L’Afrique du Sud est un géant fragile, mais plus solide qu’on le croit. Au regard des évènements politiques de ces derniers jours, on aurait des raisons de s’inquiéter. A deux ans des élections présidentielles, les couteaux sont tirés entre l’aile fidèle au chef de l’État Jacob Zuma (notre photo) et ses détracteurs emmenés par Cyril Ramaphosa, vice-président du parti dominant, l’African National Congress (ANC). Le limogeage du très respecté ministre des Finances Pravin Gordhan par le président a réveillé la contestation au sein de l’ANC.
Au même moment, la très respectée agence de notation Standard & Poors a décidé de baisser la note souveraine de l’Afrique du Sud de BBB- à BB+, premier niveau de la catégorie spéculative. Pour autant, les deux autres agences mondiales, Moody’s et Fitch n’ont pas suivi le mouvement, ce qui devrait rassurer les détenteurs de titres sud-africains.
Dans ce contexte, les assureurs crédits auraient pu dégrader ce pays dans leur évaluation du risque pays. Il n’en est rien pour Euler Hermes, qui, malgré une hausse de deux points par an, considère que « la dette devrait rester contenue à un niveau raisonnable, à 55 % du PIB fin 2018 ». Elle maintient donc sa note de risque à B2 (sur une échelle de risques allant du plus faible AA1 au plus fort D4).
La remontée des cours des métaux précieux
Comme l’explique Stéphane Colliac, l’économiste Afrique d’Euler Hermes, il y a des raisons d’espérer. « Standard & Poors nous livre une image réaliste, mais dont les tenants et les aboutissants n’ont rien de nouveau. Dans le futur, nous pensons que l’économie va se porter un peu mieux. La croissance sera modérée, passant de 0,3 % en 2016 à 1 % en 2017 et 1,5 % en 2018. Et quant à la volatilité du rand qui inquiète, elle n’est pas nouvelle, la Banque centrale n’intervenant jamais. C’est, certes, parfois impressionnant – depuis dix jours et le début des rumeurs de limogeage du ministre des Finances, la monnaie sud-africaine a chuté de 8 %. Mais, outre qu’une dépréciation est favorable à la compétitivité sud-africaine, les réserves de change, elles, sont restées stables à un niveau de 40 milliards de dollars. Avec ce montant, avons-nous calculé, l’Afrique du Sud couvrirait l’ensemble de ses risques, même dans un scénario extrême : non renouvellement des prêts à court terme par les créanciers, sortie massive des capitaux, etc. ». ».
La remontée des cours des métaux précieux va être favorable à l’économie sud-africaine, ainsi que la reprise des achats de la Chine. L’industrie minière devrait aussi bénéficier du grand programme d’infrastructures américain, annoncé autour de 1 000 milliards de dollars sur cinq ans par le président Trump. Des investissements qui doivent générer une demande de métaux. Ce sont des ballons d’oxygène pour une industrie, qui a beaucoup souffert l’an dernier de grèves à répétition. L’agriculture a, quant à elle, subi de plein fouet une sécheresse très sévère. En dehors de ces secteurs, la croissance économique atteignait 1 % l’an dernier. Certains domaines d’activité progressent toujours, à l’instar des biens de consommation et des services. Et ce, en dépit du niveau très bas du moral des ménages. Justement, il ne peut que remonter, alors que les enquêtes de consommateurs montrent une chute de 25 points de la confiance des consommateurs en cinq ans – elle est passée de l’indice + 10 en 2011 à – 15 en 2016.
L’envolée des exportations françaises en 2016
En janvier et février, les importations sud-africaines ont repris, avec + 18,7 %, après avoir reculé de plus de 12 % en 2016, d’après la base de données GTA (groupe IHS). La France avait, pour sa part, fait un bond dans le classement des fournisseurs de l’Afrique du Sud, se hissant ainsi au septième rang, talonnant, avec un chiffre de 2,08 milliards d’euros d’achats sud-africains, le Japon, avec 2,32 milliards. Les importations en provenance de l’Hexagone avaient gagné 19,61 %, grâce à une envolée spectaculaire du poste navigation aérienne et spatiale (+ 560 %), représentant ainsi plus de 22 % du total. La pharmacie, les machines et les matériels électriques, l’automobile avaient également progressé, respectivement de 15,2 %, 8,9 % et 9 %, alors que le poste machines et appareils mécaniques avait stagné (- 0,3 %).
Cette performance générale de la France est de bon augure, à moins d’une semaine de la visite du ministre du Commerce et de l’industrie, Rob Davies, qui s’adressera aux entrepreneurs français lors d’un forum organisé par Business France, le 12 avril, à l’occasion de la Commission mixte économique. Le développement de la coopération bilatérale serait une priorité, alors que les échanges, d’après Business France, n’ont cessé de croître entre les deux pays (+6,2 % par an entre 2010 et 2015) et ont rattrapé leur niveau d’avant la crise en 2008. L’industrie des métaux composites utilisés dans la construction navale auraient déjà été mentionnée comme un chantier à ouvrir.
François Pargny