Si la question de la lutte contre les inégalités est le thème centrale du G7 de Biarritz, organisé par la France du 24 au 26 août, nul doute que de nombreux autres sujets seront abordés en cette période de tensions géopolitiques et commerciales multiples, alors que seront réunis les chefs d’Etats et de gouvernements de sept des principales puissances économiques mondiales (outre la France, les États-Unis, le Canada, le Japon, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni), rejoints par huit autres à l’invitation du président Emmanuel Macron.
Ce dernier a en effet, dans une volonté d’ouverture de ce cercle restreint, convié les chefs d’Etats et de gouvernements de huit pays, dont sept émergents ou en développement d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du sud, à assister aux réunions: Afrique du Sud, Australie, Inde, Chili, Burkina Faso, Egypte, Sénégal et Rwanda.
Des choix qui ne laissent rien au hasard d’un point de vue bilatérale et multilatéral : l’Égypte préside l’Union africaine et est considéré comme un acteur clé dans le Golfe. Le Burkina Faso préside actuellement le G5 Sahel, qui lutte contre le terrorisme djihadiste au Sahel et est en première ligne sur ce dossier. C’est une responsable rwandaise qui préside l’Organisation internationale de la francophonie et le Chili accueillera la COP25 sur le climat.
Ce qui laisse prévoir de nombreuses rencontres bilatérales en coulisses sur des dossiers d’actualités du moment, qu’ils concernent la diplomatie (Ukraine, Syrie, Golfe, Iran, Corée du nord, Hong Kong, Cachemire, Cachemire…) ou les enjeux économiques et commerciaux. Le 19 août, Vladimir Poutine, qui ne fait pas partie de ces invités, s’est rendu au Fort de Brégançon pour une rencontre bilatérale avec Emmanuel Macron à l’invitation de ce dernier. Alors que la Chine est absente du G7, le dirigeant indien Narendra Modi sera à Paris dès le 22 août pour rencontrer le président français avant d’avoir des échanges avec le Premier ministre Edouard Philippe le lendemain puis de se rendre à Biarritz.
Brexit, guerre commerciale, réforme de l’OMC
Les dossiers commerciaux internationaux, qui nous intéressent plus particulièrement, ne manquent pas.
Parmi ceux en vedette, le ‘Brexit’ sera un des sujets de conversation entre les participants, alors que Boris Johnson tente un improbable bras de fer avec l’Union européenne (UE) pour renégocier l’accord scellé avec sa prédécesseure Theresa May, notamment le fameux « backstop », ou filet de sécurité, qui doit permettre de ne pas rétablir de frontières physiques entre les deux Irlande. Il prévoit le maintien du Royaume-Uni dans l’Union douanière en attendant un nouveau traité commercial entre l’UE et le Royaume-Uni.
Le Premier ministre britannique, qui est sur une ligne populiste similaire à celle de Donald Trump, brandit la menace d’une sortie sans accord au 31 octobre sans avoir réussi, jusqu’à présent, à ébranler l’unité des Vingt-sept autres pays membres de l’UE : avant le G7, il n’a rien obtenu de la Chancelière allemande Angela Merkel, qu’il a rencontré le 21 août à Berlin, ni du président français, qui l’a reçu le 22 août. Pour les Britanniques comme pour les Européens, l’incertitude est totale sur les conditions dans lesquelles se déroulera finalement le ‘Brexit’.
Autres sujet qui seront sans aucun doute évoqués lors du Sommet : les tensions commerciales, économiques et monétaires provoquées par le bras de fer engagé par Washington avec Pékin, et, dans ce contexte, les perspectives des relations commerciales futures entre l’UE et les États-Unis.
Les Européens, mais aussi le Japon et la plupart des pays représentés à Biarritz, aimeraient aussi avancer sur la question de la réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), seul moyen de sauver, à leurs yeux, ce qu’il reste du multilatéralisme en matière de régulation du commerce international alors que les États-Unis paralyse depuis des mois son organe de règlement des différents en bloquant le renouvellement des juges.
Nul doute que les homologues de Donald Trump auront à cœur d’essayer de sonder les intentions du président américain sur ces sujets.
Sonder les intentions de Donald Trump
Pour l’heure, le président américain continue à suivre un agenda qui lui est propre avec la Chine, sans tenir grand cas, comme sur bien d’autres dossiers, des préoccupations de ceux qui sont pourtant des alliés et partenaires anciens de son pays.
On se souvient que Donald Trump a reporté de 6 mois l’échéance des négociations commerciales avec Bruxelles, initialement prévue le 18 mai dernier, au 18 novembre prochain, tout en laissant périodiquement planer des menaces de taxation de produits européens au gré de ses préoccupations du moment. Récemment il a à nouveau menacé les vins français, déjà ciblés en juin, en représailles à l’adoption par la France d’une taxe sur les entreprises du numérique -dite taxe Gafa- (un des sujets phare du G7, qui doit examiner les travaux de l’OCDE dans ce domaine), mais l’automobile allemande est sa cible préférée depuis des mois.
Ce report des pourparlers avec l’UE est lié à la priorité donnée par Washington aux négociations avec Pékin. Celles-ci concernent non seulement la réduction du déficit commercial, mais aussi le respect de la propriété intellectuelle, la fin des transferts de technologie forcés, les subventions publiques et les conditions d’investissements. C’est aussi dans ce contexte qu’ont surgi les tensions avec Huawei, géant des télécoms chinois dont Washington a décidé de bloquer l’expansion en l’excluant de la 5G et des marchés publics et en lui coupant l’accès aux composants américains.
Les négociations sino-américaines au point mort
Pour le moment, les négociations sino-américaines sont au point mort et même en phase de durcissement.
Le 1er août, après un nouveau round de négociation de deux jours, le président Trump a annoncé, dans un tweet, comme à son habitude, sa décision d’imposer un droit de douane de 10 % sur les 300 milliards de dollars d’importations chinoises non encore touchées par ces augmentations de tarifs dès le 1er septembre, avec la menace qu’il soit progressivement porté à 25 %.
Rappelons que jusque là, 250 milliards de produits importés de Chine étaient déjà taxés à 25 % dans le cadre de ce bras de fer, entraînant des mesures de rétorsions chinoises.
Mais là encore, rien de définitif : quelques jours plus tard, le 13 août, l’administration américaine faisait machine arrière, ayant semble-t-il pris conscience que les produits concernés risquaient de ruiner la saison de Noël outre-Atlantique et donc de mécontenter les consommateurs américains, une erreur en pleine campagne pour un second mandat. Dans un communiqué, Robert Lighthizer, le Représentant au Commerce (USTR), a donc annoncé le report au 15 décembre de l’application de cette nouvelle taxe pour les produits type jouets, ordinateurs portables, téléphones cellulaires, consoles de jeux vidéo, vêtements… Plus de la moitié des importations ciblées bénéficieraient ainsi d’un répit.
Une chose est sûre, sur ce sujet comme sur les autres, les homologues du président Trump auront du mal à obtenir des certitudes de sa part et auront tout intérêt à le suivre aussi sur… Twitter.
Christine Gilguy