Le jour où la paix sera signée, les Français devront être prêts. « Les Russes ont déjà conclu avec les Afghans des accords pour extraire des minerais, construire des routes et d’autres infrastructures. Les Chinois, les Japonais et les Allemands sont également présents, ce qui n’est pas le cas des Français », déplorait Ghulam Nabi Habibi (notre photo), le président de la Chambre de commerce et industrie d’Afghanistan en France (ACCI), rencontré le 25 mai à Téhéran. Une rencontre deux jours après la signature dans la capitale iranienne d’un important accord tripartite Iran-Afghanistan-Inde pour le développement du port de Chabahar dans l’extrême sud-est de l’Iran, à la sortie du golfe persique.
L’accord a été conclu par les présidents iranien et afghan Hassan Rohani et Ashraf Ghani et le Premier ministre indien Narendra Modi. L’Inde a d’ores et déjà promis une ligne de crédit de 500 millions de dollars pour lancer cette initiative dont les travaux doivent être achevés fin 2017.
Un processus de paix compliqué, mais un « eldorado commercial »
Pour Ghulam Nabi Habibi, Afghan de culture persane, le projet de développement de Chabahar est l’occasion de remettre l’Afghanistan sur les radars des sociétés françaises. « Nous avons des demandes notamment des CCI de Lyon Métropole et Paris Ile-de-France, mais toutes les opérations ont jusqu’à présent butté sur les questions de sécurité. Avec l’avancée des négociations pour la paix en Afghanistan, nous espérons maintenant pouvoir y mener une délégation d’entreprises françaises l’an prochain », a confié le président de l’ACCI en France. Une telle mission dépendra évidemment de l’aboutissement de discussions pour la paix qui ont pris un mauvais tournant ces derniers jours.
Ghulam Nabi Habibi n’hésite pas à qualifier son pays d’« eldorado commercial » en cas de paix. « La construction de routes, de voies ferrées, de raffineries, le gaz, les minerais », autant d’opportunités à saisir selon lui, qui rappelle notamment que son pays « est le seul avec le Pérou à avoir autant de lithium ».
Pour l’Inde, l’accord du 23 mai pour étendre les échanges avec l’Iran et l’Afghanistan vise à contrer l’influence du Pakistan et de la Chine dans la région. Pour les deux autres partenaires, l’Iran qui a grand besoin d’étendre ses échanges après la levée des sanctions internationales, sauf américaines, l’Afghanistan, qui semble s’orienter vers la paix, c’est une fenêtre d’expansion future.
La bonne image de la France
Chabahar sera le trait d’union par voie maritime au sud-est avec les ports indiens de Kandla et Mumbai et par voie terrestre au nord jusqu’aux villes afghanes de Zaranj et Delaram. Une fois les travaux de développement terminés en décembre 2017, il deviendra un hub régional, capable de rivaliser avec les ports pakistanais de Karachi et iranien de Bandar Abbas, coincé dans le détroit d’Ormuz, pour le transit maritime en Afghanistan et en Asie centrale.
« Avec le nouveau port, les produits afghans pourront rejoindre rapidement l’Europe et, en même temps, les marchandises indiennes n’auront plus besoin de traverser le Pakistan », a expliqué le président de l’ACCI en France. Les entreprises de l’Hexagone ne devraient pas attendre, selon lui, pour s’intéresser à l’Afghanistan. Comme pour l’Iran, elles doivent anticiper. Et d’insister sur le fait que les Français possèdent une bonne image. « Pour les Afghans, il ont construit des écoles, des routes. Ils n’ont tué aucun innocent ». Un bon point de départ.
François Pargny
Envoyé spécial à Téhéran