Présenté le 16 février par le vice Premier ministre et ministre du Développement Mateusz Morawiecki, le Plan d’action pour le développement responsable de la Pologne suscite bien des inquiétudes au sein de la communauté internationale.
Principal motif, la volonté clairement affichée par le gouvernement de Varsovie d’augmenter la participation des sociétés locales, alors que les principaux contributeurs à la croissance économique depuis des années sont les investisseurs étrangers. Sur fond de lutte avec l’ancien parti de centre-droit au pouvoir, la Plate-forme civique (PO) de l’actuel président du Conseil européen Donald Tusk, et de critique de la politique économique menée depuis la fin du communisme, le parti conservateur Droit et Justice (PiS) est soupçonné par les observateurs économiques de vouloir mener une politique nationaliste. Jusqu’à présent, le flou persiste sur ses véritables intentions et l’autoritarisme dont il fait preuve sur le plan politique, au point se susciter la grogne populaire et la réaction vive de l’Union européenne, ne fait que renforcer le malaise.
Des opérateurs français « pas du tout convaincus »
La seule embellie du moment est, selon certains diplomates en poste à Varsovie, que Mateusz Morawiecki, technicien respecté par l’ensemble de la sphère économique, a réussi ces dernières semaines à asseoir son autorité sur ce plan, face à d’autres ténors dont il devrait être maintenant assuré de la collaboration, en l’occurrence les ministres des Finances et du Trésor, Paweł Szałamacha et Dawid Jackiewicz. Il devrait ainsi piloter un instrument unique de financement, appelé Fonds polonais pour le développement, en fusionnant six organismes existants, comme le BGK, équivalent de la Caisse des dépôts. Reste que le montant annoncé pour l’ensemble du plan, 230 milliards d’euros, composé pour moitié de fonds européens, apparaît gigantesque, alors que le modèle économique de la Pologne, après 25 années de croissance ininterrompue, s’essouffle.
De passage à Paris le 12 mai, le sous-secrétaire d’État au ministère du Développement, Radoslaw Domagalski-Labedzki (notre photo), n’aura pas réussi à lever toutes les ambigüités. Preuve en est la réflexion d’opérateurs français « pas du tout convaincus » à l’issue de son intervention à l’hôtel de Monaco, siège de l’ambassade de Pologne. Le gouvernement veut faciliter l’accès des sociétés locales aux marchés publics.
Certes, le ministre en charge du soutien aux PME et à la promotion de l’économie a plusieurs fois répété que son pays restait « ouvert aux investisseurs étrangers ». Il a même précisé, répondant ainsi à une question dans la salle, que « les étrangers investis sur place bénéficient du même traitement et donc des mêmes avantages que n’importe quelle société locale » et qu’ils avaient toujours accès aux zones économiques spéciales qui avaient fait florès ces dernières années, offrant des exemptions d’impôts sur le revenu de sociétés, souvent à la base de clusters. Enfin, le sous-secrétaire d’État s’est félicité de la décision récente de Mercedes d’investir 500 millions d’euros dans une usine d’assemblage de moteurs à Jawor (sud-ouest). Cependant, Jaguar Land Rover, qui avait pensé aussi s’implanter en Pologne, a finalement opté pour la Slovaquie.
Exporter vers les États-Unis, l’Afrique et l’Asie
Le Plan d’action pour le développement responsable de la Pologne vise à réindustrialiser le pays, en encourageant l’innovation, un point faible que l’ancien gouvernement avait lui aussi identifié, et à internationaliser l’économie. A titre personnel, Radoslaw Domagalski-Labedzki s’est engagé à encore améliorer la bonne utilisation des fonds européens pour conduire les PME au grand large, notamment aux États-Unis, en Afrique et en Asie, et dans des salons à l’étranger, à encourager à l’internationalisation des clusters, mais aussi à cibler mieux les grands projets d’infrastructures. Plutôt que « des aquaparcs », il faut financer des autoroutes et surtout les chemins de fer, a-t-il défendu.
Le sous-secrétaire d’État s’est montré beaucoup moins précis et convaincant lorsqu’une représentante du groupe Engie l’a interrogé sur les intentions du gouvernement en matière de partenariat public-privé (PPP), notamment avec les municipalités. Le groupe Suez Environnement a déjà signé en 2013 un contrat de 850 millions d’euros pour la construction et l’exploitation d’un incinérateur de déchets devant alimenter le système de chauffage urbain de la ville de Poznan (centre-ouest). Radoslaw Domagalski-Labedzki a jugé « ce type de coopération positif » et « pour le financement des infrastructures, c’est une option ouverte », a-t-il ajouté, alors que le recours aux PPP en Pologne demeure encore relativement faible.
En matière d’énergie, s’il a défendu le droit de la Pologne à utiliser son charbon – « principale source d’énergie pour garantir la sécurité énergétique » et la croissance économique, répète à l’envi la Première ministre Beata Szydlo, fille de mineur – il a aussi encouragé à investir dans la biomasse « qui offre, selon lui, de grosses opportunités », alors que le développement de l’éolien fait toujours débat dans son pays. Toutefois, plusieurs programmes sont développés sur place par EDF.
Pour réindustrialiser le pays, Varsovie a identifié des secteurs – aviation, automobile, armement, chantiers navals, agroalimentaire, ameublement, chimie et pharmacie – et fixé un objectif à court terme en matière d’innovation : 2 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020, au lieu de 0,8 % à l’heure actuelle. Par ailleurs, comme les deux tiers des livraisons à l’étranger sont à l’heure actuelle réalisés par les entreprises étrangères, il est jugé indispensable de lancer rapidement 400 à 500 PME à l’export. Enfin, il faut parallèlement accroître les investissements polonais à l’étranger de 70 % d’ici 2020.
François Pargny