Si la croissance de l’économie mondiale est de retour –Euler Hermes l’anticipe à + 3,1 % en 2014, et + 3,3 % en 2015-, elle reposera davantage sur une amélioration dans les pays développés (+ 2,2 % en 2014 et + 2,3 % en 2015) que dans les pays émergents plutôt moins vigoureux (+ 4,6 % en 2014 et + 4,8 % en 2015). En cela, l’assureur crédit rejoint les prévisions de nombreux économistes dans sa dernière étude sur les perspectives de l’économie mondiale.
Toutefois, les bases de cette reprise inquiètent l’assureur-crédit, notamment l’impact de politique monétaire moins accommodante aux États-Unis, le ralentissement de la Chine et un calendrier politique relativement chargé pourraient faire naître des incertitudes au sein des économies émergentes. Dans ce contexte, son chef économiste, Ludovic Subran, temporise : « Alors que la récession mondiale de 2008-2009 s’éloigne davantage dans notre rétroviseur, les banques centrales à travers le monde ont commencé à revoir leurs politiques monétaires pour s’ajuster à ce nouvel environnement de croissance », indique-t-il. « Les perspectives pour 2014 sont globalement positives et plusieurs économies passeront à la vitesse supérieure. Toutefois, de nombreux risques perdurent et menacent encore la reprise mondiale, notamment la désinflation en zone euro et les risques sur les changes dans les émergents qui continueront d’inquiéter les entreprises. »
Pour Euler Hermes, dix règles du jeu animent actuellement l’économie mondiale et déterminent, selon lui, ses évolutions :
Règle du jeu n° 1 : La transformation du modèle économique chinois sous contrôle.
La région Asie-Pacifique aborde un nouveau « cycle des 3S » (« Solid, Sustainable, but Slower »), à savoir croissance solide, durable, mais plus modérée. Alors que cette zone restera le levier économique du monde et la Chine son principal moteur de croissance, l’Asie progressera à un rythme plus lent (+ 4,7 % par an) par rapport à la décennie précédente (+ 5 %). Cette croissance sera cependant plus durable, la vigueur des échanges commerciaux intra-régionaux faisant office d’amortisseur.
Règle du jeu n° 2 : Les États-Unis poursuivront la phase de ré-industrialisation, avec ou sans politique monétaire accommodante.
Aux États-Unis, les incertitudes budgétaires se sont assouplies grâce à l’engagement continu de la Réserve Fédérale en faveur d’une politique monétaire très accommodante. Le marché de l’emploi s’est amélioré, de même que le contexte politique. La poursuite de la révolution énergétique, misant sur le gaz de schiste et le pétrole brut tirera certainement les prix à la baisse. Par suite de la conjugaison de ces dynamiques, les industries manufacturières, l’automobile et le logement doperont l’économie qui atteindrait un taux de croissance de + 3 % en 2014 et + 3,2 % en 2015, contre + 1,8 % en 2013.
Règle du jeu n° 3 : La zone euro continuera de panser ses plaies… mais la cicatrisation est déjà amorcée.
La croissance du PIB de la zone euro devrait enfin être positive en 2014, à + 0,9 %. La reprise sera plus marquée en 2015, à + 1,3 %, à condition que les pays poursuivent le cycle de réformes structurelles qui distinguera les bons des mauvais élèves. La réactivité des autorités politiques et monétaires, la mise en place de mécanismes de soutien au financement et la lutte contre les pressions déflationnistes seront également clés pour la soutenabilité de la reprise économique. Dans ce sens, un soutien sélectif et conditionnel à la liquidité par la BCE pourrait stimuler les prêts bancaires au profit de l’économie réelle.
Une reprise qui aura besoin de la poursuite du soutien des banques centrales
Règle du jeu n° 4 : Les mousquetaires monétaires et le d’Artagnan japonais.
Le soutien persistant des banques centrales aux États-Unis, dans la zone euro et au Japon sera nécessaire pour permettre à la reprise de continuer à aller de l’avant. Aux États-Unis, le ralentissement des achats d’actifs par la Fed et une forward guidante améliorée ne devraient pas menacer la reprise. De même, dans la zone euro, une forward guidance plus explicite et des injections de liquidités ciblées stimuleront la croissance. Au Japon, le programme « Abenomics », à savoir une poursuite de la politique d’assouplissement monétaire, ne donnera d’effets pérennes sur la croissance qu’en cas de mise en place de réformes structurelles.
Règle du jeu n° 5 : Quand la désinflation menace les économies avancées.
Excepté le Japon, l’inflation dans les pays avancés a significativement ralenti depuis début 2012 en raison de la faiblesse de la demande et de l’offre dans un contexte associant taux de chômage élevés, décélération des salaires, croissance atone (ou négative) du crédit, surcapacités dans l’industrie et baisse des prix des matières premières. Le rythme de croissance plus modéré en Chine et la politique monétaire moins accommodante de la Fed, renforcent les risques de baisse des prix des matières premières. Ces pressions baissières pourraient d’un côté compromettre la rentabilité des entreprises, et de l’autre côté la soutenabilité des dettes publiques, en raison de la hausse des taux d’intérêt réels.
Règle du jeu n° 6 : Pays périphériques : esquiver la crise de liquidité, miser sur la reprises des pays cœurs.
En 2014, les pays d’Amérique latine et les pays émergents d’Europe bénéficieront d’une reprise aux États-Unis et dans la zone euro respectivement à travers une demande à l’exportation en hausse. Toutefois, le risque de financement extérieur restera une source d’inquiétude majeure en Turquie, en Ukraine, en Argentine et au Venezuela.
Libre-échange vs montée des blocs
Règle du jeu n° 7 : Marchés émergents : la fragilité est une question de politique économique.
La politique est tout autant une source d’inquiétude dans les pays émergents que la liquidité, certains de ces pays n’ayant pas la capacité d’absorber des chocs externes. Les outils politiques tels qu’une intervention sur le marché de change ou des ajustements de taux d’intérêt, des politiques budgétaires ciblées seront la clé pour survivre aux tensions et éviter une crise. Ce type de réponse préventive a été une évidence au Brésil, en Indonésie et en Thaïlande l’an passé.
Règle du jeu n° 8 : Gérer les anciens et les nouveaux risques politiques.
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord resteront les régions en proie aux plus importants changements politiques et sociaux, avec de fragiles transitions politiques en cours en Égypte, Libye et Tunisie. La guerre civile en Syrie aura des effets de contagion sur ses voisins libanais et irakien. Parmi les autres sources d’inquiétudes figurent l’Asie centrale, la Corée du Nord, le Bangladesh et le Venezuela. Alors que nombre de ces risques étaient précédemment connus, l’imminence des élections au Brésil, en Inde, en Indonésie, en Afrique du Sud et en Turquie suscitent des incertitudes supplémentaires compte tenu de la nature inconstante de l’électorat.
Règle du jeu n° 9 : La montée des blocs : nouvelle forme de protectionnisme ?
L’union fait la force. L’adage gagne en popularité et les alliances commerciales se développent, prenant des formes diverses. L’approfondissement de blocs régionaux tels que l’Alliance du Pacifique en Amérique latine ou de la communauté économique de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) en Asie, ou de blocs intercontinentaux (Alliance transatlantique) seront des facteurs de changements, favorisant l’éclosion de grands pôles économiques régionaux. Parallèlement, selon un rapport de la banque mondiale en 2013, la suppression des barrières des chaines d’approvisionnements aurait un effet d’accélérateur commercial, portant des effets six fois plus efficaces que l’élimination des tarifs douaniers.
Règle du jeu n° 10 : Rééquilibrage mondial : il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs.
Alors que les marchés émergents ont contribué pour une part plus importante à la croissance du PIB mondial sur la dernière décennie que les pays développés, un rééquilibrage est en cours. Les marchés émergents devraient représenter 55 % de la croissance mondiale en 2014, contre 45 % pour les économies développées. Ces chiffres traduisent un vaste mouvement de convergence par rapport à 2008, où ces contributions à la hausse du PIB mondial s’établissaient respectivement à 98 % et 2 %. Le ralentissement économique de la Chine a joué un rôle considérable dans ce rééquilibrage et son maintien exigera de solides fondements au plan politique ainsi que des réformes structurelles appropriées (correction des déficits de balance courante, amélioration du climat des affaires).
Pour en savoir plus :
Le site Internet d’Euler Hermes : www.eulerhermes.fr