Malgré un contexte politique
toujours sensible, les PME françaises doivent, à l’instar des grandes
entreprises, croire en la Turquie, la 17ème puissance économique
mondiale. Ce marché émergent au carrefour de l’Europe et de l’Asie centrale peut
être aujourd’hui considéré comme un des meilleurs relais de croissance de la
planète, après les BRIC (Brésil-Russie-Chine-Inde). Au printemps prochain, François
Hollande devrait se rendre à Istanbul, « ce qui serait la première visite
d’un président français en Turquie depuis François Mitterrand en avril
1992 », se félicitait l’ambassadeur turc en France, Tashin Burcuoglu, lors
d’un colloque, organisé par Ubifrance, le 13 décembre, au Sénat.
La visite du chef de l’État
permettrait de renforcer un dialogue politique, difficile sous la présidence de
Nicolas Sarkozy, qui était opposé à l’entrée de l’ex-Empire Ottoman dans
l’Union européenne. Paris est favorable à l’ouverture de plusieurs chapitres
devant permettre d’avancer dans les négociations d’adhésion. Et alors que
depuis des années les marchés publics turcs sont largement fermés aux
entreprises françaises, côté tricolore, la prise de participation d’Aéroports
de Paris dans son homologue turc TAV en mars dernier a été interprétée comme
une preuve du réchauffement des relations diplomatiques.
Toutefois, « les Turcs sont
meurtris par l’exploitation de l’affaire arménienne. Ils ont du ressentiment et
nous disent qu’ils veulent bien travailler avec nous, mais que les conditions
ne sont pas réunies », prévient le président de CCI France (ex-Assemblée
permanente des CCI), André Marcon, selon lequel la France doit « laisser
l’Histoire aux historiens ». « En clair, explique sous le couvert de
l’anonymat un acteur économique, il ne faut pas s’attendre à une évolution
sensible dans l’attribution des marchés publics aux entreprises
françaises ».
Ce frein politique et
diplomatique n’empêche pas de grandes entreprises de l’Hexagone de réussir sur
les rives du Bosphore. Grâce à PSA, Renault, Groupama, Axa ou Air Liquide, la
France y est le cinquième investisseur avec plus de 450 implantations
représentant un stock d’investissements de 7,6 milliards d’euros en 2010. A l’instar encore
d’Alstom, qui produit des transformateurs à Gebze (à proximité d’Istanbul), devenu
aussi un acteur incontournable de l’éolien en Turquie. « Nous allons
encore embaucher 60 ingénieurs chez Alstom Transport à Istanbul pour suivre les
projets de transport jusqu’en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, au Caucase et
aux Balkans », révèle Jacques Beltran, senior vice-president pour
l’Europe, la Russie, la Communauté des États indépendants (CEI) et la Turquie.
A quatre à cinq heures de Paris,
les grandes entreprises de l’Hexagone n’hésitent pas à investir dans un pays
émergent, devenu 17ème puissance économique mondiale. « En
revanche, nous avons plus de mal à attirer les PME », regrette Eric
Fajole, le directeur du bureau d’Ubifrance à Istanbul. Ce qui se reflète sur le
commerce extérieur tricolore. De fait, en glissement annuel, la part de marché
de la France est tombée de 3,85 % à 3,62 % en septembre 2012. Pendant les neuf
premiers mois de cette année, ses livraisons de marchandises n’ont progressé
que de 0,25 %, alors que les importations turques ont progressé de 6,63 %,
d’après la base de données GTA/GTIS.
Les exportations françaises ont baissé
dans l’automobile, la mécanique, le matériel électrique ou encore la pharmacie. Un recul
à relativiser, toutefois, puisqu’il s’inscrit dans le cadre d’une diminution
générale de la
consommation. Visiblement, le nouveau mode de remboursement
des médicaments eu Turquie a aussi nui aux ventes tricolores. Dans le luxe, le
Comité Colbert, qui pilotera une délégation de 25 sociétés en janvier prochain à Istanbul,
dénonce les barrières tarifaires et non tarifaires qui sont parfois très
pénalisantes.
Pour autant, la distribution se
modernise à grands pas en Turquie. « Il y a déjà 300 malls et 100 centres
commerciaux sont encore projetés », note Raphael Esposito, qui dirige la
Chambre de commerce française en Turquie (CCFT). « Le consommateur est
branché et attiré par l’innovation », remarque Paul Milcent, directeur de
TEB Cetelem, spécialiste du crédit à la consommation. Ainsi,
sur une population de 75 millions d’habitants, « 34 millions consomment
avec Facebook, dont 15 millions sur le téléphone mobile », et d’après
l’Observatoire annuel de Cetelem, « 93 % se disent intéressés par la
voiture électrique, dont 84 % se déclarant prêts à en acheter une ».
Par ailleurs, d’après Ipsos, pour
40 % de la population, le critère d’achat prioritaire est la marque. « Attention
toutefois, prévient Paul Micent, le consommateur est très sensible au prix,
puisque, pour 44 % de la population, le premier critère d’achat est la
promotion avec le prix et pour 30 %, c’est uniquement le prix ».
La 18ème édition du
forum international Futurallia se déroulera du 5 au 7 juin 2013, à Istanbul. Ce sera l’occasion pour nos
PME de se développer en Turquie », se réjouit André Marcon. « Cette
rencontre internationale de PME/PMI est multisectorielle et repose sur le
principe des conventions d’affaires », précise Michel Thomas, directeur
régional du développement international et de l’appui aux entreprises à la CCI Poitou-Charentes.
Une bonne nouvelle pour les PME: l’opération
a été labellisée le 14 décembre par Ubifrance.
François Pargny
Pour en savoir plus:
Consulter
- 1 La fiche pays du MOCI sur la Turquie
- 2 Le GPS Business du MOCI. En tapant « Turquie »
dans l’onglet « Où », qui présente des actualités et des
dossiers d’informations, des appels d’offres, des textes règlementaires,
des listes de salons, des sites de référence et des noms d’experts membres
du Moci Club. - 3 Le dossier Turquie : Business, mode d’emploi