L’Union européenne (UE) risque d’être la principale victime sur le plan économique de la décision de Donald Trump de retirer son pays de l’accord de démantèlement nucléaire signé avec l’Iran en juillet 2015 (*).
Avec l’abandon par les États-Unis du Programme conjoint d’action global ou Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) et dans la foulée l’imposition de ses sanctions extraterritoriales aux sociétés étrangères, ce sont les principaux bénéficiaires du retour de l’Iran sur la scène internationale qui sont touchés, à savoir l’Allemagne, l’Italie et la France.
Les fournisseurs traditionnels ont perdu du terrain
Les chiffres du commerce extérieur de biens qui nous sont fournis par la base de données GTA (groupe IHS Market) sont, à cet égard, éclairants. Certes, partis de loin en raison de l’embargo sur l’Iran appliqué avant la conclusion du JCPOA, les trois pays cités n’ont pas remplacé les trois leaders qui approvisionnent traditionnellement l’ancienne Perse, lesquels restent la Chine, numéro un, les Émirats arabes unis (EAU), numéro deux, et la Corée du Sud, numéro trois, auxquels il faut ajouter la Turquie, numéro quatre.
Il n’en reste pas moins que dans un contexte de forte hausse des importations iraniennes depuis l’accord – elles sont passées de plus de 38 milliards d’euros en 2015 à 43,3 milliards en 2017 – celles originaires de l’UE ont bondi, alors que celles en provenance des quatre leaders ont peu évolué.
Résultat logique, les fournisseurs européens ont gagné des parts de marché (PDM), les autres en ont perdu.
L’Allemagne est devenue 5e fournisseur dès 2016
De façon concrète, les importations iraniennes avec la Chine sont passées à 10,9 milliards d’euros en 2017 (9,85 milliards en 2015) et la PDM de l’ex-Empire du Milieu est tombée de 25,88 % en 2015 à 25,18 % l’an dernier.
S’agissant des EAU, de la Corée du Sud et la Turquie, leur part de marché est descendue respectivement à 14,67 %, 7,4 et 6,25 %. A eux trois, ils représentaient 12,3 milliards d’euros d’importations iraniennes. En part de marché, le trio a fortement reculé en deux ans, avec – 3,6 points de PDM pour les EAU, – 2,06 points pour la Corée du Sud, – 1,52 point pour la Turquie.
Derrière les quatre leaders, l’Allemagne a gagné la cinquième place des fournisseurs au détriment de l’Inde et la Suisse. Une position qu’elle a acquise dès 2016, soit aux lendemains de la signature du JCPOA, et renforcée en 2017.
L’an dernier, l’Italie se classait au huitième rang, la France au neuvième, les Pays-Bas au dixième. Le Royaume-Uni était onzième et, si on élargit l’examen des chiffres du commerce extérieur au Top 20 des fournisseurs, on retrouve encore en seizième et dix-septième positions deux autres membres de l’UE, la Belgique et la Suède.
La France, meilleure progression en 2017
Tous ont progressé, au premier chef l’Allemagne, dont la PDM est passée de 4,31 % à 5,83 %, soit une valeur d’importations supérieure à 2,5 milliards d’euros l’an dernier. La dernière année, le Made in Germany a connu une belle progression (+ 22,47 %). La Chine, après un creux en 2016, a redressé la barre en 2017 (+ 23,86 %). Mais s’agissant du Top 10 des fournisseurs de l’Iran, les plus performants ont été l’Italie (+ 45,43 %) et la France (+ 57,06 %).
Ainsi, la France, à la neuvième place en 2017, talonnait l’Italie. Les achats iraniens de Made in France dépassaient 1,26 milliard d’euros, ce qui représentait une part de marché de 2,92 % fin 2017, alors que ceux d’origine italienne approchaient 1,33 milliard d’euros, soit une PDM de 3,07 %.
Allemagne et France très performants début 2018
Bonne nouvelle pour la France (meilleure progression du Top 10 après la Suisse), sur les quatre premiers mois de 2018, elle a pris l’ascendant sur son voisin transalpin, avec une PDM de 3,63 %, contre 2,53 % à l’Italie. De même, l’Allemagne a supplanté la Turquie, le Made in Germany affichant une part de marché de 6,5 % et l’ancien Empire ottoman de 5,67 %.
Deux secteurs principaux sont à la base du succès de l’Allemagne, de l’Italie et la France : la mécanique et la pharmacie. Le retrait, éventuel, sous la pression américaine, des Européens devrait alors profiter directement à leurs concurrents, en particulier à la Chine, la Corée du Sud et la Turquie dans la mécanique.
François Pargny
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