Si les perturbations des chaînes d’approvisionnement et l’inflation planeront transitoirement sur l’économie mondiale en 2022, les tensions socio-politiques vont compliquer la donne sur le continent africain, s’inquiète le dernier baromètre trimestriel de Coface.
« Les risques non-macroéconomiques sont légion et le risque social et politique est à son maximum », pour Jean-Christophe Caffet, chef économiste de l’assureur-crédit. La multiplication des manifestations de grogne sociale et des tensions géopolitiques depuis le début de la pandémie, n’est pas en soi une nouveauté. En revanche, souligne l’étude de Coface, la persistance d’une forte inflation en 2022 va exacerber la pression sociale, notamment en raison de la hausse des prix alimentaires et du coût de l’énergie.
Deux postes de dépenses qui pèsent particulièrement lourd sur les ménages africains. Les Nations unies estiment que les prix alimentaires rapportés au PIB par habitant sont 30 % à 40 % supérieurs à ceux du reste du monde. Conséquence : une augmentation de l’insécurité alimentaire. Selon le dernier rapport d’Oxfam 282 millions d’Africains souffrent de malnutrition et 93 millions de crise alimentaire grave.
Un risque particulièrement fort en Afrique subsaharienne
A cela s’ajoute la fin des soutiens budgétaires, déjà très limités sur le continent en raison des niveaux de la dette publique. Le chômage a bondi dans la plupart des pays (Afrique du Sud, Angola, Nigeria, etc.). Outre les cours élevés des matières premières à l’échelle mondiale, la région doit faire face aux coûts supplémentaires liés à la fermeture continue de certaines frontières terrestres, ainsi qu’à la persistance des problèmes de transport au niveau national et international.
Coface classe l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Angola, l’Éthiopie, la Guinée, le Mozambique, le Nigeria, la RDC, la Tunisie et le Zimbabwe comme les pays qui connaitront sur le continent des pressions sociales croissantes directement liées à la crise et à la conjoncture économique actuelle. Déséquilibrée, la reprise économique tant attendue pourrait se faire aux détriments des pays émergents.
Les crises sociales affectent durement le commerce extérieur
Une tendance qui est d’ailleurs déjà présente selon Jean-Christophe Caffet. « Avant la crise sanitaire, les pays émergents représentaient deux tiers de la croissance mondiale, leur part est actuellement de 50 %. »
En septembre 2021, Coface a annoncé un niveau historique de son indice de pression sociale, passé de 54 % à 61 % entre 2019 et 2020. Une situation explosive dans nombres de pays africains dont les économies dépendent des échanges internationaux.
En effet, l’assureur-crédit a calculé qu’au cours de l’année d’un mouvement social, les exportations sont de 4,2 % inférieures à leur potentiel estimé. L’écart reste substantiel pendant trois années, les exportations restant entre 6,3 % et 8,9 % inférieures. L’effet sur les importations est cependant plus marginal, celles-ci se rétablissant plus rapidement.
La Banque mondiale anticipe une croissance modeste en Afrique subsaharienne, de l’ordre de 3,6 % en 2022 et 3,8 % en 2023. Soit en deçà des 4,1 % attendus au niveau mondial cette année.
Sophie Creusillet