Pour l’heure, c’est le statu
quo à l’Office national de Ducroire (ONDD), qui vient de dévoiler sa
dernière étude sur le risque commercial et politique en Afrique du Sud. S’agissant,
en particulier, du risque commercial, le géant africain reste classé en
catégorie B (C étant la catégorie la pire en terme de risque d’impayé), mais l’assureur-crédit belge
prévient qu’il pourrait être rétrogradé dans le futur.
En fait, l’ONDD, tout en
reconnaissant la qualité de l’environnement des affaires et des institutions,
qualifiées de « mâtures », s’inquiète des niveaux de l’inflation (6,3
% en juillet 2013) et surtout de la sortie des capitaux du pays. D’après le
dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI), en date de juillet
2013, les flux d’investissement devraient chuter drastiquement, en passant de
6,7 milliards de dollars en 2012 à 1,5 milliard à la fin de l’année en cours.
Or, « l’Afrique du Sud est très dépendante des entrées de capitaux sur son
territoire », précise au Moci Louise Van Cauwenbergh, l’auteure de
l’étude de l’ONDD.
Sans compter que l’effet négatif
de la dépréciation de la monnaie sud-africaine, le rand, sur les comptes de l’État. Entre juillet 2012 et juillet 2013, le rand a perdu 20 % en termes
nominaux par rapport au dollar. Et le déficit des comptes courants, qui est
structurel, est passé de 2,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2008 à 6,3 %
du PIB en 2012.
La croissance économique stagne
La croissance économique ne
devrait pas dépasser 2 % cette année, malgré l’ambitieux programme
d’investissements publics, le Plan national de développement (PND). La première
puissance économique d’Afrique souffre de la crise mondiale, notamment en
Europe. D’après la base de données GTA/GTIS, ses exportations dans le monde ont
reculé de plus de 7 % pendant les sept premiers mois de l’année. Elles ont
diminué d’environ 10 % en Allemagne – l’Afrique du Sud y a livré moins
d’automobiles, moins de minerais – et de près de 14 % au Royaume-Unis – elle y a
vendu moins de perles fines et de métaux précieux – tout comme en Inde – ses
exportations ont baissé dans les hydrocarbures, la fonte, le fer et l’acier, et
les minerais.
Malgré une réorientation de son
commerce vers l’Asie et l’Afrique subsaharienne, la patrie de Nelson Mandela ne
semble pas en mesure d’améliorer sa croissance économique. Après avoir connu
des taux de 3 % en moyenne annuelle depuis 2009, elle devrait afficher un
« maigre » 2 %, rapporte l’ONDD, en 2013 et le chiffre retenu pour
l’année suivante, 2,9 %, paraît encore insuffisant au regard des défis
économiques et sociaux.
Le mécontentement général de la société civile
Le pays connaît un taux de
chômage astronomique : 25 % de la force de travail est touchée, une
proportion qui passe à 50 % chez les jeunes. La pauvreté et la corruption ont
augmenté et les manifestations des mineurs, qui ont dégénéré dans la violence, ont
encore un peu plus assombri le paysage.
« Les grèves sont devenues
violentes et plus répandues en raison des rivalités intersyndicales »,
observe Louise Van Cauwenbergh, mais pour l’analyste pays de l’assureur belge,
qui prévoit encore « plus de troubles dans un futur proche », il n’y
a « là rien de fondamentalement nouveau ». Il y a « toujours eu
une tradition de grève en Afrique du Sud, selon elle. Et le conflit actuel
traduit surtout le mécontentement général de la société civile ».
L’ONDD a donc choisi de maintenir
le risque politique sur l’Afrique du Sud en catégorie 3, tant à court qu’à
moyen et long terme (sur une échelle dont 7 est le risque le plus élevé).
« C’est un bon risque, surtout en Afrique », souligne Louise Van
Cauwenbergh. Certes, reconnaît-elle encore, les déçus de l’African National
Congress (ANC), le parti au pouvoir depuis la fin de l’apartheid, sont plus
nombreux. Mais il est probable que l’ANC gagnera, malgré tout, les prochaines
élections générales en 2014.
François Pargny