« Les organismes publics ne décaissent pas à moins de 5 millions d’euros : ça ne correspond pas aux besoins des PME qui se situent entre 300 000 et 1,5 millions d’euros ». Daniel Taburiaux, patron de Sofrecap, témoigne à la Lettre confidentielle du casse-tête que demeure le financement des PME allant sur l’Afrique. Fort d’avoir décroché le premier financement Bpifrance pour un projet d’investissement en Afrique, avec un montage original, il aurait aimé faire partie des success stories franco-africaines mises en avant lors du séminaire économique précédant le Sommet Afrique-France, pour lequel il a postulé en vain via le Medef (1).
A la tête d’une PME française basée à Nîmes, Sofrecap, qui monte des projets de petites unités de confection textile en partenariat avec les Etats africains pour couvrir les besoins locaux en uniformes et autres vêtements administratifs, Daniel Taburiaux avait pourtant un message à faire passer à cette grande messe franco-africaine : « Il faut travailler tous ensemble, avec les Africains, il faut faire preuve d’imagination, tout autant les entreprises, les banques que les administrations ». Mais cet ancien militaire de carrière détaché à la coopération, qui a pris sa retraite de l’armée française à 50 ans pour se lancer dans le conseil et l’accompagnement des entreprises en Afrique en 1996, n’espère plus aucun retour sur sa demande à 10 jours du Sommet.
Un prêt direct et une garantie de prêt de Bpifrance
Pourtant, le projet qu’il souhaitait raconter, qui représente un investissement global de 2,5 millions d’euros (hors apport en capital), ne manque pas d’intérêt à l’heure où les besoins en financements des PME françaises sur l’Afrique sont criants. Il s’agit de la création d’une société d’économie mixte (60 % Etat congolais, 40 % Sofrecap) qui va monter une unité de confection textile d’une centaine de personnes à Brazzaville. Son marché : les commandes de l’Etat en uniformes et vêtements administratifs. Si les tissus viennent d’Europe, certaines fournitures viendront de France : passementerie, boutons, zip, fibres, etc.
« Pour le projet congolais, j’avais besoin de 600 000 euros pour ne pas plomber ma trésorerie », explique Daniel Taburiaux. Les taux d’intérêt des banques congolaises sont rédhibitoires, comme dans le reste de l’Afrique francophone, de l’ordre de 13 à 14 %. Les portes de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le soutien aux investissements privés, lui sont donc fermées.
Pas de solution non plus du côté de la Direction des garanties publiques de Coface, qui lui a déjà refusé des garanties sur des marchés publics de petits montants au Tchad ou au Burkina Faso. S’ouvre alors la porte de la direction régionale d’Oséo dans le Languedoc-Roussillon, devenue depuis Bpifrance, que Daniel Taburiaux parvient à convaincre.
Le montage finalement mis en place pourrait faire école : Bpifrance (ex. Oséo) a accordé un prêt direct à Sofrecap de 150 000 euros sur 6 ans, dont 1 de différé ; elle a parallèlement garanti à hauteur de 60 % le prêt de 450 000 euros accordé par une banque française à Sofrecap, également sur 6 ans. Quant aux 40 % du capital de la société congolaise, Sofrecap les a financé sur ses fonds propres. « Ça nous a permis de ne pas entamer notre ligne Dailly qui finance notre trésorerie », explique Daniel Taburiaux.
Sofrecap, qui affiche un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros –hors sociétés détenues en Afrique qu’il ne consolide pas, à l’instar de la filiale de conseil EMC en Côte d’Ivoire et au Ghana- est en train de développer des projets similaires au Niger et au Burkina Faso. A l’origine spécialisée dans le conseil, Sofrecap a commencé à développer ces projets de confection textile en Afrique depuis qu’elle a repris l’usine textile ivoirienne de Bouaké, en 2008, devenue SIC. Et son pugnace dirigeant a une conviction bien ancrée : « Ma vision d’être sur le continent, c’est de faire des transferts de savoir-faire, de les aider à créer des emplois sur place, c’est comme ça qu’on évitera de nouveaux Lampedusa ».
Christine Gilguy