« Le marché libyen n’est pas
à prendre, il est à gagner ». A ceux qui penseraient encore aujourd’hui
que la Libye privilégiera la France, parce que Paris a soutenu la rébellion au
régime du colonel Kadhafi, Jacques Torregrossa, directeur Ubifrance pour la
Tunisie et la Libye, apporte un démenti catégorique. « La concurrence sera
rude », a-t-il asséné, le 23 janvier, lors d’un séminaire organisé par
Ubifrance sur « la
nouvelle Libye ».
« Par rapport à certaines
nations, nous avons un coup d’avance, car la France a déjà mené de multiples
actions depuis la fin de la guerre, mais certains pays ont aussi installé comme
nous des ambassades avec des conseillers commerciaux, comme le Royaume-Uni,
l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie ou la Turquie », prévient Igor Chlapak,
qui vient d’ouvrir le bureau d’Ubifrance à Tripoli. Aujourd’hui, il est
important que les entreprises françaises viennent préparer l’avenir,
prospecter, « mais, attention, prévient Igor Chlapak, il ne faut pas venir
pour deux jours ». Pour « prendre la température, selon lui, il faut
se déplacer quatre, cinq, voire six jours, et se faire accompagner pour
rencontrer l’ensemble des interlocuteurs, ce qui évite les aller-retour ».
Les Italiens, remarque le responsable
du bureau de Tripoli, « voyagent sans billet de retour dans leur pays et
obtiennent de bons résultats, notamment les PME ». Pour sa part, en
septembre dernier, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est rendu en Libye, à
la tête d’une délégation de 200 entreprises. Les ressortissants de la Turquie,
comme de la Tunisie, n’ont pas besoin de visas pour entrer en Libye.
La France, seulement 6ème pays fournisseur
Président de la Fédération
tunisienne des entreprises de BTP, Chokri Driss, lors du séminaire d’Ubifrance,
a lancé un vibrant plaidoyer pour « un partenariat tripartite
Tunisie-France avec des Libyens actifs » pour opérer dans la rénovation,
la maintenance et la construction de logements. Selon lui, « face à la
concurrence très forte de Turquie et d’Asie, les Tunisiens peuvent essentiellement
apporter des ressources humaines. Les ouvriers du secteur, qui étaient jusqu’à
présent surtout des Africains du sud du Sahara, ont été chassés par la guerre
et les entreprises tunisiennes sont bien implantées ». Elles seraient
ainsi au nombre 30 dans le BTP, avec un carnet de commandes sur l’ensemble du
pays d’environ 1,5 milliards d’euros, dont 45 % déjà réalisés.
Présidant la Chambre de commerce
franco-libyenne (CCFL), Michel Casals s’est déclaré intéressé par l’offre de
Chokri Driss, tout en soulignant que la priorité était que les entreprises
françaises « travaillent en direct en Libye ». Près de 1 130
sociétés de l’Hexagone exportent dans ce pays du Maghreb, dont 650 PME, mais
elles ne sont que 42 à y être implantées (à comparer avec 1 300 en
Tunisie) et le groupe Total a lui-seul alimente la quasi-totalité du stock
d’investissements tricolores : 1,1 milliard d’euros sur un total de 1,3
milliard.
Parmi les pays fournisseurs de la
Libye, la France ambitionne de « se rapprocher du podium », alors
qu’elle occupe aujourd’hui le sixième rang, avec une part de marché de 6 %,
derrière l’Italie (19 %), la Chine (11 %), la Turquie (9 %), l’Allemagne (8 %)
et la Corée du Sud (7 %). En 2010, les exportations françaises ont frisé la
barre du milliard d’euros.
Pétrole : retour à la production d’avant-guerre à l’été 2012
« Le gouvernement se
considérant comme intérimaire ne voulait pas jusqu’ici s’engager. Mais
finalement, des budgets vont être votés à la mi-février au plus tard et des
contrats devraient ainsi être possibles, sans doute pour des montants pas très importants »,
révèle Antoine Sivan, l’ambassadeur de France à Tripoli. Il s’agirait plutôt de
« contrats pour traiter les urgences comme la santé », précise Christophe
Luprich, chargé de l’Algérie et la Libye à la direction générale du Trésor,
selon lequel, « pour les grands contrats, il faudra attendre le second
semestre », après l’élection en juin des 200 membres de l’Assemblée
nationale constituante.
Les avoirs libyens dans le monde,
estimés à 110 milliards de dollars, sont dégelés depuis décembre dernier.
Toutefois, les autorités de Tripoli ont décidé de les conserver comme réserves
financières. « L’argent frais pour les budgets proviendrait donc plutôt
des hydrocarbures ». La hausse de la production pétrolière serait plus
forte que ce qui était prévu. A l’heure actuelle, de l’ordre de 1 million de
baril par jour (b/j), elle atteindrait 1,6 million b/j pendant l’été 2012,
selon le gouvernement, c’est-à-dire le niveau d’avant-guerre.
« Dans les années 70,
rappelle Jacques Torregrossa, la production d’or noir a atteint un record de 3
millions de barils par jour ». Elle a chuté, car les équipements n’ont pas
été renouvelés et les raffineries n’ont pas été modernisées. Il en est, de
même, des unités de production de gaz liquéfié. Aujourd’hui, « les Libyens
ont pris conscience de la nécessité de développer l’entretien et la
maintenance », déclarait ainsi Jean-Jacques Royant, directeur
Moyen-Orient-Afrique du Nord et de l’Est du Groupement des entreprises
parapétrolières et paragazières-Association des techniciens et professionnels
du pétrole (GEP-AFTP), à l’occasion de l’enquête du MOCI « Libye. Mode
d’emploi pour l’après-Kadhafi ».
Mission du Medef du 11 au 15 février
Pour Antoine Sivan, « la
mission prévue par le Medef du 11 au 15 février tombe à pic ». Elle sera
organisée avec l’appui notamment de la CCFL et d’Ubifrance, qui a prévu, par
ailleurs, toute une série d’opérations d’accompagnement des sociétés tricolores
en Libye dans les hydrocarbures, l’agroalimentaire, les télécommunications,
l’eau ou encore le secteur aéroportuaire. En particulier, la société Bureau des
Opérations Internationales (BOI), qui organise le salon Agrolibya, épaulera
Ubifrance, qui prépare un Pavillon France de 50 sociétés à la Foire
internationale de Tripoli (FIT).
« La participation de la
France à la FIT est une bonne nouvelle », juge Fabrice Raoul, directeur
commercial du spécialiste du prêt-à-porter féminin Didier Parakian. D’abord,
parce qu’il y a « un véritable échange d’informations entre exposants, ce
qui n’est pas toujours le cas », selon le dirigeant de cette société
présente dans de nombreux salons dans le monde.
Ensuite, « les
professionnels libyens viennent » et « comme ils sont rationnels – et
grands négociateurs – c’est l’occasion d’établir des relations à long
terme », assure encore le dirigeant de Didier Parakian. Fabrice Raoul
estime que dans son secteur tous les compétiteurs, français, italiens, turcs ou
libanais « opèrent aujourd’hui dans le flou ». Les positions n’étant
plus figées, il a bien l’intention « de retourner rapidement en
Libye ». D’autant, affirme-t-il qu’avant la guerre, « le marché était
couvert avec des produits bas de gamme vendus à des prix élevés ». A ce
niveau de prix, est-il persuadé, « il est possible de percer avec une
offre qualitative ».
François Pargny
Pour en savoir plus :
Consulter
Le Guide business Libye 2012 (en ligne)
- La fiche pays du MOCI sur la Libye
- Le GPS Business du MOCI sur la Libye, en tapant
« Libye » dans l’onglet « Où », qui présente des
actualités et des dossiers d’informations, des textes règlementaires et
des noms d’experts membres du MOCI Club. - MOCI Pratique, en cliquant dans l’onglet
« banc d’essai des salons », puis en tapant « Libye »
dans le filtre « pays », accédez aux articles du MOCI sur la
Foire internationale de Tripoli (FIT), Libya Build et Agrolibya - Les deux fichiers joints
- – programme Ubifrance
- – contacts et sites utiles