La Pologne, seule économie européenne à ne pas avoir connu de récession après la crise financière de 2008, repousse régulièrement son entrée dans la zone euro. Une démarche qui la protège à court terme, mais qui pourrait l’handicaper à plus longue échéance.
Premier partenaire commercial de la France en Europe centrale, la Pologne affiche une bonne santé économique frisant l’insolence, en comparaison avec la situation dans laquelle se trouvent les 26 autres membres de l’Union européenne (UE). Son PIB a augmenté de 2 % en 2009, de 4,3 % en 2011 et devrait baisser en 2012, du fait du ralentissement économique de la zone euro.
« Un des facteurs qui nous a permis d’absorber le choc de la crise est l’accroissement de l’investissement public qui est passé de 3 % à 7 % du PIB », a expliqué Marek Belka, gouverneur de la Banque centrale polonaise et ancien Premier ministre (social-démocrate) du pays, lors d’une conférence organisée le 1er mars par l’Institut français de recherches internationales (IFRI). Ce qui ne fut pas sans conséquence sur les comptes publics. La dette publique, limitée à 60 % par la Constitution, a atteint, selon l’OCDE, 55 % du PIB en 2010, 56,8 % en 2010 et devrait encore augmenter, à 57,1 %, en 2012.
Autre « pare-choc » contre la crise : le zloty et son taux de change flottant. « La zloty a perdu 15 % par rapport à l’euro en quelques mois, ce qui a permis aux exportateurs polonais de continuer à vendre à l’étranger dans un contexte de ralentissement de la demande européenne », estime Marek Belka. De fait, les exportations polonaises, après avoir dégringolé de 6 % en 2009, ont bondi de 10,1 % en 2010 et de 8,5 % en 2011, selon l’OCDE. Leur croissance devrait cependant ralentir pour atteindre 4,4 % cette année.
Mais si une devise faible favorise mécaniquement les exportations et soutient la croissance à court terme, cette situation est difficilement tenable à longue échéance. Le passage à l’euro, initialement prévu en 2009, a été maintes fois reporté et ne devrait pas se concrétiser avant 2016. « Quand l’orage sera passé, d’ici à 5 ans, il sera très difficile pour la Pologne de rester en dehors de la zone euro, mais il sera également difficile d’y rentrer. Comment se conduire ? Pour l’instant nous observons la situation de très près », répond Marek Belka.
Signe de l’intérêt que porte la première économie d’Europe centrale à la devise européenne, la Pologne a créé la polémique fin janvier en exigeant de participer aux sommets de la zone euro et en convaincant la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie d’en faire autant. Un accord a finalement été passé avec Paris et ces pays pourront assister à certains sommets. Ce compromis franco-polonais a permis au traité budgétaire d’être signé le 2 mars par 25 pays membres de l’UE (les 27 moins la République tchèque et le Royaume-Uni).
Sophie Creusillet
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