que le besoin sort de l’ordinaire. Sur ce point, le ministre a admis qu’il existe « une frilosité des banques françaises » et assuré qu’il a l’intention d’en parler avec la Fédération bancaire française (FBF).
Autre frein : les difficultés de recrutement, notamment de commerciaux et de responsables de l’administration des ventes maîtrisant bien l’anglais. « Les bons profils sont souvent recrutés par les grandes entreprises qui ont plus d’avantages à leur offrir que les PME » a relaté Valérie Renard, directrice générale de Caplain Machines (machines pour la boulangerie). Plusieurs dirigeants ont indiqué avoir recruté des profils étrangers faute de trouver des candidats français. Olivier Becht se dit conscient du problème, qu’il considère comme profondément culturel. Il estime que le volontariat international en entreprise (VIE) apporte une réponse mais il pousse par ailleurs une formule de volontariat territorial tourné vers l’export – « je suis en train de faire expertiser l’idée » – et souhaite développer le mentorat.
Enfin, derniers freins, le problème de la concurrence déloyale et du manque de réciprocité entre l’Europe et ses grands partenaires tels que la Chine, mis en exergue par Henri Guichard, P-dg de Citel. Ses parafoudres sont copieusement copiés par les contrefacteurs chinois et ils subissent un droit de douane de 9 % à l’import en Chine là ou l’Union européenne n’applique que 0,07 %.
En réponse, Olivier Becht a renvoyé aux efforts menés au niveau européen, avec le soutien de la France, pour durcir l’arsenal de défense commerciale et passer à une « concurrence équitable » : création d’un « chief trade enforcement officer » chargé de contrôler la mise en application des engagements commerciaux des partenaires, règlements sur la réciprocité et anti-coercition, clauses environnementales et sociales obligatoires dans les nouveaux accords commerciaux …
Mais concernant le protectionnisme américain du plan Inflation Reduction Act, qui favorise massivement le Made in America, le ministre n’a pas caché l’embarras dans lequel se trouvent les Européens : ce plan est clairement contraire aux règles de l’OMC (sur 370 milliards d’aides, 200 « sont contraires aux règles de l’OMC » selon le ministre), mais mettre en place un équivalent européen serait tout aussi contraire à ces mêmes règles. Et risquerait de ruiner définitivement le multilatéralisme. « Ce serait alors difficile d’aller parler aux Chinois pour qu’ils respectent les règles de l’OMC » a résumé Olivier Becht. Le ministre, qui venait d’échanger à ce sujet avec son homologue allemand, a toutefois indiqué que les Européens n’allaient pas non plus se laisser faire sans réagir….
Face au manque de visibilité et aux incertitudes dans le contexte international actuel, qui préoccupent aussi les chefs d’entreprises, le ministre a estimé qu’il fallait s’adapter, mais en aucun cas restreindre « le champ d’opération ». « Il faut continuer à avoir le monde comme horizon » a-t-il conclu.
Des feuilletons en perspectives pour les entreprises impactées par ces différents sujets. A suivre…
Christine Gilguy
*Leaguexport est une plateforme en ligne vitrine de l’offre d’accompagnement à l’international proposée par Medef International, Stratexio et l’OSCI.