Le déclenchement effectif du compte à rebours du ‘Brexit’, le 29 mars, incite les économistes à sortir leur calculette. Du point de vue des échanges commerciaux, il y aura des perdants, mais plus ou moins selon les cas. Entre 2017 et 2021, la France pourrait ainsi subir une perte de 3 milliards d’euros d’exportations de biens et 3,2 milliards d’investissements, d’après la dernière étude « The taming of Brexit » d’Euler Hermes (voir fichier joint en pdf), ce qui aboutirait à un recul cumulé de 0,3 point de sa croissance économique. La chimie, les machines et équipements et l’agroalimentaire seraient les plus touchés, avec des pertes respectives de 0,6 milliard d’euros, 0,5 milliard et 0,4 milliard.
« La demande supplémentaire adressée à la France sur la période 2017-2021 sera fortement amoindrie par un Brexit avec accord de libre échange », commente Ludovic Subran (notre photo), chef économiste d’Euler Hermes, qui privilégie la solution d’un accord de libre échange (ALE) entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE). Selon l’assureur crédit, il s’agira d’un ALE soit restreint (53 % de probabilité ; la taxation moyenne des biens tournerait autour de 3 %), soit étendu (25 % de probabilité ; les taxes sont inférieures à 1 %), la perspective que les négociations n’aboutissent pas à un accord étant relativement faibles (20 %).
Impacts « modéré » pour l’Allemagne, la France, l’Espagne
Comparé à la France, l’impact du retrait du Royaume-Uni de l’UE sera supérieur dans quatre pays, tous appartenant à la zone euro : les Pays-Bas, l’Irlande, la Belgique et l’Allemagne, dont la croissance économique sera « affectée » respectivement à hauteur de 1,8 point de croissance, 1,2 point, 1 point, 0,4 point. En fait, si l’impact sera « élevé » chez les trois premiers, il sera « modéré » en Allemagne.
Les Pays-Bas notamment perdront 4 milliards euros d’exportations de biens et 8,2 milliards d’investissements directs étrangers (IDE), pendant que pour l’Allemagne le principal dommage concernerait les exportations de marchandises, avec une perte de 8,4 milliards d’euros, dont 2,4 milliards dans l’automobile.
Après ces quatre pays, sont classées la France et l’Espagne, comme l’Allemagne, dans la catégorie « impact modéré », avec un retrait de croissance de 0,3 point chacun, des pertes respectives de 3 milliards et 1,6 milliard pour les exportations, 1,2 milliard et 1 milliard pour les services et de 3,2 milliards et 1,8 milliard d’euros pour les IDE.
Dépréciation de la livre, ralentissement, hausse des faillites…
Les entreprises européennes seront frappées via trois canaux, précise l’assureur crédit : « la dépréciation de la livre, le ralentissement de l’économie britannique, la hausse des défaillances d’entreprises attendue au Royaume-Uni dans les années à venir ».
« En 2017, la croissance britannique devrait ralentir plus nettement. La consommation des ménages ne croîtra que de + 1,9 % sur l’année (+ 3 % en 2016), affectée par une hausse de l’inflation (+ 2,5 % contre + 0,7 % en 2016) relative à la dépréciation de la livre, et par la hausse modérée des salaires (+1,6 % vs + 2,4 % en 2016). Au niveau de l’investissement, la période d’observation va continuer : les entreprises ne prendront pas de décision significative avant d’en savoir plus sur les contours de l’accord de sortie de l’UE du Royaume-Uni. Finalement, la croissance britannique devrait s’établir à + 1,4 % en 2017 (+ 1,8 % en 2016) », développe Ana Boata, économiste en charge de l’Europe chez Euler Hermes.
Quant aux exportations britanniques, qui sont dépendantes de nombre de produits intermédiaires, elles ne seront plus soutenues par la faiblesse de la monnaie nationale. Leur croissance, estime ainsi l’assureur crédit, tombera de 2,4 % à 1,7 % entre 2017 et 2018. Si bien que la croissance économique chutera de 1,4 % à 1 %.
François Pargny