Après la décision de Moscou, le 7 août, d’instaurer pendant un an un embargo sur les produits agroalimentaires en provenance de l’Union européenne (UE), de Norvège, des États-Unis, du Canada et d’Australie, l’UE a décidé de mobiliser 125 millions d’euros pour financer des mesures de soutien à leurs producteurs. Alors que cet embargo est une réponse à l’aggravation des sanctions décidée par les 28 fin juillet, le 5 septembre, les ministres de l’Agriculture de l’UE tiendront une réunion exceptionnelle à Bruxelles sur le sujet.
Renforcement du dispositif d’urgence et recherche de nouveaux débouchés pourraient être à l’ordre du jour. Car aujourd’hui les Européens savent que, même en cas d’arrêt des hostilités en Ukraine et de levée à terme de cet embargo, il sera difficile de regagner les positions perdues sur le marché russe.
Salon World Food Moscow : Brésil et Argentine se renforcent
Aux regards des échanges agroalimentaires de la Russie, les États d’Amérique latine devraient être les grands gagnants de l’affrontement est-ouest aux frontières de l’Ukraine. Le Brésil et l’Argentine semblent devoir mener l’offensive. Ces deux pays, aux côtés de l’Égypte et de la Chine, viennent d’être ainsi cités parmi les pays à « accroître significativement leur espace d’exposition » au prochain salon World Food Moscow 2014 (15-18 septembre) par le groupe ITE, organisateur de la manifestation.
Jusqu’à présent, les vins et spiritueux, principal poste d’exportations de l’Hexagone, ne sont pas visés par la décision du Kremlin. Du coup, un tiers seulement des livraisons agroalimentaires de la France est menacé par l’embargo, ce qui représentait en 2013 un montant de 244 millions d’euros sur un total de 738 millions, d’après les Douanes françaises.
Cinq grands secteurs sont ainsi concernés par l’embargo : la viande, premier poste touché avec des importations en provenance de France de 134 millions d’euros l’an passé *, d’après les Douanes russes, devant le lait et les produits laitiers, avec 119 millions, les légumes et plantes avec 28 millions, les céréales avec 25 millions, les fruits avec 21 millions et les poissons avec 12 millions.
L’offensive sud-américaine menace plus particulièrement le secteur de la viande. En 2013, le Paraguay dépassait légèrement la France, avec des approvisionnements russes de l’ordre de 488 millions d’euros. L’Argentine la devançait plus nettement avec 142 millions. Mais le véritable concurrent, c’est le Brésil, la Russie lui ayant acheté pour 1,45 milliard d’euros l’an dernier, d’après la base de données GTA/GTIS.
La Russie a déjà indiqué que les restrictions imposées pour des raisons de normes sanitaires à ses importations de viande et de produits laitiers en provenance du Brésil seraient levées. Dans le lait, le Brésil pourrait donc aussi prendre un place enviable, aux côtés de l’Argentine et de l’Uruguay, auxquelles la Russie a acheté réciproquement pour 88 millions d’euros et 66 millions l’an passé.
Les opportunités de l’Équateur, du Paraguay, du Chili et de la Chine
Dans les fruits, l’Équateur et le Paraguay ont engrangé pour plus de 710 millions et 490 millions d’euros réciproquement en 2013. L’Argentine a aussi affiché un gain de 190 millions et le Chili de 134 millions.
Dans les poissons et crustacés, c’est le Chili qui devrait profiter de la nouvelle situation, la Norvège étant ciblée par l’embargo. Cet Etat d’Europe du nord visé par l’embargo russe, avec des achats russes supérieurs à 851,9 millions d’euros était le premier fournisseur en 2013, devant le Chili, avec 218 millions.
Hormis l’Amérique du Sud, d’autres territoires peuvent bénéficier de la nouvelle situation. Au premier chef la Chine, premier fournisseur tous produits de l’ancien pays des tsars avec 38,887 milliards d’euros en 2013, Si l’ex-Empire du Milieu livre en priorité des produits industriels (machines, matériel électrique…), il possède également des positions enviables dans certains secteurs agroalimentaires : légumes et plantes, 290 millions d’euros ; fruits, 229 millions ; préparations de légumes et fruits, 210 millions ; poissons et crustacés, 193 millions.
L’Afrique peut tirer son épingle du jeu, avec, dans les fruits, l’Afrique du Sud, l’Égypte et le Maroc (entre 175 et 190 millions d’euros d’importations russes) et encore l’Égypte et le Maroc dans les légumes (environ 80 millions chacun).
Le ministre français de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, avait annoncé, avant le remaniement ministériel, qu’il rencontrerait ses homologues espagnol (28 août à Madrid), allemand et polonais (2 septembre à Bonn), avant une réunion programmée le 3 septembre à Paris avec les syndicats agricoles représentatifs et les interprofessions concernées.
François Pargny
*Sources : base de données GTA-GTIS