Dans la lutte contre le Covid-19 au niveau international, la France peut se féliciter que l’idée d’un moratoire sur la dette des pays en voie de développement ait fait son chemin.
A la manœuvre depuis plusieurs semaines, le ministre de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire a annoncé le 14 avril à la presse que 76 pays pauvres, dont 40 en Afrique, bénéficieront d’un moratoire sur leur dette. Sur un flux de 32 milliards de dollars à acquitter en 2020, 20 milliards vont ainsi bénéficier du moratoire : 12 milliards de la part des créanciers bilatéraux, 8 milliards de la part des privés. La France participera à hauteur de un milliard d’euros, dont 300 millions détenus par l’Agence française de développement et le reste par le Trésor.
Le rôle de la Banque mondiale et du FMI
Les 12 milliards de dollars restant sont dus à des organismes multilatéraux, notamment la Banque mondiale que Bruno Le Maire a appelée à rejoindre l’initiative. Le ministre a évoqué « une question technique » qu’il « comprenait ».
L’institution financière internationale est évidemment déjà aux avants postes de la lutte contre le coronavirus. La Banque mondiale et les banques régionales ont ainsi promis plus de 200 milliards de dollars au total pour développer la santé et soutenir les budgets des États et le secteur privé, a rappelé le ministre.
Une grande partie du continent est concernée par le moratoire sur la dette, « les exceptions étant l’Afrique du Sud, le Gabon, la Guinée Équatoriale, pays pétroliers, Maurice ou encore les Seychelles », précise-t-on à Bercy. Cette annonce confirme surtout la volonté de la France d’éviter une crise sanitaire, économique et humanitaire en Afrique, comme l’avait révélé la semaine dernière Le Moci, après une réunion à huis clos à Bercy.
La veille de la déclaration à la presse de Bruno Le Maire, le 13 avril, Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), annonçait une aide d’urgence qui couvrirait six mois de remboursement de la dette due au FMI par 25 pays, dont de nombreuses nations africaines : Afghanistan, Bénin, Burkina Faso, Comores, Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Haïti, Îles Salomon, Liberia, Madagascar, Malawi, Mali, Mozambique, Népal, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sierra Leone, Tadjikistan, Tchad, Togo et Yémen.
S’agissant du FMI, Bruno Le Maire considère comme un succès que les facilités d’accès aux liquidités de cette organisation aient été doublées. Une mesure, a-t-il précisé, qui sera officiellement « adoptée le 15 avril par les ministres des Finances du G20 ». Le jour même, le ministre se sera félicité que le FMI ait su mobiliser 1 000 milliards de dollars au travers de tous ses instruments en faveur des pays en ayant besoin. La France aurait encore soutenu la décision d’introduire une ligne de crédit à court terme « complémentaire », offrant des liquidités rapides à utiliser en faveur des pays frappés par la baisse des cours des matières premières.
En revanche, le ministre français a reconnu que les États-Unis restaient opposés à l’ouverture de droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI à hauteur de 500 milliards de dollars. Cette solution, présentée par la France comme « peu coûteuse pour les États membres et très efficace pour les pays en développement » avait été retenue par Washington pour un montant de 250 milliards de dollars en 2008-2009, indique-t-on à Bercy. Mais cette fois les discussions entre le ministre français et son homologue américain, le secrétaire d’État au Trésor, Steven Mnuchin, n’ont pas abouti.
L’annulation de la dette n’est pas un tabou
Bruno Le Maire a aussi évoqué l’allocution télévisée d’Emmanuel Macron, le 13 avril, dans laquelle le président de la République a plaidé pour annuler « massivement » la dette des nations africaines. Au-delà du soutien à la trésorerie des pays pauvres – selon le ministre « une urgence absolue » devant être mise en place « en quelques jours » – il y a le plus long terme.
Pour les États les plus vulnérables, la soutenabilité de la dette ne sera pas certaine. Elle dépendra de l’état de la crise sanitaire, de l’évolution des cours des matières premières et des flux commerciaux. « D’ici la fin de l’année », en fonction de ces critères, la dette de chaque pays devra être traitée « au cas par cas », a affirmé Bruno Le Maire. Et si elle n’est pas soutenable, alors « l’annulation » de la dette devra faire l’objet d’un accord « dans un cadre multilatéral ».
François Pargny