A quelques jours d’une mission d’entreprises de Medef International, à Astana, les 25 et 26 avril, Business France organisait, le 18 avril à Paris, ses traditionnelles Rencontres Kazakhstan, cinquièmes du nom, en présence des deux ambassadeurs, le Kazakhstanais Nourlan Danevov et le Français Francis Étienne (notre photo), d’un membre du Conseil de direction de la nouvelle agence Kazakh Invest, le Français François Bernard, et du coprésident du Conseil des affaires franco-kazakhstanais de Medef International, Yves-Louis Darricarrère.
Des interventions et des dialogues qui se sont engagés autour de cet État d’hydrocarbures (60 % de ses exportations, 20 % de son produit intérieur brut) mal connu dans l’Hexagone, trois idées peuvent être retenues :
– d’abord, une nation bureaucratique, mais aussi une volonté réelle de réformer ;
– ensuite, une relation politique et économique proche avec le puissant voisin russe ;
– enfin, un territoire très entendu (cinq fois la France), qui ne se limite pas à la capitale actuelle, Astana, ou celle qui a précédé avant le 10 décembre 1997, Almaty.
Les obstacles relevés par les hommes d’affaires françaises
Héritage de l’empire soviétique, la bureaucratie recule si l’on en croit la position enviable de la nation d’Asie centrale dans le dernier classement pour la facilité des affaires de la Banque mondiale : l’institution internationale l’a placée dans son rapport Doing Business au « 35e rang, quatre après la France, sur un total de 179 pays étudiés », a rappelé Nourlan Danenov. Ce pays, a renchéri son homologue français au Kazakhstan, « vient d’adhérer à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), est aussi, depuis l’an dernier, membre du Conseil de sécurité de l’Onu pour deux ans et un million de dollars a été investi dans un programme d’accompagnement par l’OCDE ».
De façon concrète, le 1er juin prochain, l’Organisation de coopération et de développement économiques rendra public un programme de réforme, portant sur l’investissement, et donc son cadre, ses orientations futures, mais aussi la protection des investisseurs, le droit du gouvernement de réglementer, la promotion et la facilitation des investissements, la politique des PME, le développement des infrastructures, la politique commerciale et les efforts de lutte contre la corruption.
Car, dans les faits, les opérateurs économiques, même s’ils notent des évolutions positives demeurent insatisfaits, à l’instar d’Yves-Louis Darricarrère, qui, le 18 avril, dénonçait « les impayés, les atermoiements, l’absence de vision à moyen terme de certaines administrations, la politique des visas d’affaires et des permis de travail, même s’il y a du mieux et une marge de manœuvre au cas par cas ». Il pointait également : « l’incertitude fiscale, les nombreux contentieux ou encore le problème de la propriété industrielle ».
Par ailleurs, selon le président du Comité Kazakhstan des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), Gérard Fries, « on nous dit qu’il faut respecter la loi, toute la loi, rien que la loi. Mais le système est fait de façon que vous ne pouvez pas respecter la loi. Donc, vous agissez toujours en violation des règles ». Et, « comme il est impossible de respecter la loi, il faut aussi trouver les coupables et les punir », a-t-il déploré.
Leroy-Merlin aborde le marché à partir de Russie
S’agissant des liens du Kazakhstan avec la Russie, non seulement les deux pays sont limitrophes, mais ils composent aussi avec la Biélorussie, l’Arménie et le Kirghizstan un marché intégré de 180 millions d’habitants, l’Union économique eurasiatique, zone d’influence politique russe, mais aussi espace économique commun fondé sur les principes de liberté des capitaux, des personnes et du commerce. En 2015, la récession en Russie a frappé de plein fouet le commerce extérieur du Kazakhstan qui a chuté de 37 % avec son voisin.
Leroy-Merlin a, pour sa part, décidé d’attaquer le Kazakhstan depuis la Russie, où la chaîne de bricolage est implantée depuis quinze ans. Leader du marché, le spécialiste français vient d’y créer son 61e magasin. Elle a choisi d’aborder « le Kazakhstan de Novossibirsk, près de Moscou, pour plusieurs raisons, a expliqué David Glasson, directeur du Développement de Leroy Merlin pour la Communauté des États indépendants (CEI). D’abord, parce qu’on va pouvoir travailler, investir en roubles, la monnaie russe et celle de son voisin, le tengué, ayant toujours plus ou moins le même cours. Ensuite, les deux pays sont proches géographiquement, la distance entre Moscou et Astana étant de 2 280 kilomètres et avec Almaty de 3 160 kilomètres ».
« Le gros challenge va être la mise en place de la supply chain, a précisé, de son côté, Marc Loucheux, directeur général de Leroy Merlin Kazakhstan. D’autant que tous les produits qui seront transférés de Russie sont soumis à des taxes différentes et qu’il va falloir calculer produit par produit ce que çà va coûter ». Selon lui, « importer de Chine où le groupe est aussi implanté aurait été plus facile, mais Leroy Merlin n’y dispose que de 20 % de sa gamme ». Or, l’objectif au Kazakhstan est d’y introduire 30 000 références et d’ouvrir 20-25 magasins à l’horizon 2030-2035. Et pas seulement à Astana (870 000 habitants), qui va accueillir l’exposition internationale Astana Expo 2017 (10 juin-10 septembre), et Almaty (1,7 million d’habitants).
Des villes de province qui se développent
Autres opportunités : les villes secondaires, qui elles aussi se développent. D’après la base de données Statista, Chimkent au sud comptait 890 000 habitants en 2016, Karaganda, au sud-est d’Astana, 500 000 habitants, Aqtobe, au nord-ouest non loin de la frontière russe, 400 000 habitants, et toute une autre série de villes, Taraz, Pavlodar ou Oskemen, plus de 300 000 habitants. « Ce sont des cités qui se développent et qu’il convient de regarder de près », estimait Francis Étienne chez Business France.
Ce serait aujourd’hui tout le pays qu’il faut donc considérer. Après un trou d’air l’an dernier, l’économie va repartir et dès cette année le produit intérieur brut (PIB) per capita du Kazakhstan devrait bondir de 1 000 dollars pour atteindre 8 100 dollars. En 2020, selon Statista, ce chiffre devrait s’élever à 10 350 dollars.
François Pargny