Militairement impliquée tour à tour en Libye, au Mali et en Centrafrique, la France a d’autres raisons de s’inquiéter – et ce, depuis plus longtemps – cette fois pour ses intérêts économiques en Afrique. Hormis les concurrents traditionnels, parfois de plus en virulents, comme l’Espagne (voir, à cet égard, notre dossier Guide Business Maroc 2014), les puissantes émergentes y sont plus agressives, qu’il s’agisse de l’Inde ou du Brésil, des pays du Golfe ou de la Turquie et, bien sûr, du géant asiatique, la Chine.
A cet égard, consulter la base de données GTA/GTIS, qui reprend les chiffres du commerce extérieur établis par les Douanes chinoises, permet de dresser une carte plus détaillée de la conquête de la Chine en Afrique. En se fondant sur les montants d’exportations des onze premiers mois de 2013 – seuls chiffres disponibles à ce jour – on s’aperçoit, d’abord, que rares sont les nations africaines à figurer parmi les cinquante premiers pays clients de l’ex-Empire du Milieu. Il sont quatre exactement, deux au sud et le même nombre au nord du Sahara : par ordre d’importance, l’Afrique du Sud, première puissance économique du continent, mais seulement 27ème pays client ; le Nigeria, deuxième économie au sud du Sahara ; l’Égypte, et l’Algérie, seul État francophone.
Une percée moindre dans les pays francophones
De même, dans les 50 pays clients qui suivent, ils ne sont encore que douze au sud de la Méditerranée, dont seulement quatre francophones : Maroc, Bénin, Togo, Cameroun. Les huit autres sont donc anglophones (Ghana, Kenya, Tanzanie, Libye, Liberia, Soudan, Éthiopie) ou lusophone (Angola).
Deuxième constat, sur les Seize au total à figurer ainsi dans le Top 100 des pays clients de la Chine pendant les onze premiers mois de 2013, certaines hausses des exportations sont spectaculaires, comme en Tanzanie (+ 45 %) et au Cameroun (+ 43 %), alors que les baisses ne sont sensibles qu’au Liberia (- 35 %) et au Togo (- 25 %). Et encore existe-t-il une grande différence entre ces deux derniers : au Togo, la diminution des livraisons chinoises s’y produit après une forte hausse, alors qu’au Liberia, le recul était déjà engagé l’année précédente.
Export en hausse de 11 % en Afrique du Sud et 26 % au Nigeria
De façon générale, dans les pays où la Chine perd du terrain en 2013, elle en avait gagné l’année précédente. C’est le cas notamment en Égypte, où la baisse, certainement engendrée par les évènements politiques, est, toutefois, modeste (- 2,32 %). En revanche, en Algérie, les exportations chinoises ont gagné 6,85 % à 4,13 milliards d’euros. En Afrique du Sud, elles ont progressé de 10,93 % à 11,73 milliards de janvier à novembre 2013. Au Nigeria, les livraisons chinoises ont bondi de 25,8 % à 8,19 milliards d’euros, ce pays creusant ainsi un écart substantiel avec l’Égypte (5,65 milliards d’exportations chinoises), troisième nation cliente, devant l’Algérie.
Au regard de ces chiffres, les parts de marché de la France semblent – au moins pour le moment – plutôt préservées en Afrique subsaharienne. Le rapport « Védrine » remis par l’ancien ministre des Affaires étrangères à Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances, avant le Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, les 5 et 6 décembre derniers, confirme cette impression, puisque que, selon le groupe de travail qu’animait Hubert Védrine, « dans les 14 pays utilisant le franc CFA, les entreprises françaises font quasiment jeu égal avec la Chine, avec une part de marché de 17,2 % contre 17,7 % en 2011 ».
Une part de marché de 16 % en 2011
Intitulé « pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France », le rapport d’experts remis à Pierre Moscovici note, néanmoins, que, « même si la valeur des exportations françaises a doublé au sud du Sahara entre 2000 et 2011, la part de marché de la France y a décliné de 10,1 % à 4,7 % » et que, parallèlement, « la part de marché de la Chine sur le continent africain est passée de moins de 2 % en 1990 à plus de 16 % en 2011 ». Des chiffres suffisamment inquiétants pour que Bercy ait organisé aussi, avant le Sommet de l’Élysée, un forum économique franco-africain « pour un nouveau modèle de partenariat économique entre l’Afrique et la France ».
En examinant la base de données GTA/GTIS, un troisième constat s’impose. Au-delà de ses 100 premiers pays clients dans le monde, la Chine gagne du terrain dans toute une série de marchés africains encore restreints pour elle, même ceux où la France continue à dominer largement, comme le Congo (voir, à cet égard, notre dossier Guide Business Congo 2014). Du Mozambique (+ 24,4 %) au Tchad (+ 141,5 %), en passant par la Mauritanie (+ 26,9 %), l’ex-Empire du Milieu creuse ainsi son sillon en Afrique.
François Pargny