La remontée des cours du pétrole et des prix d’un certain nombre de matières premières, associée à des ajustements monétaires et budgétaires et des aides du FMI, ont permis une « accalmie » sur les marchés des changes des devises africaines. Ces dernières ont, de façon générale, perdu 20 % en moyenne de leur valeur face au dollar depuis 2014. Mais le risque de change demeure encore élevé dans un certain nombre de pays du continent dont les finances ont été fragilisées depuis 2014 par la chute des cours, et qui peinent à rééquilibrer leurs balances des paiements, signale ainsi une intéressante étude de Coface sur le risque de change en Afrique, qui s’appuie notamment sur l’évolution de l’Indice de pression des changes (EMLPI) développé par Girton et Roper*.
La zone Cemac sour tensions
Sans surprise, les pays de la zone Franc Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale) sont particulièrement exposés selon cette analyse, faisant ainsi partie des pays africains qui demeureront sous très forte pression monétaire cette année : leurs réserves de change, qui ont fondu pendant la période de baisse des prix de l’or noir et des matières premières, sont tombées en dessous du seuil fatidique de 3 mois d’importation.
Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, République centrafricaine et Tchad restent ainsi autant sous tension que la Zambie, qui peine à signer un accord avec le FMI, le Mozambique, qui est confronté à une crise de la dette sans précédent et la Guinée, qui se remet difficilement de la crise de l’épidémie du virus Ebola. Le metical zambien et le kwacha mozambicain ont d’ailleurs connu de fortes dépréciations ces derniers mois. Pour la zone Cemac, qui diverge de plus en plus de son homologue ouest-africaine l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine) en matière économique et monétaire, il n’y a pas eu de dévaluation mais des restrictions accrues pour l’accès aux devises.
Les rumeurs de dévaluation du franc CFA liées à cette situation de la Cemac sont récurrentes et devraient persister cette année, d’autant plus que si trois de ses Etats membres (Cameroun, Gabon, Tchad) ont obtenu des financements du FMI entre avril et septembre 2017, le Congo et la Guinée Equatoriale ne parviennent pas à signer un accord avec l’institution financière tandis que l’économie centrafricaine demeure exsangue en raison d’une longue crise politique.
Taux de couverture en baisse dans 32 pays sur 51
D’autres pays d’Afrique, également trop dépendants de la rente d’une ou quelques matières premières, ne sont toutefois pas à l’abri de nouvelles tensions monétaires. « Les réserves, qui ont permis de soutenir les devises, ont largement été entamée, observe Coface. Alors que le niveau médian de couverture des importations dans les pays d’Afrique était de 3,9 mois en 2014, il a décliné à 3,2 mois trois ans plus tard ». Au total, 32 pays sur 51 que compte le continent disposent d’un taux de couverture des importations moindre qu’en 2014. L’Algérie, qui multiplie pourtant les restrictions aux importations, a ainsi vu ses réserves de change passer de 33,4 à 19,3 mois en trois ans.
Les producteurs de pétrole devraient continuer à souffler cette année avec un prix moyen du baril estimé à 65 dollars (55 dollars en 2017), selon Coface. Toutefois, si le Nigeria a réussi à stopper la fonte de ses réserves et à stabiliser sa monnaie dès l’an dernier, l’Angola est encore à la peine avec, au premier trimestre 2018, un écart persistant entre le taux de change officiel de sa monnaie face au dollar et le marché noir, malgré « une flexibilisation du taux de change et une dépréciation de 30 % du kwanza ».
Autres pays à surveiller : la République démocratique du Congo, en proie à une instabilité chronique, de même que les pays qui avaient été fragilisés par l’épidémie du virus Ebola (outre la Guinée, le Liberia et la Sierra Léone). Les pressions sur le change restent également élevées sur le birr éthiopien, toujours surévalué (l’écart avec le marché noir serait encore de 20 %), ainsi que sur le dinar tunisien, alors que les réserves de change de la Tunisie sont mises à mal par le renchérissement des importations de pétrole.
Par ailleurs, la forte dépendance à quelques matières premières de rente est, selon Coface, source de vulnérabilité pour les pays exportateurs de produits agricoles dont les cours demeurent faibles comme le cacao (Côte d’Ivoire, Ghana, Nigeria, Cameroun) et le café (Ethiopie, Ouganda, Tanzanie). Sans compter que l’Afrique est aussi fortement exposée au changement climatique et que l’augmentation des prix du pétrole pèse sur les pays importateurs.
Autres sources de vulnérabilités pointées par Coface en matière de change : le risque politique, comme au Burundi mis sous sanctions occidentales suite à une crise politique, et le risque lié à l’évolution de la politique monétaire américaine. Avec la hausse progressive des taux d’intérêt outre-Atlantique, les capitaux étrangers pourraient migrer vers les Etats-Unis….
Christine Gilguy
*L’étude est dans le document Pdf attaché à cet article
Pour prolonger :
–Risque pays : Coface reclasse six pays en Afrique, en Europe et Amérique latine
–Risque pays : Euler Hermes reclasse huit pays en Amérique du Sud, Afrique et Europe
–Afrique / Libre-échange : la longue marche des signataires de Kigali vers la ZLEC
–France / Afrique de l’Est : opérateurs et patronat veulent réveiller l’appétit des entreprises
Et aussi :
Rapport CIAN 2018 – Les entreprises internationales en Afrique