« On s’est longtemps plaint de l’euro/dollar. Aujourd’hui, je peux dire que la situation est plus favorable ». Si la filière aéronautique et spatiale a, comme de nombreuses autres filières exportatrices, quelques sujets de préoccupations en ce début d’année, qu’ils soient d’ordre géopolitique –la situation au Moyen Orient- ou macro-économiques – le ralentissement chinois-, Marwan Lahoud, président du Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) a été catégorique lors du point presse du 7 janvier : celui du taux de change de l’euro (EUR) par rapport au dollar (USD), longtemps surévalué, n’en est plus un, « pourvu que ça dure, on commence à voir les effets positifs ».
Emmanuel Viellard, président du groupe des Équipements aéronautiques et de défense et Bertrand Lucereau, président du Comité Aéro-PME du Gifas, présents à ce point presse de rentrée, étaient sur la même longueur d’onde (notre photo).
« L’année va se présenter sous des auspices plutôt favorables »
En ce début janvier 2016, même s’il se raffermit, l’euro, qui a entamé sa dévaluation en 2014 après avoir atteint des sommets à plus de 1,4 USD, est à quasi parité avec le dollar (1 pour 1) … Il en est tout autant de la baisse des cours du pétrole –qui a perdu 70 % de sa valeur depuis juin 2014-, qui dope les marges des compagnies aériennes et stimule donc une augmentation du trafic aérien de l’ordre de « 5 % par an ». La baisse conjuguée de l’euro et des cours de l’or noir ? « Positive et importante », a répondu sans hésiter le président du Gifas, également directeur général délégué à la Stratégie et au marketing du groupe Airbus, à une question de la presse.
Autant d’atouts favorables à la filière aéronautique française à l’export qui, entre les premiers succès à l’international du Rafale* et le dynamisme du carnet de commandes d’Airbus -qui a lancé en septembre 2015 sa première chaîne d’assemblage aux Etats-Unis (dans l’Alabama, elle doit produire 4 A 320 par mois à compter de 2018)-, dépend lourdement du marché mondial. En l’occurrence, dans cet environnement international, « l’année va se présenter sous des auspices plutôt favorables » pour l’industrie française, a estimé Marwan Lahoud.
C’est l’Asie qui, actuellement concentre toutes les attentions : « l’Asie, c’est un quart du carnet de commande de l’aviation civile », a précisé le président du Gifas. Après les États-Unis, le Groupement a d’ailleurs mis en place, l’an dernier, un représentant permanent chargé d’aider les PME membres du Groupement dans leur prospection en Asie, avec un volontaire international en entreprise (VIE) basé à Kuala Lumpur, en Malaisie.
Le prochain salon aéronautique de Singapour, du 16 au 21 février, est d’ailleurs en tête de l’agenda à court terme du Gifas et de nombre de ses membres, alors que la France y sera le pays invité d’honneur. Les entreprises de la filières, y compris les PME, s’y rendront en force.
Équipementiers et PME attendent le maintien d’un soutien fort des pouvoirs publics
Équipementiers et PME de la filière misent d’autant plus fortement sur l’export cette année que leurs perspectives d’activité sont ternies par des problèmes de changements de cycles de programmes. Ils doivent en effet gérer, en France, une phase délicate de quelques mois entre d’une part la baisse d’activité liée au cycle de certains programmes – baisse de 9 à 5 des commandes de l’A330, montée en puissance lente de l’A 350, démarrage de l’A3020 Néo- et la nécessité d’investir pour répondre à d’autres programmes et rester compétitifs.
Dans ce contexte, équipementiers et PME attendent le maintien d’un soutien fort des pouvoirs publics. « Il faut être extrêmement productif dans ce pays pour rester compétitif » a notamment laché Emmanuel Viellard, qui demande la prolongation du dispositif fiscal exceptionnel de sur-amortissement des investissements au-delà du 31 mars 2016 (ce dispositif permet d’amortir 40 % d’investissement de plus).
Bertrand Lucereau, pour sa part, a salué la sanctuarisation du crédit d’impôt recherche (CIR) par le président Hollande mais appelé le gouvernement à poursuivre ses efforts de réformes pour faire grandir les PME : « Il faut arriver à simplifier les points de blocage type seuils sociaux et fiscaux » a-t-il notamment indiqué. Les 160 PME qu’il représente emploient en moyenne entre 100 et 120 personnes pour un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros, une taille qui les handicape dans leurs développements à l’export et les fragilise dans les conjonctures difficiles.
Plan « Performances industrielles » : demande forte pour une phase 2
Le Gifas lui-même, sous l’impulsion de Marwan Lahoud, arrivé à sa tête en juillet 2013, a mis en place une démarche proactive de soutien des grands groupes en direction des PME. Des efforts ont été faits pour réduire les délais réels de paiement –seul le secteur de la défense restant un sujet de préoccupation- et la mise sur pied, début 2014, d’un vaste programme dénommé « Performances industrielles », qui prévoit des actions d’audit et de conseil pour aider les PME à améliorer leurs performances. Le Gifas finance la moitié de ce programme, le reste étant partagé entre l’État et les collectivités locales.
Ce programme a eu un fort succès -400 PME s’étaient inscrites dans 15 régions- et son efficacité semble acquise, puisque, selon les données fournies par Marwan Lahoud, sur les 165 PME qui en ont bénéficié, 97 % ont déclaré avoir obtenu « une amélioration significative » sur au moins un des trois critères que sont la qualité de la production, le retard moyen de livraison et la profondeur de ce retard. D’où une demande « forte » pour faire une « phase 2 », à partir de 2017 : le Gifas est d’accord, reste à convaincre collectivités locales et État de mettre à nouveau au pot.
Christine Gilguy