Malgré les difficultés que traverse l’Afrique du Sud en raison du dysfonctionnement de ses infrastructures, ce pays de près de 60 millions d’habitants reste un marché d’autant plus attractif pour les entreprises françaises qu’il possède un tissu industriel, agricole et de service solide, qui investit dans l’innovation. Deux temps forts pour remobiliser les PME lui seront consacré cette année par la Team france Export (TFE), après les élections générales de fin mai.
Ce sont des caractéristiques qui plombent depuis une dizaine d’années la réputation et l’attractivité de l’Afrique du Sud, économie pourtant la plus diversifiées et moderne du continent africain : les délestages (load shedding) d’Eskom, qui entravent quotidiennement le fonctionnement de son économie et oblige les entreprises à investir dans des systèmes de secours, et le mauvais état du réseau ferroviaire géré par Transnet, qui freine notamment l’évacuation des minerais, une des nombreuses sources de richesse du pays. Deux entreprises publiques à bout de souffle faute d’investissements.
Mais le bon revers de la médaille est que cela crée aussi des opportunités pour les fournisseurs étrangers car les Sud-Africains cherchent des solutions.
Mettre fin aux délestages quotidiens d’Eskom
« Les ‘load shedding’ restent un problème, soulignait le 14 mars Clarisse Henrion, chargée d’affaire export chez Business France, lors d’un webinaire consacré au marché sud-africain et organisé par le Comité Afrique-France de la CCI de Paris Île-de-France. Les coupures d’électricité sont quotidiennes et durent de 2 heures à 10 heures ». Dû à un manque d’investissements et de maintenance après la coupe du monde de football de 2010, le déficit de production de l’entreprises publique d’électricité Eskom, à 70 % fourni par des centrales à charbon, est estimé entre 4 et 6 Gigawatt.
Le contexte politique est propice à un changement de raquet pour redresser la situation. Les élections générales du 29 mai prochain sont en effet à haut risque pour l’ANC (Congrès national africain), parti au pouvoir depuis la fin de l’apartheid régulièrement mis en cause dans la mauvaise gestion des entreprises et services publics et des scandales de corruption, et qui risque de perdre la majorité au Congrès. L’actuel président Cyril Ramaphosa, qui en est issu et est arrivé au pouvoir il y a cinq ans avec une promesse de renouveau, est candidat à un nouveau mandat mais devra sans doute former une coalition. Il a commencé à engager des réformes pour redresser la barre.
Des appels d’offres ont été lancés pour divers projets visant à réhabiliter et moderniser le secteur électrique. Le privé investit également. Ce marché est porteur pour les solutions alternatives, selon les experts de Business France.
Même évolution dans le secteur du transport et de la logistique, où le maître mot est l’ouverture à la concurrence, notamment dans les secteurs ferroviaire et portuaire. Une réforme du cadre juridique des partenariats publics privés (PPP) visant à créer un cadre plus favorable au privé a été mise en chantier et est annoncée pour cette année. L’objectif est d’attirer des investissements directs étrangers dans le secteur.
Le même besoin d’investissement se fait sentir dans le domaine de la gestion de l’eau, alors que le réchauffement climatique risque d’aggraver le stress hydrique. Là encore, de nombreux projets ont émergé pour anticiper ce que certains n’hésitent pas à nommer « une catastrophe annoncée ».
Un secteur toutefois échappe à ce délabrement : les infrastructures de télécommunications et numériques, où les investissements privés ont été massifs ces dernières années. Avec un réseau de fibre optique de près de 300 000 km, l’Afrique du Sud est le pays le mieux doté du continent : il accueille 55 des 120 Data centers répartis en Afrique et les Sud-Africains, très connectés, utilisent en moyenne Internet 9 H / jour.
Des freins à la croissance mais des opportunités de marché
Reste que les problèmes de retard dans les infrastructures énergétiques et logistiques ont été ces dernières années un énorme obstacle à la croissance du pays, dont les taux sont plus proches de ceux de la vieille Europe que de ceux de nombreux pays africains et asiatiques : 2 % en 2022, moins de 1 % en 2023, et pas plus de 1,3 % attendu en 2024.
L’Afrique du Sud, qui a longtemps était la première puissance économique du continent et reste la plus diversifiée et avancée, a vu son PIB régresser à la troisième place, derrière l’Egypte et le Nigeria. D’où un taux de chômage très élevé, notamment chez les jeunes, et une aggravation des inégalités, dans le pays qui affiche pourtant le premier revenu par habitant du continent 1820 dollars /an, et un niveau d’insécurité élevé.
Mais pour Marc Cagnard, directeur régional Afrique Subsaharienne et Afrique du Sud de Business France, « cela se gère », et « cela ne doit pas être un frein » pour les PME françaises. Le pays dispose de « l’économie la plus avancée du continent africain, et est le seul a faire à la fois partie des BRICS et du G20 ». Son secteur privé est dynamique, son industrie et son agriculture sont très développées, ses grands groupes industriels et de services et son secteur financier se développent sur le continent. The last but not the least : le pays est stable en terme institutionnel, c’est une vraie démocratie : l’ANC risque de devoir partager le pouvoir pour la première fois en 30 ans après les élections, mais nul ne craint qu’il remette en question le verdict des urnes….
« Les sociétés françaises investissent en Afrique du Sud »
Outre les secteurs des infrastructures, déjà cités, des besoins d’équipements et de savoir-faire étrangers s’expriment dans d’autres domaines, générant des marchés à l’importation et des opportunités d’investissement. Dans le domaine de la Santé, où cohabitent secteur public et secteur privé et où un projet de sécurité social est en chantier, le pays « importe 90 % de ses dispositifs médicaux » selon Clarisse Henrion.
Dans l’agriculture, où cohabitent de grandes exploitations et de petits producteurs, le pays est un gros importateur d’équipements : 424 millions d’euros l’an dernier. Dans l’agroalimentaire, où prospèrent de grands groupes comme Danone et Lactalis, les importations d’équipements ont atteint 430 millions d’euros et les fournisseurs français sont en 5ème position avec 6 % de part de marché. Dans les mines et l’industrie, des besoins en équipements d’automatisation s’expriment.
Côté environnement des affaires, les milieux d’affaires sur place ne signalent pas de problème particulier. « Toutes les sociétés du CAC 40 sont présentes » rappelle notamment Yves Guenon, Conseiller du commerce extérieur (CCE), CEO d’Izibani Consultancy et président de la CCI France-Afrique du Sud (FSACCI). « Les sociétés françaises investissent en Afrique du Sud » a-t-il complété, soulignant que si les échanges commerciaux ne sont pas au niveau de leur potentiel, stagnant depuis plusieurs années, les IDE français sont eux, très importants dans le pays.
En 2023, selon les statistiques de la douane française, la France a exporté 1,809 milliard d’euros en Afrique du Sud, soit le même niveau qu’en 2015 et importé 1,459 Md EUR, générant un excédent de +350 millions d’euros. Concernant les IDE, selon une note récente de la DG Trésor, 480 entreprises françaises sont présentes localement, employant plus de 65 000 personnes et totalisant un stock d’IDE de 3 Md EUR. La France est au 12ème rang des sources d’IDE.
Les entreprises françaises ont récemment montré de l’appétit pour investir encore. Ainsi, le comité Afrique du Sud des CCE et la FSACCI ont porté, en mars 2023, une annonce collective de promesse d’investissement de 50 Md de rands (ZAR), soit environ 2,45 Md EUR, lors de l’édition annuelle du Sommet présidentiel sud-africain Invest South Africa. Un engagement visant à montrer aux Sud-Africains leur confiance dans le potentiel du pays, et représentant « plus des trois quarts des engagements pris par le secteur privé européen » se réjouit la DG Trésor. Une vingtaine d’entreprises françaises, principalement de grands groupes, y ont souscrit : Advini, Air Liquide, Alstom, BNP Paribas, Bolloré logistics, Bureau Veritas, Danone, EDF, Engie, Kasada – Accor, Leroy merlin, Limagrain, L’Oréal, Mobilitas, Pernod Ricard, Sanofi, Saint Gobain, Schneider Electric, Séché, Total Energies, Trace, Veolia.
Le succès de Jade, qui a bénéficié d’un accompagnement du dispositif Team France Export (TFE), témoigne également de l’intérêt du marché sud-africain pour des offres ciblées et innovantes de PME. Basée à Lille, Jade est spécialisée dans les solutions pour la réalisation de travaux dans des sites compliqués, en hauteur ou en milieux confiné. C’est à la suite d’une mission de prospection organisée par Bpifrance et Business France en juillet 2022 qu’elle a décidé d’ouvrir un bureau à Johannesburg, dans les locaux de la FSACCI et a identifié son nouveau partenaire, Allweld, avec lequel elle a créé une coentreprise et monté un centre de formation à ses techniques. La coentreprise a commencé à recruter et un des salariés de Jade doit prendre sa direction pour 4 ans afin de superviser les premiers chantiers et gérer les transferts de compétence. La FSACCI lui a facilité la gestion des formalités. « Seuls, on n’y serait pas arrivé » a reconnu Jimmy Coupé, un des dirigeant de Jade. « Nous avons abouti en 18 mois, ça a été très vite. »
Deux grands temps forts sont prévus cette année pour relancer l’intérêt des entreprises françaises, notamment les PME, pour le marché sud-africain après les élections générales de fin mai*.
Le premier se déroulera le 26 juin à Paris, au siège de Business France, sous la forme d’une journée d’information sur les marchés sud-africains et d’Afrique australe. Le deuxième, en cours de préparation, sera un forum d’affaires en Afrique du Sud, les 15 et 16 octobre, mêlant rencontres avec les milieux d’affaires français et locaux et rendez-vous individuels ciblés. L’idée d’un déplacement à cette occasion d’un membre du gouvernement français est vivement poussée par l’écosystème français local car elle constituerait une belle occasion de rencontrer des représentants du nouveau gouvernement issu des élections…
A suivre…
Christine Gilguy
*Contacts utiles pour avoir plus de détails :
– French South African Chamber of Commerce and Industry (FSACCI) / Erwann Meilhoc, directrice générale, mail : info(@)fsacci.com.
– Business France Afrique du sud / Marc Cagnard, directeur régional / tous les contact sont sur ce site.