A l’issue du 5e forum Afrique Développement, les 16 et 17 mars à Casablanca, le président d’Attijariwafa Bank, Mohamed El Kettani, ne cachait pas sa satisfaction. « Quelque 2 000 opérateurs au total de 30 pays ont tenu plus de 4 000 rendez-vous d’affaires », principalement dans « la construction de bâtiments et le développement urbain, l’agriculture, l’énergie, les industries alimentaires, les services financiers, le commerce de gros et le négoce ».
Tous les types de coopération étaient, par ailleurs, au menu de cette grand-messe de la coopération entre le Maroc et l’Afrique, de l’import-export à la joint-venture, l’important étant « de faire du gagnant-gagnant entre Marocains et autres Africains », expliquait au Moci Mohammed Bouhtati, directeur général adjoint Stratégie et développement d’Involys, concepteur de solutions logicielles particulièrement bien introduit auprès de l’Administration gabonaise.
« Nous avons à Libreville une société avec la moitié de personnel local, qui fait une partie du suivi. Nous faisons ainsi du transfert de technologie et sommes là pour apporter un soutien supplémentaire en fonction de la nécessité », exposait le sympathique dirigeant d’Involys, qui s’apprête à dupliquer ce modèle gagnant-gagnant avec des partenaires locaux dans d’autres pays du continent.
Créer des synergies entre opérateurs d’Afrique de l’Ouest et de l’Est
Le forum de Casablanca – la capitale économique du Royaume où est installée Involys – a aussi été l’occasion pour six pays – Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Sénégal, Congo, Madagascar, Rwanda, Tunisie – de présenter, dans l’espace « Le marché de l’investissement », leurs projets et programmes d’investissement. Toutes étaient donc des nations francophones, à l’exception du Rwanda, petite nation de l’Est très bien notée par les institutions internationales pour son dynamisme et son environnement des affaires.
Mohamed El Kettani a annoncé que l’année prochaine, la manifestation créée par sa banque en 2010 aura trois thèmes majeurs, dont les synergies de développement entre opérateurs d’Afrique de l’Ouest et de l’Est, les deux autres devant être la jeunesse et les femmes. A cet égard, le président de la banque, filiale de la Société nationale d’investissement (SNI), a annoncé cette année le lancement du programme « Stand up for african women entrepreneurs ».
Rapporteuse de la plénière sur « le rôle des agents économiques dans la valeur partagée », Winifred Ngangure Kabega, directrice de la Promotion de l’investissement et la facilitation au Rwanda Development Board (RDB), a relevé quatre axes majeurs, en premier lieu, que la valeur partagée irrigue toute l’économie et toutes les couches de la société, ensuite, que l’investissement public soit porté, en priorité, sur les infrastructures et les grands projets, ainsi que sur l’environnement des affaires. C’est ainsi que le Rwanda s’est doté d’un véritable guichet unique au service des investisseurs. Il faut enfin développer les partenariats public-privé (PPP). Pour créer de l’emploi, les entreprises doivent apporter des solutions financières et transférer de la technologie et du savoir-faire.
Surmonter le handicap du financement
Au-delà du monde des affaires, l’ensemble de la population doit pouvoir accèdera au financement. Or, faisait observer Lionel Zinsou, patron de la société gestionnaire de fonds d’investissement PAI Partners, « l’Afrique n’est toujours pas financée », même s’il y a « des progrès ». Et de citer la filiale spécialisée d’Attijariwafa Bank, Wafa Cash, qui « délivre des sommes modestes à des personnes qui n’ont pas une vraie bancarisation avec l’aide du digital ». Pour l’ancien Premier ministre béninois, c’est « très important, car l’économie informelle domine en Afrique ».
C’est aussi essentiel dans l’agriculture. L’existence d’un Crédit Agricole au Maroc est un cas isolé. Or, « l’agriculture est intensive en capital », indiquait Lionel Zinsou. Alors que l’agriculture compte pour 25 % du produit intérieur brut (PIB) du continent et 50 % de sa population active, elle ne représente jusqu’à présent que 8 % dans le bilan de la Banque africaine du développement (Bad), qui, selon lui, « se réoriente aujourd’hui ». Il faut encore des fonds d’investissement pour les femmes.
De façon générale, « la croissance économique doit être inclusive », a souligné Lionel Zinsou, en présence de Roch Marc Christian Kaboré, président du Burkina Faso, pays invité d’honneur du 5e forum. Mais elle ne l’est pas, parce que si cette croissance « crée des classes moyennes et des consommateurs », si « ce dynamisme » s’autoalimente, il « nourrit aussi les inégalités » aux dépens des plus pauvres et des jeunes qui doivent entrer sur le marché du travail.
La croissance n’est pas assez inclusive aussi parce qu’il faut beaucoup de capital pour développer l’énergie et l’eau, deux secteurs qui génèrent relativement peu d’emploi, et l’agriculture. Dans ce domaine, la modernisation détruit de l’emploi. D’où l’importance du microcrédit pour les petits projets et les femmes. C’est ainsi qu’un prix spécial a été remis, dans le cadre de la cérémonie des Trophées de la coopération Sud-Sud, à Coris Bank, un établissement présent dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Fondé à Ouagadougou, le numéro un au Burkina Faso a adopté comme slogan « faire de la banque autrement », a pointé son président Idrissa Nassa.
Organisée à l’initiative de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), la remise des Trophées de la coopération Sud-Sud a récompensé trois entreprises : une tunisienne, Lilas (articles d’hygiène féminine), une marocaine, HPS (édition des solutions de paiement électronique dédiées aux institutions financières), et une ivoirienne, Sania (agro-industrie, huile végétale).
De notre envoyé spécial à Casablanca
François Pargny