A quelques jours du discours très attendu par les milieux d’affaires français sur l’Afrique d’Emmanuel Macron au Burkina Faso, le 28 novembre, et du Sommet Union africaine-Union européenne (UA-UE) en Côte d’Ivoire, les 29 et 30 novembre, le Comité Afrique de Medef International a présenté, le 23 novembre, sa vision d’une politique européenne rénovée, plus « pro-business », et d’une coopération d’égal à égal entre Européens et Africains, fondée sur l’essor du secteur privé.
« Il va falloir partager. Ce qui n’est pas toujours facile pour les entreprises qui ont une vision patrimoniale et sont là pour faire du profit. Mais nous devons l’apprendre », a ainsi plaidé le président du Comité Afrique, Patrice Fonlladosa, en présence de Fabrice Le Saché, coordinateur l’index UP40 des start-up françaises en Afrique et président d’Aera Group, et Philippe Gautier, directeur général de Medef International.
Les instruments européens : Fed et PIE
Le Comité Afrique entend ainsi entretenir un dialogue constant avec les patronats africains et être à l’écoute des besoins du continent. Ensuite, il faudrait refonder la coopération européenne. Le Fonds européen de développement (Fed) est « sans efficacité » et « constitué essentiellement de subventions », déplorait Patrice Fonlladosa.
Pour cette instance patronale, dont les représentants se sont rendus à Bruxelles il y a quelques jours pour rencontrer les députés européens, il est temps de créer un outil européen utilisable par le secteur privé. Pour développer des projets et gagner des marchés, « dans les instruments du Fed, il n’y a pas de saisie directe possible par les entreprises, déplorait Philippe Gautier. Il y a bien des facilités dans les infrastructures ou l’eau, mais ça ne marche pas, il faut passer par les agences de coopération nationale », en l’occurrence, s’agissant de la France, l’Agence française de développement (AFD).
Il y a bien le plan d’investissement extérieur (PIE) de 44 milliards d’euros, annoncé par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, mais il se heurte à des difficultés de financement. Au Parlement européen, les élus seraient conscients de la nécessité de créer des fonds de garantie qui font souvent défaut, les banques commerciales refusant de s’engager souvent en raison d’un risque qu’elles jugent trop élevé en Afrique. Selon Philippe Gautier, les partenaires traditionnels de l’UE a priori devraient être sollicités pour le PIE, à l’instar de l’AFD et de ses homologues européens, comme la KfW en Allemagne et le FMO aux Pays-Bas.
Les frais de fonctionnement du Fed trop élevés
Alors que l’Accord de Cotonou qui régit le partenariat de l’UE avec les Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) sera clos en 2020, du moins pour sa première tranche, le Comité Afrique du Medef estime qu’il faut saisir cette occasion pour « revoir en profondeur le partenariat UE-Afrique ». D’où une série de propositions devant être présentée à Abidjan lors du Sommet.
En particulier s’agissant le Fed, « le mode d’allocation doit être revu » et « une meilleure gestion et gouvernance peuvent être proposées, plus efficaces et moins onéreuses ». Enfin, avec la sortie du Royaume-Uni, « une redéfinition du partenariat UE-UA devra être portée par le couple franco-allemand », car la France ne pourra porter seule le Fed » et donc « un consensus doit être trouvé avec l’Allemagne ».
Les seules dépenses de fonctionnement du Fed sont passées de près de 500 millions d’euros entre 2008 et 2013 à 1,05 milliard prévu entre 2014 et 2020. C’est trop pour Medef International.
Miser sur l’Allemagne
Quant aux effets du ‘Brexit’, il serait de 14,68 %, qui est la cote part du Royaume-Uni dans le 11e Fed (29 milliards d’euros de 2014 à 2020), la plus importante contribution nationale après celles de l’Allemagne, 20,58 %, et la France, 17,81 %.
Le départ du Royaume-Uni de l’UE ne signifie pas que ce pays se désintéressera de l’Afrique. Selon Philippe Gautier, « il a l’intention de se recentrer sur le Commonwealth et il est envisageable de trouver des accords ensemble en matière de financement en Afrique ».
Cependant, c’est surtout sur l’Allemagne que doit miser la France, surtout depuis que pendant sa présidence du G20 le gouvernement de la chancelière Angela Merkel a annoncé le programme Compact with Africa, doté d’une enveloppe de 300 millions d’euros au profit de la Tunisie, du Ghana et de la Côte d’Ivoire, et un plan Marshall Allemagne de 24 milliards, avec son volet entreprises Pro ! Afrika. « La cellule qui a été constituée auprès de la chancelière est très demandeuse d’échanges. Elle nous avait invités au G20 pour nous présenter ce plan Marshall. Mais pour quoi faire, on ne sait pas. Et, pour le moment, les Allemands le font seuls », pointait Philippe Gautier.
Proposer de bonnes pratiques
Parmi les autres recommandations du Comité Afrique, « l’UE doit être un partenaire permettant à l’Afrique de se doter des meilleures pratiques en matière sociétale, de gouvernance et de production ». A ce titre, « le secteur privé européen peut apporter toute sa connaissance et permettre de concilier efficacité économique et Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) ».
Pour autant, « c’est aux Africains de choisir avec qui ils veulent travailler », répondait Patrice Fonlladosa, quand Le Moci lui faisait remarquer que le Maroc accueillait un Forum d’investissement Chine-Afrique à Marrakech, les 27 et 28 novembre. Reste que, pour lui, « il n’y a pas lieu d’avoir peur ». D’abord, parce qu’il y a « tant à faire qu’il y a de la place pour tout le monde », ensuite, la France a des atouts qui doivent finir par convaincre les partenaires africains. Elle ne livre pas que des projets clés en main, elle apporte « de la qualité », des bonnes pratiques, comme la RSE, de la formation et veut travailler avec le secteur privé africain.
François Pargny
Pour prolonger :
–Sommet UE-UA : les Européens peuvent se relancer en Afrique face aux Chinois
–Afrique / Finance : Londres tisse sa toile boursière au détriment de Paris
–Afrique / Export : une dépendance à la Chine essentiellement commerciale