« Il y a un paradoxe. Malgré les chocs politiques, il y a peu d’effets sur la croissance de l’économie et il n’y a pas de volatilité sur les marchés financiers », a déclaré d’emblée Julien Marcilly (notre photo), chef économiste de Coface, le 21 mars, faisant ainsi allusion aux risques élevés suscités aux États-Unis par les politiques commerciale et étrangère de l’Administration Trump et en Europe par des élections « aux issues incertaines », notamment en France et en Allemagne. Mais aussi dans le monde.
Le risque de conflits a doublé entre 2007 et 2015, le risque terroriste a été multiplié par 2,8 depuis 2008, les conflits s’internationalisent et les économies avancées sont confrontées à une montée du populisme. La hausse des menaces a ainsi amené Coface à présenter pour la première fois un indice global du risque politique (*).
Le commerce mondial : + 2,4 % en 2017
La situation est d’autant plus paradoxale que les entreprises ne semblent pas inquiètes, ce qui ne les empêche pas de se montrer prudentes. Car leur activité « restera contrainte par un endettement élevé et en progression dans les émergents et la menace des risques protectionnistes, politique et social dans les pays avancés et émergents », délivre-t-on chez Coface.
Toujours est-il que le retour de la confiance des entreprises se reflètera à fois dans la croissance de l’économie et du commerce planétaires. L’assureur crédit export a relevé de 0,1 point sa prévision de progression du produit intérieur brut (PIB) mondial, qui devrait ainsi atteindre + 2,8 % cette année, alors que les échanges commerciaux passeraient de + 1 % l’an dernier à + 2,4 % en 2017. En fait, s’il y a une relance de l’économie, c’est dans les émergents (+ 4,1 %), pas dans les nations avancées (stabilité à + 1,7 %), grâce à de grands pays comme la Russie et le Brésil, « mais on restera loin des niveaux de 7 % du passé », a tempéré Julien Marcilly.
« Par pays, les changements sont souvent insuffisants pour décider de modifier nos évaluations pays », a encore expliqué le chef économiste de Coface. Du coup, sur 160 pays pris en compte, l’assureur crédit export n’a apporté de modifications que pour cinq pays : quatre bénéficient d’un reclassement, la République tchèque et Israël, évalués A2 sur une échelle de risques qui compte huit échelons de A 1 à E, la Lettonie, passée en A 3, et l’Arménie en D. Le Mozambique est, quant à lui, dégradé en E, en raison des menaces planant sur sa stabilité politique et sa capacité de paiement.
La métallurgie se redresse, le risque diminue
Israël a accumulé les bonnes nouvelles : un PIB en hausse de 5 %, au-delà des attentes en 2016, un surplus des comptes courants, un bas niveau du chômage et d’inflation, profitant aux secteurs de l’électronique grand public, la construction, la vente au détail, orientés vers le marché intérieur. En matière de risque politique, Coface le classe en risque politique modéré, avec un score de 35 %, soit la moitié du niveau du Mexique, placé en risque politique très élevé.
De mieux en mieux intégrées dans le chaîne de production européenne, la République tchèque et la Lettonie vont bénéficier d’un rebond des investissements publics. La République tchèque va profiter de la demande allemande et l’Arménie de celle de la Russie. La République tchèque va encore accélérer avec la bonne santé de l’automobile en Europe. C’est au demeurant le seul secteur évalué en risque faible en Europe de l’Est et, avec les technologies de l’information et la communication (Tic), en Europe de l’Ouest.
S’agissant des secteurs, « il n’y a pas eu de déclassement, quatre secteurs ont été relevés en risque élevé, construction, énergie et métaux en Amérique latine et métaux en Asie émergente », a indiqué Julien Marcilly. « Depuis trois ans, a-t-il encore commenté, la métallurgie était l’activité la plus risquée dans le monde. La menace a un peu baissé dans certaines régions, car les cours mondiaux se sont redressés de 15 à 70 % selon les produits, l’imposition de droits de douane a parfois aidé les entreprises locales et en Chine il semble que les autorités parviennent à réduire les capacités ».
Certains secteurs n’ont pas bougé, comme la distribution toujours classée en risque moyen en Europe de l’Ouest. Mais la situation n’est pas forcément homogène, selon les pays. Dans la distribution, le Royaume-Uni a été rétrogradé en risque élevé, car l’inflation a conduit à une stagnation du pouvoir d’achat des ménages. Une situation qui pourrait s’amplifier avec le Brexit (**).
(*) Lire, à ce sujet, en accès gratuit sur notre site : Risque politique / Coface : la hausse est générale, le populisme monte dans les pays avancés.
(**) Lire aussi : Royaume-Uni / UE : l’addition du « Brexit » risque d’être « salée » pour Londres
et Royaume-Uni / UE : « C’est maintenant que les choses sérieuses vont débuter ».
François Pargny