Rob Davies, le ministre du Commerce de l’Afrique du Sud, y croit dur comme fer : « Il n’y a plus de monopole sur l’Afrique, nous avons désormais le choix. Le Brésil arrive à négocier avec la Chine et je ne vois pas pourquoi nous n’y arriverions pas ».
Une antienne qui a résonné dans toutes les conférences du WEF. « Nous avons besoin de tirer davantage bénéfices de nos relations avec la Chine », a ainsi martelé Jakob Zuma, le président sud-africain. Avec 129 milliards de dollars d’échanges commerciaux, le géant asiatique est devenu en 2010 le premier partenaire commercial de l’Afrique, selon un rapport publié le 6 mai par Renaissance Capital. C’est dix fois plus qu’en 2000. Et ces échanges devraient atteindre 400 milliards de dollars par an dès 2015. Ses principaux partenaires sont l’Afrique du Sud, le Nigeria, la Zambie, l’Algérie et le Soudan. En 2009, la Chine a réalisé 9,3 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE).
La Chine a besoin de l’Afrique. Elle lui achète le pétrole et les minerais dont elle ne dispose pas. L’or noir, principalement fourni par l’Angola, le Soudan et, jusqu’à récemment, la Libye, représente 60 % du total des exportations africaines vers l’empire du Milieu. Ce dernier est également très actif dans le secteur minier depuis quelques années. En 2006, le consortium formé par CMEC (China national Machinery and Equipement import and export Corporation) a raflé au brésilien Vale et à la Comilog (filiale du français Eramet) l’exploitation des mines de fer de Belinga, au Gabon. En Zambie, un autre groupe chinois, CNMC a emporté, moyennant 450 millions de dollars, les droits d’exploitation des mines de cuivre de Luanshya, à la barbe du britannique Enya.
La Chine a fourni à l’Afrique des infrastructures bon marché, financées avec des prêts à des taux défiant toute concurrence. Elle y a construit des routes, des ports, des voies ferrées… Toutes choses utiles pour qui veut faire du commerce. Et les produits de consommation chinois à bas coup (18 % du total des importations chinoises en Afrique) ont inondé les marchés africains, provoquant le mécontentement des producteurs locaux s’estimant injustement concurrencés. Car la présence chinoise agace. Concurrence déloyale, importation d’une main-d’œuvre chinoise, dénigrement de l’aspect social… Les griefs sont nombreux.
Pourtant la donne change. Selon un homme d’affaires français installé à Pékin et venu au WEF pour « tâter le terrain », « les Chinois n’ont pas l’habitude de travailler à l’étranger, mais ils sont en train de prendre conscience de leur mauvaise réputation et songent à venir en Afrique avec des entreprises européennes, qui connaissent beaucoup mieux les marchés africains ». Le discours chinois change aussi. Les officiels présents sur le forum ont évoqué à maintes reprises des « partenariats commerciaux plus équitables ». Au Nigeria, on attend beaucoup d’un projet chinois de parc industriel dédié au textile.
Le passage au made in Africa by China n’est pas pour tout de suite. Mais les protagonistes semblent prêts à franchir le pas.
Sophie Creusillet
Les pays émergents investissent
En matière d’IDE, l’Afrique est redevenue une destination de choix. Selon une étude publiée en mai par Ernst & Young, l’Afrique est passée de 338 nouveaux projets en 2003 à 633 en 2010, soit une augmentation de 87 % en 7 ans. À partir de 2012, le flux d’IDE devrait atteindre 150 milliards de dollars par an. La croissance africaine et une nette amélioration de l’environnement politique rassurent. Les pays émergents, rompus à des marchés difficiles, se sont précipités en Afrique. Chine en tête, ils représentent désormais 38 % du total des investissements réalisés sur le continent, contre 30 % en 2003. Les IDE issus de ces pays sont passés de 100 nouveaux projets en 2003 à 240 en 2010.
Ernst & Young constate également une nette augmentation des investissements des pays africains sur leur propre continent (+ 21 % entre 2003 et 2010), mais avec toutefois un montant qui reste inférieur à celui des autres émergents. À ce rythme, la Chine, la Russie, le Brésil, l’Inde et les pays africains eux-mêmes pourraient dépasser dès 2023 les pays développés en termes de nombre de nouveaux projets d’IDE réalisés chaque année.
S. C.