Après le trou de 2015 et 2016, le Kazakhstan devrait retrouver des couleurs dès cette année, d’après l’assureur crédit-export belge Credendo, qui vient de publier son dernier panorama sur ce pays d’Asie centrale à revenu intermédiaire supérieur (11 390 dollars par habitant). « La croissance du produit intérieur brut avait ralenti à 1,2 % en 2015 et 1,1 % en 2016. Cette année, la hausse réelle du PIB est attendue à 2,5 %, parce que la production de pétrole augmente grâce au développement positif du gisement de Kashagan », explique-t-on à Bruxelles.
Si Credendo estime encore que, dans les années futures, l’exploitation de l’or noir va continuer à booster l’économie, qui devrait encore dépasser la barre des 3 % en 2018, la compagnie belge s’inquiète de la forte dépendance vis-à-vis des hydrocarbures et du commerce avec la Chine. Autre souci, selon elle, la faiblesse du secteur bancaire, qui risque de peser sur les finances publiques.
Risque commercial au maximum
Enfin, son analyste pays, Pascaline della Faille, s’interroge sur la capacité du Kazakhstan à mener le grand programme de réformes visant à améliorer l’efficacité de l’Administration et l’application des lois, à diversifier l’économie et améliorer la gouvernance, ainsi qu’un programme ambitieux de privatisation.
« Or, on en parle depuis un à deux ans et on ne voit toujours rien venir, observe avec scepticisme Pascaline della Faille, qui note, en revanche, que l’État « investit dans les infrastructures et l’environnement des affaires ». Elle pointe ainsi le fait que le Kazakhstan a amélioré sa place (de la 51e à la 35e entre 2016 et 2017) dans le classement Doing Business de la Banque mondiale pour la facilité à faire des affaires, tout en mettant en garde contre un environnement qui reste difficile.
« La transition d’une économie fortement centralisée vers une économie de marché est en cours », mais, par exemple, la corruption demeure très élevée, note-t-on chez Credendo, avec un indice de perception équivalent à celui de la Russie et de l’Ukraine, selon Transparency International, qui a classé le Kazakhstan au 131e rang en 2016.
« Du coup, nous maintenons notre évaluation du risque commercial au plus haut niveau, C sur une échelle allant de A (le moins risqué) à C, car, si l’environnement est difficile, les performances économiques restent également relativement basses en valeur absolue, surtout par rapport au passé (7 % en moyenne entre 2000 et 2014), les conditions de prêts sont très limitées, avec des coûts bancaires importants, et la monnaie demeure faible », explique au Moci l’analyste de Credendo.
Risque politique modéré à court terme, élevé à moyen-long terme
Fort heureusement, les liquidités du pays sont bonnes, ce qui explique que le risque politique à court terme, comme en Russie, soit considéré comme modéré. La tendance est même à l’amélioration et le Kazakhstan hérite ainsi d’une évaluation en 3, sur une échelle allant de 1 pour le meilleur risque à 7 pour le plus élevé. « Les réserves en devises dépassent trois mois d’importations », précise Pascaline della Faille.
Le Kazakhstan a subi une chute drastique de ses importations l’an dernier, surtout des biens de consommation durable et d’investissement : au total, – 19,93 % à 14 milliards d’euros, d’après la base de données GTA (groupe IHS), et notamment avec ses cinq premiers fournisseurs internationaux, la Chine (- 27,44 % à 3,3 milliards), l’Allemagne ( 27,25 % à 1,3 milliard), les États-Unis (- 9,61 % à 1,1 milliard), l’Italie (- 28,91 % à 754 millions) et la France (- 1,8 % à 596 millions). Depuis le début de l’année, on assiste à un rebond des achats à l’étranger : au total, entre janvier et mai 2017, + 10,5 % par rapport à la période correspondante de 2016, grâce à des importations en forte hausse en Chine, + 37 % (machines, produits mécaniques et électriques, ouvrages en fonte, fer ou acier, matières plastiques…), et aux États-Unis, + 24,95 % (machines, produits mécaniques et électriques, optique, automobile…).
Sur le moyen-long terme, Credendo est beaucoup plus prudent, avec une évaluation du risque élevée en 6, liée au niveau important de l’endettement extérieur, la pression exercée sur les soldes des comptes courants et budgétaires et la forte dépendance à l’égard des ressources naturelles. L’experte de l’assureur-crédit export belge a également consacré un paragraphe de son analyse sur le Kazakhstan à « l’incertitude au sujet de la succession du président dans un contexte de montée du mécontentement social ».
Transition politique et risque d’instabilité
Au pouvoir depuis l’indépendance nationale en 1991, Nursultan Nazarbayev a encouragé le Parlement à voter le transfert d’une partie des prérogatives du chef de l’État. Résultat : le président se concentre maintenant sur la politique étrangère et la sécurité nationale, le gouvernement sur les programmes sociaux et économiques pendant que le Parlement joue un rôle accru lors de la formation et la surveillance du cabinet.
A Astana (notre photo), cette réforme était jugée indispensable pour préparer la succession d’un président de 77 ans. Pour autant, les observateurs s’interrogent : les premiers signes de mécontentement de la population sont apparus au fil de la détérioration de l’économie. La situation sociale pourrait faire le jeu de l’islamisme, un phénomène croissant dans toute la région. Aussi, une période d’instabilité politique, pour la première fois, ne peut être exclue. Tout comme, dans ce cas, un durcissement du régime qui, sous le prétexte de lutter contre l’islamisme, en profiterait pour imposer un contrôle de la société civile.
François Pargny