Exemple typique du choc que subissent depuis le début de l’année les économies des pays producteurs de pétrole avec la chute drastique des cours mondiaux de l’or noir, la Kazakhstan a du se résoudre, aujourd’hui 20 août, à abandonner une politique de change administrée (avec une bande de fluctuation) pour laisser flotter sa monnaie, le tengue (KZT) : celle-ci a d’ailleurs perdu 23 % de sa valeur immédiatement, selon les informations d’agences de presse reprises par les sites d’informations en ligne. En un an, et après une première dévaluation de 20 % intervenue brutalement en février 2014 pour faire face à la dévaluation du rouble et au regain de compétitivité des produits russes, la monnaie kazakhstanaise est passée de 180 à 188 KZT pour un USD.
Ce changement drastique de la politique de change, au lendemain d’une précédente dépréciation de 5 % de la monnaie kazakhstanaise, vise à contenir l’inflation. Elle intervient quelques jours après que les cours mondiaux de l’or noir ont atteint un nouveau plus bas -42,5 USD le baril de WTI (West Texas Intermediate), le brut de référence aux Etats-Unis – le 17 août. Or, le pétrole représente près d’un tiers du PIB et 60 % des exportations du pays, et les revenus pétroliers pèsent pour plus de la moitié du budget d’Astana : on imagine la violence du choc financier que subit le pays depuis un peu plus d’un an, alors que les prix du pétrole ont chuté de près de 61 % en 13 mois. Selon les analystes, le pays paye également le contre-coup du ralentissement des économies chinoise (son premier partenaire commercial) et russe (sont deuxième partenaire commercial), non encore compensé par la demande en provenance des pays de la zone euro.
Le Kazakhstan, pays émergent et de grands projets ayant connu un taux de croissance de 5 à 6 % par an ces dernières années avant qu’un net ralentissement ne se fasse sentir l’an dernier (4,6 % de croissance l’an dernier, sans doute au même niveau cette année selon Coface), était jusqu’à présent perçu comme un nouvel eldorado en Asie centrale en matière de commerce et d’investissement, tant le pays s’était lancé dans une course effrénée au rattrapage économique et social sous l’impulsion de son ambitieux et autoritaire président, Noursoultan Nazarbaïev, au pouvoir depuis l’indépendance de cet ancienne République soviétique il y a 25 ans. Globalement, en 2014, la France était déjà à la fois le 3e investisseur étranger (1,3 milliard de dollars) et le 5e fournisseur (666 millions d’euros d’exportations) du pays avec 4 % de part de marché dans des importations kazakhstanaises certes en voie de ralentissement (-1,5 % l’an dernier, à 20,3 milliards d’Euros) mais en expansion sur le moyen terme.
Ce nouveau contexte économique et financier devrait entraîner un sérieux coup de frein à l’essor de la consommation, principal moteur de sa croissance, et à ses projets. Il devrait aussi plomber une économie et un système bancaire encore fragile. Noursoultan Nazarbaïev aurait d’ailleurs préparé le terrain en expliquant dès le 19 août que son programme économique devait être adapté pour supporter un cour du baril à 30-40 dollars. « Au cours des dix dernières années, nous avons beaucoup construit, embauché et augmenté les salaires, aurait déclaré le dirigeant au pouvoir depuis l’indépendance dans cette ancienne République soviétique il y a 25 ans devant des membres du gouvernement. Mais nous manquons désormais de moyens et les nouveaux projets seront limités ». « Il est nécessaire de mettre en place un moratoire sur plusieurs initiatives jusqu’à 2018 », aurait-il ajouté.
Si les grands projets d’infrastructures liés à Expo Astana 2017, la prochaine Exposition universelle dont le thème sera les énergies du futur, devraient être maintenus, il faut s’attendre au gel de nombreux autres programmes d’investissement et de dépenses publics. Une occasion de faire un point approfondi sur les nouvelles conditions de ce marché jusqu’à présent porteur devrait être fournie en novembre prochain, lors des prochaines Rencontres d’affaires multisectorielles organisées par Business France, à Astana du 17 au19 novembre. La France poussait ses avantages dans différents domaines, dont la ville durable et les transports terrestres, mais aussi la santé et, plus généralement, les biens de consommation*.
Christine Gilguy
*Lire : Kazakhstan : ville durable, santé, eau s’annoncent porteurs pour les exportateurs français