Le nouveau président du comité Afrique de Medef International (Medefi), Momar Nguer, a quelques convictions bien ancrées sur les nouvelles attentes des populations africaines et la capacité des entreprises françaises à y répondre, le faire savoir, et ainsi se différencier de la concurrence. « La meilleure défense est de faire et de faire savoir qu’on a fait », aime-t-il à dire.
Pragmatique, Momar Nguer semble peu enclin à gloser sur le supposé déclin français en Afrique. Au contraire, à 63 ans, ce cadre dirigeant aux racines sénégalaises, qui a fait une bonne partie de sa carrière chez Total, dont il est l’actuel directeur général de la branche Marketing & Services et membre du Comité exécutif, est convaincu que la « French touch » a tout pour réussir sur ce continent.
Le tout est qu’elle sache répondre aux attentes des populations, un facteur clé de réussite dans le futur sur ce continent. Et il entend bien diffuser cette conviction auprès de ses pairs via des actions concrètes.
Toute sa réflexion part d’une question simple : « En quoi sommes nous attendues, nous, entreprises françaises, en Afrique ? » a-t-il développé lors d’une première rencontre avec des journalistes, le 7 novembre à Paris. Sa conviction ? « Nous sommes dans un monde où les populations sont convaincues que les entreprises peuvent faire plus que les États pour changer leur vie ».
Mais il ne suffit plus de leur dire « je crée tant d’emplois, je paye tant d’impôts ». Alors, «qu’attendent-elles de nos entreprises ? ». Momar Nguer a deux ou trois idées sur la question et des solutions pour les adresser via l’organisation patronale.
Créer une bourse de stages pour les étudiants africains
Première idée : « la jeunesse, que font nos entreprises pour la jeunesse africaine ? ». Son constat : lorsqu’un jeune Français fait 5 ans d’étude pour devenir ingénieur, il consacre un à deux ans à des stages dans des entreprises ; pour un jeune Africain ayant le même cursus, ce sera à peine 4 ou 5 mois de stage, faute d’entreprises pour l’accueillir en Afrique. « Et ces jeunes, on leur dit qu’il leur manque cela », analyse Momar Nguer.
Pour aider à remédier à cette situation, il propose donc aux entreprises françaises présentes en Afrique de mettre en commun leurs possibilités de stage sur une plateforme afin de constituer une sorte de bourse de stage. Objectif : permettre aux jeunes étudiants africains « d’avoir accès aux mêmes chances ». Plus qu’une idée, déjà un projet qui lui tient à cœur : « on va lancer le chantier à l’échelle du Medef », a-t-il assuré.
Momar Nguer, qui dit « ne pas être choqué » par l’idée que l’on instaure des droits d’inscription dans les universités françaises pour les étudiants étrangers – le sujet a fait polémique récemment- préfèrerait que l’on mette plus d’argent dans les universités africaines, qui manquent cruellement de moyens. « Croyez-vous que ce sont les enfants de paysans qui viennent faire leurs études en France ? Non, ce sont des enfants de familles aisées qui ont les moyen de payer les frais de logement, la nourriture », a-t-il lancé à un journaliste qui demandait sa position sur ce sujet.
Mettre en valeur les partenariats avec les entreprises africaines
Deuxième idée : les partenariats entre les entreprises françaises et africaines. Beaucoup d’entreprises françaises ont des partenaires en Afrique, sous la forme de joint venture, d’association, et autres. « Il faut les mettre en valeur », estime Momar Nguer. Car pour lui, c’est une manière de dire à la population : « je suis partenaire de cette entreprise qui est plus proche de vous ».
De même, les entreprises françaises doivent davantage amener leurs partenaires africains en France « pour les mettre en relation avec d’autres entreprises ». Et ainsi les aider à se déployer eux aussi.
Enfin, troisième idée : mieux adresser tout ce qui a trait « à l’environnement, la qualité de vie, la ville durable ». Un domaine qui rejoint la thématique du prochain Sommet Afrique France de Bordeaux, auquel les entreprises françaises sont appelées à participer en nombre. Momar Nguer soutient le choix de cette thématique, mais il aimerait, semble-t-il, que ses retombées atteignent davantage les populations africaines les plus touchées.
Alors que les grandes villes africaines engorgées et polluées rendent la vie des Africains de plus en plus compliquée et difficile, « en quoi pouvons-nous contribuer à résoudre ces problèmes ? » s’interroge-t-il. D’après lui, « c’est un domaine dans lequel les entreprises sont plutôt championnes ici, soyons le aussi ailleurs ».
Une chose est certaine : le nouveau président du comité Afrique de Medefi se dit « convaincu que cela peut faire la différence » face à la concurrence des pays émergents, la Chine et les autres.
Une initiative conjointe Medefi / Meti auprès des ETI françaises
A la tête du comité Afrique d’une organisation qui monte chaque année des dizaines de délégations d’entreprises en prospection à l’étranger -50 opérations par an*, 2400 à 2500 entreprises participantes- Momar Nguer entend aussi modifier la façon de travailler de Medefi, afin de rendre ses actions encore plus efficaces, tant pour les participants français qu’africains.
Dans cette optique, la première orientation nouvelle consistera, pour les missions en Afrique, à davantage « écouter » et faire « un suivi » des problèmes relevés lors des missions.
Deuxième orientation : aider les autorités étrangères à mieux préparer en amont leur visite en France en les incitant à préciser les entreprises qu’elles veulent rencontrer.
Troisième orientation : accélérer l’identification en province des PME françaises ayant du potentiel en Afrique et inciter ces « pépites » à se « mettre en réseau ». C’est notamment le sens de la conférence « Osez l’Afrique » que projette d’organiser Medefi à Rennes en février prochain, après avoir créé des événements similaires à Bordeaux et Lyon.
Enfin, dernière priorité pour Momar Nguer : les ETI, ces entreprises de taille intermédiaire que le nouveau président du comité Afrique de Medefi, considère comme « l’avenir de la présence française en Afrique ». Pour lui, comparées aux grands groupes multinationaux lourds à bouger, ces entreprises sont en effet plus « agiles » et plus à même de traiter des sujets à des niveaux « plus locaux».
D’ores et déjà Medefi s’est associé avec le Meti (Mouvement des entreprises de taille intermédiaire) pour lancer mi-octobre une enquête par questionnaire auprès de 200 ETI françaises pour les sonder sur l’Afrique. Parmi ses thèmes : la mise en réseau, le partage des risques, la mise en relation avec des entreprises africaines. La restitution des résultats est attendue pour le premier trimestre 2020.
Christine Gilguy
*D’ici fin 2019, plusieurs temps forts sont au programme du comité Afrique de Medefi : une délégation en Ouganda (25-27 novembre) et une autre au Nigeria (2-4 décembre) ainsi qu’un Forum France-Maroc à Paris le 19 décembre à l’occasion de la rencontre de haut niveau entre les autorités des deux pays.
Parmi les temps forts du programme du 1er semestre 2020, cinq délégations sont prévues :
-Février : Bamako, Mali ;
-Mars : Accra, Ghana ; Le Caire, Égypte (partenariat Medefi/Evolen)
-Avril : Tunis, Tunisie ;
-Mai : Johannesburg (Afrique du sud) et Luanda (Angola), dans le cadre d’une visite officielle du président Emmanuel Macron dans ces deux pays.
En France, outre la conférence « Entreprises, osez l’Afrique » à Rennes en février, le principal temps fort sera le Sommet Afrique-France des 4 et 5 juin à Bordeaux.
Plus d’informations : www.medefinternational.fr