Coface vient de se livrer à un exercice périlleux, en dressant un indice global du risque pays dans 159 pays, qui mesure à la fois l’impact des conflits, la montée du terrorisme, la fragilité politique et sociale des États (nature du régime, fragmentation ethnique, libertés politiques…) et, pour les pays avancés, l’émergence du populisme.
La principale limite de cet indicateur, présenté à la presse le 21 mars, est que pour pouvoir dresser des comparaisons internationales l’assureur crédit export a dû asseoir son analyse sur « des bases de données en général académiques, datées au mieux de fin 2015 », reconnaissait Jean-Louis Daudier (notre photo), économiste Europe et zone franc de Coface. Un manque, par exemple, si l’on considère les risques de protectionnisme, voire de guerre commerciale, que pourrait entraîner la nouvelle politique économique promise par le président américain Donald Trump.
Mexique : guerre des cartels meurtrière
Pour autant, ce nouvel indicateur global du risque politique illustre des tendances et des éléments structurels qui méritent que l’on s’y arrête. Par exemple, par région, l’indice global est le plus élevé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (au-dessus de 60 % en moyenne, mais avec cinq pays en risque maximal, avec 100 % : Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, Yémen), devant l’Afrique subsaharienne (moins de 50 % en moyenne, mais avec trois pays en risque maximal, Nigeria et Soudan, à 100 %, et Centrafrique, avec un score de 90 %).
« Dans ces deux régions, il y a une multiplication des conflits. En particulier depuis 2013, il y a une augmentation des conflits et du terrorisme an Nigeria et du terrorisme au Kenya », a commenté Jean-Louis Daudier, qui a aussi pointé les scores de l’Asie émergente et de la Communauté des États indépendants/CEI (au-dessus de 40 % en moyenne), en raison, notamment, « de la détérioration de la situation en Ukraine ». Le Kenya comme l’Ukraine sont classés en risque très élevé, avec des scores respectifs de 64 % et 70,8 %.
En Amérique latine, ce sont surtout les fragilités sociales qui se sont amplifiées, d’après Coface. La grande surprise, c’est le Mexique, classé risque très élevé, avec 69,5 %. « Il y a eu une recrudescence de la guerre des cartels », a souligné Sofia Tozy, économiste Moyen-Orient et Afrique du Nord de Coface. La Chine est, quant à elle, placée en risque élevé, avec 53,2 %. Un score, selon Jean-Louis Daudier, qui reflète « la hausse du terrorisme, lié notamment aux attaques particulièrement meurtrières des Ouïgours dans le Xinjiang ». Globalement, l’Asie présente un profil assez contrasté, avec des nations en risque très élevé, comme le Pakistan, avec 75,7 %, et Myanmar, avec 71,2 %, et d’autres en progrès, comme le Népal en risque moyennement élevé (42,9 %) et Sri Lanka en risque moyennement modéré (39,6 %).
L’indice de terrorisme multiplié par 2,8 depuis 2008
Si l’on s’en tient à l’indice global, la plupart des grandes nations, de la France et l’Allemagne (risque modéré) à l’Australie et au Japon (risque faible), bénéficient d’une évaluation favorable. Toutefois, pour un certain nombre d’entre eux, deux risques bien ciblés rythment de plus en plus la vie quotidienne des citoyens : le terrorisme et le populisme. Si en matière de terrorisme, on retrouve logiquement aux premières places les nations déjà citées (Irak, Afghanistan, Nigeria, Syrie…), la France occupe la 29e place. Calculé en fonction de l’occurrence, l’intensité des attentats et le degré de dommages, l’indice de terrorisme y est ainsi passé de 50 % en 2013-2014 à 76,9 %.
« On ne peut désormais plus mesurer le risque sécuritaire sans prendre en compte l’indice du terrorisme qui a été multiplié par 2,8 depuis 2008 et est susceptible d’affecter la confiance des entreprises, des ménages et des investisseurs étrangers. La majeure des pays de l’OCDE engagés dans la lutte contre l’État islamique ont vu leur résultat augmenter entre 2011 et 2015 », indique-t-on chez Coface. Ainsi, aux États-Unis, l’indice de terrorisme a progressé également de 60 % en 2013-2014 à 67 %, au Royaume-Uni de 60 à 65 %, en Australie de 4 % à 35 %, au Canada de 14 % à 34 %, au Danemark de 4 % à 33 %, etc.
Le populisme est, lui, propre aux nations avancées. Et la France, dans ce domaine, enregistre, derrière le score du Royaume-Uni (73 %), le niveau le plus élevé (70 %), « avec une part significative, précise Coface, de thèmes liés à l’ordre public ». Cet indicateur repose sur la fréquence de certains thèmes, tel que le protectionnisme, la sécurité, l’ordre public et les valeurs nationales, figurant dans les manifestes politiques délivrés aux moments des élections législatives.
« En France et au Royaume-Uni, les mentions à l’ordre public et aux valeurs nationales représentent 7 % en moyenne des programmes des partis politiques », a expliqué Jean-Louis Daudier. En Autriche et aux Pays-Bas, où les chiffres sont un peu moins élevés que dans ces deux pays, avec respectivement 64 % et 63 %, la méfiance à l’encontre du multiculturalisme est importante.
François Pargny