(16 septembre) La Syrie aura finalement eu raison de ce premier voyage de Laurent Fabius en Mongolie, pourtant présenté comme exemplaire en matière de diplomatie économique : après avoir obtenu l’approbation de Pékin pour le projet d’accord-cadre russo-américain sur la Syrie, le 15 septembre, le ministre français des Affaires étrangères a annulé sa visite à Oulan-Bator pour retourner à Paris retrouver l’Américain John Kerry et le Britannique William Hague.
(13 septembre) Peu peuplé (3 millions d’habitants) mais gorgé de richesse minières et agricoles, pays pacifique et démocratique, carrefour et Etat-tampon entre la Russie et la Chine : la Mongolie amorce son décollage économique après avoir misé sur le développement de ses ressources minières en 2003-2004 et elle suscite un intérêt croissant dans les milieux d’affaires français.
De fait, si elle sera quelque peu écourtée en raison des urgences diplomatiques sur la Syrie, la courte visite que doit effectuer le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius en Mongolie, les 15 et 16 septembre (il s’arrêtera plus longuement à Pékin à l’aller pour discuter de la question syrienne), veut s’inscrire pleinement dans la nouvelle diplomatie économique mise en place par le Quai d’Orsay. Côté Mongole, la volonté de rapprochement serait importante, entrant dans le cadre d’une stratégie de diversification de ses relations politiques, culturelles et économiques de la part d’un pays quelque peu étouffé entre ces deux grands voisins : la politique étrangère mongole est fondée sur le concept de « troisième voisin » et la France, avec l’Allemagne, en fait partie, se réjouit une source diplomatique.
« C’est le moment de mettre en avant l’offre française »
« C’est un déplacement important, bien anticipé, très demandé par les entreprises françaises » confirme une autre source diplomatique, qui rappelle le succès remporté par la première mission du Medef dans ce pays en septembre 2012, qui comptait des représentants d’une vingtaine d’entreprises. Les attentes mongoles ont été bien ciblées : effort de diversification économiques des autorités mongoles, volonté aussi d’investir dans des opérations de prestiges liées à la souveraineté nationale, et des projets d’investissements importants dans les infrastructures de transports, comme ce projet de construire 4 500 km de ligne ferroviaire en partie pour le transport minier. « C’est le moment de mettre en avant l’offre française ».
Côté commercial, il y a sans nul doute du potentiel, sachant que le commerce extérieur mongole reste dominé par ses deux voisins, surtout la Chine : la Mongolie n’est que le 147ème client de la France, ses exportations peinant à dépasser 40 millions d’euros (37,9 millions l’an dernier selon la base statistiques GTA-GTIS, qui compile les statistiques douanières). L’Allemagne ferait trois fois mieux.
Le programme de la visite, quoique écourté, sera marqué par deux événements concentrés sur le lundi 16 septembre. D’abord le 1er forum d’affaires franco-mongole, en présence des autorités françaises et mongoles. Y participeront les 15 représentants d’entreprises et les 22 hommes d’affaires qui font partie de la délégation de Laurent Fabius. Le chef du Service économique régional couvrant la Mongolie depuis Pékin, Jean Leviol, fera le déplacement.
Parmi les fleurons représentés à haut niveau : Areva (qui fait de la prospection de longue date et souhaiterait concrétiser), EDF, GDF Suez (qui est entré en négociation exclusive pour la 5ème centrale thermique de Oulan- Bator), les trois fleurons de l’industrie spatiale française (Arianespace, Astrium, Thales, qui s’intéresse au projet mongole de lancement de deux satellites de télécommunications), Air liquide (qui a des projets d’investissement), les bureaux d’ingénierie Systra et Egis. Seront également du voyage des sociétés du secteur santé animale avec Merial. Ce dernier secteur est porteur : alors que le cheptel mongole est important (40 millions de têtes, la France y exporte du bétail vivant. Quelque 160 vaches montbéliardes devaient être livrées par Coopex dans la semaine du 16 septembre avec l’appui de son agent la société Open Mongolia Limited (NDLR : correctif du 23 septembre).
Deuxième événement qui marque la volonté française de renforcer sa présence à long terme : le même jour, sera inauguré la première école française dans ce pays, une petite structure sur le campus de l’ambassade. « Le nombre de Français inscrits au consulat est de 145 : c’est peu mais c’est dix fois plus qu’il y a dix ans », souligne la même source diplomatique.
Après la nomination, l’an dernier, d’un deuxième secrétaire chargé des affaires économiques et commerciales – Jean Boulangé- dans une ambassade qui ne comptait que deux diplomates jusque là -plus une implantation de l’Alliance française-, l’effort est notable alors que le quai d’Orsay doit par ailleurs réduire la voilure du réseau diplomatique dans le monde pour des raisons budgétaires.
Le souhait, côté français, est que cette visite officielle de la part du numéro 2 du gouvernement français ne soit pas un « one shot », mais qu’elle amorce une dynamique. « C’est la première visite d’un officiel français de si haut niveau au plan gouvernemental », souligne une source diplomatique, qui rappelle que le dernier membre du gouvernement à s’y être rendu est Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. D’ores et déjà le président français François Hollande a invité son homologue mongole, Tsakhia Elbegdorj, à Paris : cela pourrait se faire dès janvier 2014.
Christine Gilguy