Coface, qui vient de procéder à sa traditionnelle revue des risques pays au troisième trimestre 2017, n’a effectué que peu de changements. Mais sa nouvelle carte donne une bonne idée du retour à la confiance des entreprises dans un contexte de reprise de l’économie. « En 2014, 2015 et 2016, nous avions plus de déclassements que de reclassements. Cette année ce sera différent, puisque sur 35 réévaluations, 22 sont des reclassements et 15 des déclassements », a pointé Julien Marcilly (notre photo), chef économiste de Coface, lors d’un point sur la situation économique mondiale, le 7 novembre.
Quatre pays reclassés : Finlande, Hongrie, Chypre, Biélorussie
Au troisième trimestre, quatre pays ont été ainsi reclassés, contre seulement un dont le note a été dégradée. Il s’agit d’Oman passé en C (sur une échelle allant de A1 à E pour le risque le plus élevé d’impayés des entreprises), dont la croissance et la situation budgétaire et de déficit souffrent de la baisse de la production de pétrole nationale et du recul du prix du baril d’or noir sur les marchés internationaux.
En revanche, l’assureur-crédit a amélioré les notes de la Finlande (retour de la croissance, bonne demande externe), la Hongrie (dynamisme de la croissance et de la consommation, rebond des investissements, regain du secteur financier), Chypre (solidité de la croissance, dynamisme du tourisme et de la consommation, assainissement des finances et du secteur bancaire), et la Biélorussie (relance des échanges avec la Russie, perspectives favorables de la consommation et des exportations vers l’Europe). Les notes attribuées à ces quatre États sont ainsi A2 pour la Finlande, A3 pour la Hongrie, A4 pour Chypre et C pour la Biélorussie.
J. Marcilly : l’Afrique « à la traîne »
Si le risque d’impayés est globalement moindre, Julien Marcilly met, néanmoins, en garde contre l’excès d’optimisme. « La situation est très hétérogène d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre », a-t-il prévenu. Et, en l’occurrence, il y une région « à la traîne », l’Afrique, « où les déclassements sur une année sont encore supérieurs aux reclassements », en raison de la dégradation des cours des matières premières et le ralentissement de l’économie de la Chine.
L’Afrique est même la zone avec le plus fort indicateur de vulnérabilité (0,24 point, 1 point étant la plus forte vulnérabilité), « y compris devant l’Amérique du Sud, qui, elle, exporte en Chine des biens agricoles, type soja », a précisé Ruben Nizard, économiste chez Coface.
« La reprise de la croissance mondiale se confirme cette année et l’an prochain », s’est encore félicité Julien Marcilly, qui a égrené « les bonnes nouvelles » en provenance des États-Unis, notamment en matière d’emploi et de progression des profits des entreprises, dans la zone euro « avec des indices de confiance très hauts » et dans les nations émergentes, avec « le retour des capitaux ».
Europe : les entreprises confiantes, même en Espagne
En Europe, la principale incertitude concernait l’Espagne, en raison de l’instabilité politique en Catalogne. Or, « les entreprises espagnoles sont confiantes, il n’y a pas de choc lié aux incertitudes politiques », constatait le chef économiste de Coface, qui a, néanmoins, nuancé son propos, en avertissant qu’on ne pouvait pas exclure une instabilité, « après le référendum du 21 décembre, surtout si les indépendantistes gagnent, et après d’éventuelles élections nationales en 2018 ». L’impact du Brexit sur la croissance britannique a été de 0,5 point. En cas d’incertitude persistante en Espagne, Coface y évalue à un point la perte d’activité.
S’agissant des économies émergentes, alors que depuis de deux ans, les sorties de capitaux étaient plus élevées que les entrées, c’est maintenant le contraire. La croissance, elle, n’a pas changé, après avoir été divisée par deux entre 2010 et 2016. Seule région, dont la croissance devrait être cette année inférieure à celle de 2016, l’Afrique du Nord-Moyen-Orient. Mais certains pays vont regagner de l’activité en 2018, comme la Russie et le Brésil, alors que l’Europe centrale demeure en grande forme.
En cherchant à avoir une meilleure perception des émergents, l’assureur crédit export a pu ainsi évaluer deux risques potentiels, le premier lié aux frustrations sociales pouvant provoquer des changements politiques, le second à la vulnérabilité du domaine bancaire.
Émergents : fortes frustrations sociales en Russie, au Brésil et Mexique
A partir de toute une série de critères, allant du produit intérieur brut au taux d’urbanisation, en passant par les inégalités de revenu, la liberté politique, la corruption, le taux d’homicide ou la participation des femmes, Coface a établi un classement des 20 pays les plus risqués (à 0 % le risque est très bas, à 100 %, c’est le contraire). Sur ce Top 20, il n’est pas vraiment étonnant de retrouver les cinq premiers pays, avec un taux supérieur à 80 % pour la Syrie et le Venezuela et de 70 % pour la Libye, le Yémen, l’Iran.
Avec plus de 60 %, sont classés des pays comme l’Irak, mais aussi la Russie, « ce qui peut s’expliquer par sa situation économique détériorée ces dernières années », jugeait Julien Marcilly, mais aussi le Brésil ou le Mexique. On peut encore citer l’Arabie Saoudite et le Qatar.
Deuxième risque, lié à la montée des créances douteuses, la vulnérabilité des banques. Alors que la part des prêts non performants a reculé dans le monde, elle a décollé en Russie, en Inde, en Chine, un peu moins au Brésil. En Chine, en outre, le crédit a explosé, en passant de quelque 6 trillions de renminbi (RMB) en 2007-2008 à 20 trillions de RMB en 2015-2016. Un risque que les exportateurs français ne peuvent pas ignorer.
François Pargny
Pour prolonger :
–Forum Moci 2017 / Risques et opportunités : le commerce reprend, malgré le protectionnisme et la compliance
–Conjoncture / Monde : la croissance mondiale devrait accélérer selon le FMI
–Commerce mondial / Conjoncture : la reprise sous la menace des “risques politiques”
– Export / Conjoncture : Euler Hermes table sur une faible reprise du commerce mondial en 2017
et notre dernier : Atlas des risques pays 2017, 9e édition (Le Moci)