Si l’objectif était de montrer, à quatre mois du prochain sommet Afrique-France –prévu mi janvier 2017 à Bamako- une volonté de relancer la dynamique pour incarner le « nouveau partenariat pour une croissance partagée » entre la France et l’Afrique lancé lors du Sommet Afrique France de l’Elysée, en décembre 2013, les premières Rencontres Africa 2016 qui se sont déroulée au Conseil économique, social et environnemental à Paris, les 22 et 23 septembre dernier, ont plutôt rempli leur objectif.
Co-organisées sous l’égide des ministère des Affaires étrangères et du développement international, de l’Economie et des finances et de la Fondation AfricaFrance avec l’appui de nombreux partenaires institutionnels et privés, elles ont rassemblé sur deux jours environ 2300 participants, dont un millier d’entreprises françaises et 500 africaines, autour d’un programme mêlant conférences plénières, ateliers sponsorisés, espace d’exposition et rendez-vous B to B –plus de 1600 annoncés par les organisateurs. Aucun des acteurs institutionnels de la diplomatie économique n’a manqué à l’appel : Bpifrance, Business France, Agence française de développement/ Proparco, CCI International. Mais l’on a aussi vu défiler à la tribune ou dans les travées de l’exposition, de nombreux représentants d’organisations professionnelles et du secteur privé.
Un succès dont se sont félicités Matthias Fekl et Christophe Sirugue, respectivement secrétaire d’Etat au Commerce extérieur et à l’Industrie, qui, à l’ouverture des Rencontres, ont repris à leur compte le slogan des organisateurs : « Africa 2016 sera la plus importante manifestation économique jamais organisée en France sur l’Afrique ». Alors que le continent africain constitue une des zones de la planète présentant les plus fortes perspectives de croissance, malgré le ralentissement actuel lié à la chute des matières premières, il s’agit en effet d’un gros enjeu en termes de diplomatie économique, quelque peu occulté par les engagements de la France sur le terrain militaire et les débats soulevés par la crise des migrants.
Un enjeu de diplomatie économique
Au plan commercial, face au rouleau compresseur chinois et au dynamisme turc, mais aussi au dynamisme de certains pays européens (Italie, Espagne…), la part de marché globale de la France a fondu de moitié depuis 2000 pour atteindre un peu plus de 5 % (5,8 % en 2012). Ses échanges avec les pays du continent, dominés par ses partenaires d’Afrique du nord et d’Afrique du Sud, restent néanmoins largement excédentaires : + 5,5 milliards d’euros pour les biens, 3 milliards pour les services selon les statistiques du commerce extérieur de 2015.
Par ailleurs, la France reste un important pourvoyeur d’investissements étrangers sur le continent : son stock d’IDE a été multiplié par sept depuis 2000. L’an dernier, les exportations françaises vers l’Afrique ont progressé de 4 %, s’est félicité Matthias Fekl, et l’on a compté quelque 40200 entreprises qui y ont exporté, un quart des exportateurs recensés en France. Une performance que le secrétaire d’Etat n’a pas manqué d’inscrire dans les retombées de la nouvelle stratégie africaine impulsée depuis 2012 par François Hollande. Signe de ce regain d’offensive commerciale : Business France, qui n’était présente en direct qu’en Afrique du sud, a ouvert pas moins de six bureaux et deux antennes en Afrique en quatre ans.
Christophe Sirugue, qui a appelé l’offre française à s’adapter aux marchés africains et à innover, saluant la labellisation récente de deux French Tech Hub à Abidjan et au Cap, a de son côté rappelé aux entreprises les efforts entrepris par la France depuis 2012 pour muscler l’arsenal des outils visant à les soutenir en Afrique : assouplissement de la politique d’assurance-crédit export, lancement par Bpifrance de crédit export de petits montant (moins de 25 millions d’euros) dont 50 % sont générés par l’Afrique, accroissement des engagements de l’AFD…
L’AFD va accélérer le rééquilibrage du financement en faveur du «non souverain»
A propos de cette dernière, Rémy Rioux, son nouveau directeur général, a clairement voulu montrer que l’Afrique, qui représente 50 % de l’activité du groupe (3,8 milliards pour l’AFD, 642 millions pour Proparco en 2015), sera une priorité du nouveau projet stratégique de l’AFD, qu’il doit dévoiler le 6 décembre prochain.
Il a précisé qu’une des orientations sera de fournir davantage de financement au secteur non étatique : « il faut accélérer le rééquilibrage du financement du souverain et du non souverain » a-t-il notamment déclaré à l’ouverture des Rencontres, précisant que le non souverain –en d’autres termes les prêts non garantis par les Etats- représentait déjà la moitié des engagements totaux de l’agence (8 milliards d’euros annuels actuellement, 12 milliards d’ici 2020).
Une autre orientation sera d’accroître la capacité d’intervention de l’agence en accompagnement des projets européens et entre la France et l’Afrique : « Nous le ferons avec l’aide de la Caisse des dépôts et consignations avec laquelle nous allons nous rapprocher d’ici la fin de l’année » a-t-il annoncé.
Des annonces qui ont plutôt réjoui l’homme d’affaire franco-béninois Lionel Zinsou, grand inspirateur de ce nouveau partenariat franco-africain et co-président de la Fondation Africa France, qui, après un intermède politique en tant que Premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle au Bénin, a fait son grand retour dans cet écosystème à l’occasion de ces Rencontres. Omniprésent, il était l’invité spécial de la conférence d’ouverture.
Pour lui, le développement actuel de l’Afrique subsaharienne est largement « sous-financé » avec d’une part une dette publique qui dépasse à peine 50 % du PIB en moyenne mais des Etat qui ne parviennent plus à financer les biens publics essentiels -type infrastructures énergétiques ou routières- faute de lever l’impôt, et d’autre par un secteur privé qui a du mal à se financer avec des taux d’intérêt très élevé – 10 /12 % dans l’UEMOA malgré l’absence d’inflation ! – et un secteur financier sous dimensionné. Dans ce contexte, « il est essentiel » de sortir des relations d’Etat à Etat et « le basculement des financements du souverain au privé est fondamental ».
Pour l’heure, le bilan concret de la Fondation AfricaFrance, pour le financement de laquelle Bercy avait versé 3 millions d’euros en 2014, est encore maigre. Mais elle « commence à être opérationnelle » a assuré Lionel Zinsou. Et pour lui, le succès des Rencontres, qui est à mettre à son actif, prouve que les nouvelles relations franco-africaines peuvent sortir de la seule sphère des relations d’Etat à Etat.
Christine Gilguy